Qu'elle était verte ma marée

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Critique de "Les Algues Vertes", de Pierre Jolivet (sortie le 12 juillet 2023). Inès, une jeune journaliste d'investigation débute sa nouvelle série de chroniques radio à partir de morts suspectes en Bretagne. Le point commun qui les relie? La présence d'algues vertes sur les lieux. Pourtant, les autorités judiciaires et le pouvoir politique se refusent systématiquement à pousser les investigations plus loin. Tout comme ceux qui ont voulu dénoncer le scandale avant elle, Inès va se heurter au mur du silence et des contre-vérités. Mais elle ira beaucoup plus loin que ce qu'elle aurait imaginé.

Qu'elle était verte ma marée

En bon artisan du cinéma, Pierre Jolivet signe un film dans l'air du temps, efficace dans sa sincérité et sa modestie. 

Après Irène Frachon, une nouvelle lanceuse d'alerte venue de Bretagne, terreau propice aux caractères bien trempés comme aux scandales sanitaires ou environnementaux, débarque sur nos écrans de cinéma cet été. Dans cette époque saturée en films à thèse écolos, le film de Pierre Jolivet échoue à se démarquer. Il faut dire qu'il reprend une trame déjà maintes fois vue, celle du héros qui se prend de passion pour une quête jusqu'à y sacrifier une grande part de sa vie et se mettre en danger, qui dérange des intérêts puissants et qui rassemble peu à peu autour de lui. Reprenant le rôle qu'elle tenait déjà dans Rouge, mais cette fois-ci omniprésente à l'écran, Céline Sallette s'impose avec une tranquille évidence. Elle a l'entièreté des héroïnes d'aujourd'hui, au détriment de la complexité qui fait le sel des grandes histoires. 

Ce déjà-vu, auquel il faut ajouter une dimension paranoïaque qui ne prend jamais réellement, n'est pourtant pas fatal au film de Pierre Jolivet. En éternel besogneux du cinéma français, il semble se dévouer totalement à l'histoire - bien évidemment vraie - qu'il a découverte et, tout comme Inès Léraud, a la pédagogie comme principal objectif. Ce qui importe est ainsi la présence de cette dimension, son efficacité, et la façon dont elle s'incorpore au récit. Pari réussi, car c'est dans ces moments que le film est le plus convaincant. Comment, petit à petit, et par le simple fait de tendre son micro et de recueillir la parole, la journaliste va démontrer, convertir, entraîner. Cette volonté de faire comprendre, Jolivet comme Léraud semblent n'y avoir jamais renoncé. L'émotionnel, bien que très présent, n'entre jamais en concurrence. Les ingrédients sont bien dosés et la recette réussie.

Surtout, de par le simple déroulé de la narration, le film rend compte d'une rapidité d'évolution des mentalités qui contraste avec la lenteur des procédures judiciaires. Entre 2015, date d'installation d'Inès Léraud en Bretagne, et 2023, une époque semble s'être soldée. A l'ostracisation des fauteurs de trouble a succédé la consécration des lanceurs d'alerte. C'est finalement cela qui inscrit ce film ultra-classique dans une indéniable modernité. 

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