« Médecin généraliste, j’exerce désormais à la cellule de veille sanitaire de l’ARS, un maillon essentiel de la prise en charge autour du patient »

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Après presque 20 ans de médecine générale en cabinet, France Dupuy a voulu aller plus loin, donner une nouvelle impulsion à son exercice. Elle a rejoint, il y a 3 ans, la cellule de veille sanitaire de l’ARS, et depuis son quotidien est rythmé par les alertes, au chevet de toute une population pour éviter les contagions. Un défi qu’elle nous raconte…

« Médecin généraliste, j’exerce désormais à la cellule de veille sanitaire de l’ARS, un maillon essentiel de la prise en charge autour du patient »

France Dupuy, médecin de veille sanitaire à l'ARS Nouvelle-Aquitaine.

© DR.

What’s up Doc : Comment êtes-vous arrivée à la cellule de veille à l’ARS Nouvelle-Aquitaine ?

France Dupuy : Je suis médecin généraliste de formation. J’ai exercé pendant une dizaine d’années en libéral, en tant que remplaçante, dans des cabinets de campagne, mais aussi en région parisienne. Puis pour des raisons familiales, avec trois enfants en bas âge, j’ai décidé d’exercer, en tant que généraliste salariée dans un centre de santé universitaire à Bordeaux. J’y suis restée aussi une dizaine d’années. Et pendant cette période-là, il m’est arrivé de travailler avec la cellule de veille de l’ARS, celle dans laquelle je suis actuellement.

 

« Nous sommes vraiment au cœur de cette prise en charge autour du patient pour limiter la propagation d’une infection »

 

Quel est le quotidien d’un médecin en cellule de veille à l’ARS ?

FD. : Nous sommes vraiment en lien avec les cliniciens, qui s’occupent des personnes malades. En fonction des pathologies, il peut y avoir des actions à mener, pour limiter la propagation de certaines maladies. Nous sommes sur cette prise en charge autour du patient pour limiter ces risques infectieux. On s’assure que toutes les consignes particulières soient bien comprises et appliquées par les soignants, et on vient en soutien pour les expliquer si besoin. On agit aussi sur l’entourage du patient.

 

Par exemple sur la variole du singe, quelle a été votre action ?

FD. : Typiquement dans la variole du singe, il y avait toute une enquête à mener pour essayer de retrouver les personnes qui avaient pu être en contact et qui étaient à risque de développer la maladie. Une fois qu’on les avait identifiées, on a organisé un suivi, avec des appels réguliers, des consignes d’isolement ou du moins de protection, pour ne pas diffuser la maladie, puis des consignes de vaccination par la suite.
Un autre exemple, on a été alertés par les infectiologues du CHU car ils détectaient plus d’infections invasives à streptocoque A. Même si ce ne sont pas des maladies à déclaration obligatoire, ils avaient décelé une anomalie, donc ils nous l’ont signalée. On en a informé les épidémiologistes de Santé Publique France, on a remonté l’info au niveau national. Comme il y avait déjà eu des remontées identiques sur d’autres régions, on a reçu des consignes spécifiques à mettre en place sur la fin d’année 2022, pour surveiller ces infections.

 

« Le point focal régional, point d’entrée de tous signalements sanitaires au niveau de l’ARS, est dans notre service »

 

Vous êtes combien dans cette cellule de veille sanitaire à l’ARS de Bordeaux ?

FD. : Nous sommes 3 médecins, 2 pharmaciens, appuyés par 5 infirmières, et 4 permanencières qui réceptionnent tous les appels des professionnels, tous les mails qui nous sont adressés. Car le point focal régional, qui est le point d’entrée de tout signalement sanitaire au niveau de l’ARS, est dans notre service. Nous nous occupons de toute la région Nouvelle-Aquitaine.

 

Décrivez-moi la journée type d’un médecin de veille sanitaire à l’ARS ?

FD. : Le point focal régional est vraiment le lieu de centralisation de tous les évènements sanitaires de la région. Tous les signalements reçus nous sont adressés et nous les gérons avec les différentes équipes de l’ARS. Nous, au niveau de la CVAGS (Cellule de veille d’alerte et gestion sanitaire), on va surtout s’occuper des maladies infectieuses pour lesquelles il y a des déclarations obligatoires. On peut aussi s’occuper des évènements indésirables graves liés aux soins, qui peuvent avoir lieu en établissement de santé. Toutes les informations sont enregistrées et validées à notre niveau. Et si on voit sur un même établissement, une répétition de petits évènements indésirables, on va faire un point avec la délégation départementale sur des mesures à prendre pour que ça n’arrive plus.

Ensuite il y a tout ce que nous avons à gérer autour des maladies à déclaration obligatoire. Là on va travailler avec nos collègues santé environnementale. Par exemple sur une légionellose, car ce sont des pathologies liées au circuit d’eau.
On peut aussi avoir à gérer des intoxications alimentaires collectives. On va investiguer sur la partie humaine ou travailler avec les collègues des directions départementales de protection des populations, qui dépendent des préfectures. Eux vont pouvoir aller faire des prélèvements en restauration collective, pour s’assurer que les circuits de préparation des repas sont bien respectés... En fonction des différentes thématiques, nous allons travailler en lien avec nos partenaires inter ARS ou des partenaires d’autres administrations.

 

« Je crie haut et fort que je n’ai pas lâché mon activité de médecin, je suis soignante, au contact des proches des malades »

 

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre exercice ?

FD. : Depuis 3 ans, je découvre des choses différentes au gré des alertes. En plus, je garde ce lien avec les patients et les cliniciens, pour toutes les maladies infectieuses. Je suis soignante de formation, c’est mon cœur de métier, c’est ce que j’aime. Et je me sens surtout acteur à un niveau différent de la santé des personnes. J’agis moins sur la personne malade, mais je m’assure que tout son entourage aille bien. Nous définissons les personnes à risque. On doit leur expliquer pourquoi il y a un intérêt à se faire vacciner, les rassurer, expliquer s’il faut prendre un traitement antibiotique préventif, parler, organiser l’isolement si besoin... On s’appuie beaucoup sur les médecins traitants, on va les informer, leur demander de recevoir quelqu’un en urgence, de prescrire tel ou tel antibiotique.

Donc je crie haut et fort que je n’ai pas lâché mon activité de médecin. Nous ne sommes pas du tout dans le cliché du médecin de l’ARS, très administratif, un peu planqué. Dans l’activité de la cellule de veille, on a vraiment toute notre place médicale.

 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/page/agence-regionale-de-sante

 

Quel est le profil du médecin parfait pour vous rejoindre ?

FD. : Il faut avoir un sens du collectif. On travaille en équipe, avec des procédures que l’on fait évoluer au quotidien en fonction des pathologies. On continue d’apprendre tous ensemble. C’est bien d’arriver riche de sa propre expérience. J’ai quand même des années de consultation de généraliste derrière moi, et je connais leur quotidien. Je sais qu’ils n’attendent pas le coup de téléphone de l’ARS les bras croisés.
Quand j’ai choisi d’exercer à l’ARS, mon entourage de médecins ne comprenait pas, tout le monde me demandait : “Mais qu’est-ce que tu vas faire à l’ARS ?”, et au bout de 3 ans mes amis médecins ont tous compris.

- Un entretien organisé sous la bonne veille (pas sanitaire) de l'ARS Nouvelle-Aquitaine

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