Combler le Covid

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Critique de "Cléo, Melvil et moi" de Arnaud Viard (sortie le 5 juillet 2023). Un acteur cinquantenaire et fraîchement séparé "profite" du confinement pour s'occuper de ses deux enfants en bas âge et faire le point sur sa vie. Entre effeuillage de souvenirs et d'une pharmacienne, il filme ce moment-clé de son existence.

Combler le Covid

Mais pas de scoop : pour la plupart des français, il ne s'est rien passé pendant le confinement. Le film l'illustre parfaitement...

On aurait souhaité qu'il nous charme, ce film qui lorgne ouvertement vers Woody Allen - même s'il s'agit plus probablement d'une stratégie commerciale que de la volonté première du réalisateur, l'acteur Arnaud Viard qui a pris l'habitude de se mettre à nu dans les films qu'il réalise. Une affiche typiquement allénienne, un noir et blanc léché, un Paris de carte postale où personne n'est dans les rues mais tout le monde dit I love you en poussant la chansonnette, un divorce qui ne se passe pas vraiment mal mais pas vraiment bien non plus, une auto-analyse en forme d'exercice de style littéraire... Tout pourrait être aérien, jazzy, légèrement enivrant et pétillant comme du champagne ou comme le sourire de la délicieuse et lumineuse Marianne Denicourt, qui interprète la pharmacienne aux prises avec la parade amoureuse que Viard ne se lasse pas de nous détailler avec une satisfaction non feinte.

Pourtant, ça ne prend pas. Probablement parce que tout ceci se déroule lors d'un confinement qui, s'il réussit à en retranscrire l'atmosphère, condamne Viard à filmer cette période pour ce qu'elle a été pour lui : du vide et du plat. Du sur place. Des inquiétudes financières et un planning de papa poule ; on avait oublié à quel point il est lassant de voir jouer les enfants des autres... L'accès à son vécu intérieur, à ses tourments, nous est barré par son intellect : dès qu'il aborde son histoire familiale, il monologue à la deuxième personne tel un apprenti écrivain égrenant le lieu commun de ses souvenirs d'enfance ; quant au désir amoureux, il est trop égotique pour vraiment nous toucher. Se laisser émouvoir par les drames des autres ? Allons, vous n'y pensez pas...

Cette atonie est finalement le reflet d'une forme de réalité : pendant le confinement, pour la plupart des gens, il ne s'est absolument rien passé. Il nous le rappelle, mais qu'avions-nous besoin qu'il le fasse? A scruter ses déambulations et ses petits soucis de petit bourgeois, à mettre ses enfants en scène, il semble surtout leur offrir un album-souvenir, faire un cadeau à ses proches, si ce n'est à lui-même. On peut trouver le geste émouvant. Mais on peut aussi avoir envie de regarder ailleurs.

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