Covid-19 : une overdose médiatique

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UNE CRISE SANITAIRE MONDIALE ET LES MEDIAS QUI S’EMBALLENT. COMMENT LES FRANÇAIS ONT JUGE LES MEDIAS ET LES SCIENTIFIQUES PENDANT CETTE PERIODE ? PEUT-ON PARLER D’UNE SATURATION ? ANALYSE.

Covid-19 : une overdose médiatique

Sur les écrans des chaînes d’info s’affichent les perfs et autres appareils de réanimation.
Le masque sur le nez, un soignant raconte sa fatigue et son combat contre la Covid-19. Depuis un an, les caméras des journaux télévisés documentent le quotidien des équipes
de soignants dans les hôpitaux. Par son caractère exceptionnel et mondial, la Covid-19 a peu à peu chassé les autres sujets des chaînes d’info. Pendant le premier confinement, les sujets Covid-19 ont même occupé 80,5 % du temps d’antenne dans les JT télévisés. Aucun sujet de santé n’avait à ce point écrasé l’actualité depuis 25 ans, souligne l’INA. À titre d’exemple, La Croix a fait 110 « unes » sur l’épidémie en 2020. Un record pour ce journal depuis la Seconde Guerre mondiale. 

Côté télé, sur l’année 2020, les sujets sur la Covid-19 ont représenté 51 % du temps d’antenne. Pour l’INA, cette omniprésence s’explique par le nombre de morts, « un facteur permettant d’expliquer le haut niveau de médiatisation de la pandémie », mais aussi par les différentes prises de parole des membres de l'exécutif. La personnalité qui a passé le plus de temps à l’antenne l’an passé, n’est d’ailleurs pas un expert mais un politique : Olivier Véran, ministre de la Santé. « Les pics semblent conditionnés par des annonces de l’exécutif qui entraînent des conséquences fortes sur la vie quotidienne de la population », souligne l’INA. 

Seulement, cette omniprésence des sujets Covid-19 divise les Français. Selon le baromètre annuel de confiance des médias réalisé par le journal La Croix, 43 % des Français ont jugé que l’actualité autour du Covid était mal traitée ; contre 44 %
qui la jugent bien traitée. En revanche, 62 % des sondés estiment que la couverture médiatique n’a pas permis de réduire l’incertitude liée à la situation.

De fait, la crise de la Covid-19 a fait s’envoler l’audience des médias traditionnels (télévision, radio, journaux…). La chaîne de TV France Info a gagné 600 000 auditeurs de plus en un an et BFMTV a vu ses chiffres augmenter de 1,1 point sur un an. En moyenne, BFMTV réunit 11,8 millions de Français par jour. De plus, les différentes allocutions du Président ont battu des records d’audience. Même si depuis plusieurs mois une érosion apparaît, le 13 avril 2020, Emmanuel Macron a battu tous les records avec 36,8 millions de Français devant leur télévision.

Paradoxalement, le traitement médiatique de cette crise n’a pas créé d’effet de saturation chez les Français. Il aurait même renforcé la confiance dans le métier de journaliste. 91 % des Français estiment dans l’absolu que ce dernier est utile, rapporte un sondage Viavoice pour les Assises du journalisme. Cela représente une hausse de 5 points sur un an. Enfin, 67 % des sondés estiment même que l’information diffusée durant cette crise les a aidés dans leur vie quotidienne.

En revanche, les Français ont estimé que les débats autour de la chloroquine, sur l’origine du virus et de l’épidémie ou encore sur les conséquences psychologiques de la pandémie ont souffert d’un déficit d’informations. En somme, les sujets sur lesquels les données scientifiques ont manqué ont laissé la place au doute et à ceux qui les alimentent. « La nouveauté de cette crise est que l’on s’est retrouvé face à un phénomène pour lequel il n’existait pas de vérité scientifique, pas d’étude 

et donc pas de spécialistes au début de l’épidémie », souligne Estelle Cognacq, directrice de la rédaction de France Info. Même analyse pour Agnès Vernet, présidente de l’Association des journalistes scientifiques de la presse d’information (AJSPI). « Il y a eu des choix d’experts malheureux à qui on a donné beaucoup de place. Mais on a aussi vu émerger de belles initiatives, et cela a soulevé des débats très intéressants dans la communauté scientifique. »

À cette cacophonie des experts, s’est aussi ajoutée celle des membres du Gouvernement qui se sont contredits sur les plateaux de télévision. Sur l’utilité des masques par exemple, et plus récemment sur les chiffres de vaccination en France. De fait, les Français ont estimé que face à ces contradictions dans le débat public, les journalistes avaient plutôt bien informé, même s’il reste des marges de progression notamment sur la façon dont la parole des experts est présentée en plateau. « Cette crise sanitaire nous aura aussi permis de comprendre que tous les médecins, aussi compétents soient-ils ne sont pas de bons experts ni de bons pédagogues », conclut Agnès Vernet.

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