Odile Amiot : « Psychiatre, en plus des imageries, des bilans bio, le scanner c’est nous, nos yeux, nos oreilles, nos questions »

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Psychiatre PH depuis 13 ans en région parisienne, Odile Amiot nous parle du rapport au corps, de l’équilibre vie pro vie perso et de patients qui vont bien.

Odile Amiot : « Psychiatre, en plus des imageries, des bilans bio, le scanner c’est nous, nos yeux, nos oreilles, nos questions »
Odile Amiot a d’abord refusé de se tourner vers la psychiatrie après un stage d’externat « incroyable » mais « où on ne guérissait pas les gens ».  « Je croyais encore à ce moment-là que tous les médecins guérissaient vraiment leurs patients. Puis, j’ai réalisé que travailler à l’hôpital public consistait plus à les accompagner que les guérir complètement », explique-t-elle le sourire aux lèvres. « Accompagner des patients dans leur quotidien, leurs souffrances et leurs démarches […] jusqu’à ce qu’ils aillent bien », c’est aujourd’hui le quotidien de cette psychiatre du CMP de l’hôpital Paul-Guiraud, situé à Boulogne-Billancourt.

Psychiatre depuis plus de 10 ans, d’abord en unité d’hospitalisation avant de prendre un « virage 100% consultations » en CMP, Odile Amiot est passionnée par cette « discipline particulièrement vaste ». « On est dans l'aide à l'autre avec une expertise médicale, une prise en charge médicamenteuse et en plus de ça, on peut avoir un bagage psychothérapique humain extrêmement riche et important », explique la psychiatre pour qui « chacun peut trouver son compte » dans cette spécialité. Les post-it qui dépassent des nombreux livres de sa bibliothèque attestent de son intérêt pour la sémiologie « très riche » de cette spécialité. « Il faut savoir déchiffrer, dans le discours un peu banal de nos patients qui nous racontent leur vie, le tableau complet du patient. Ils ne sont pas là pour nous apporter des mots-clés ».

Voir des patients qui vont bien 

Avec douceur et empathie, Odile Amiot enchaînent les consultations. Une mère de famille souffrant de troubles anxiodépressifs est incapable de trouver le sommeil dans son petit appartement où toute la famille dort sur des matelas à même le sol. Un jeune artiste peintre schizophrène réclame des doses plus importantes de médicaments quand une patiente, bipolaire stabilisée depuis des années, plaisante avec bonne humeur avant de prendre son ordonnance habituelle. « La grande chance de travailler en consultation, c'est qu'on a l'opportunité de voir des patients qui vont bien », affirme la psychiatre.

« On a connus certains patients à des moments où ils n'allaient pas bien ou en sortie d'hospitalisation et qui, grâce à la prise en charge médicamenteuse mais pas que, sont aujourd’hui sortis de leur état dépressif, ont réintégré leur vie professionnelle, ont une vie familiale épanouie et qui se surveillent, prennent soin d'eux dans l'idée de ne pas rechuter ».

Prendre soin des soignants 

En 10 ans d’exercice à l’hôpital elle a acquis « de l’expérience et un certain nombre de compétences », et juge « fondamental d’y rester plusieurs années pour se former ». Elle garde aussi de cette période de sa vie professionnelle le souvenir douloureux de la perte de deux patients. « Ça été un gros choc pour tous. Forcément, on se demande si on a tout fait, si on aurait pu faire plus. Alors, on se remet en question et on parle beaucoup dans des réunions pour reprendre ça en équipe », se souvient Odile Amiot. « Moi, j'étais accusée de faire des réunions trop longues », plaisante-elle en soulignant que « ce partage d’information est fondamental ».

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Odile Amiot prévient, la psychiatrie est « une discipline qui remue beaucoup et il faut être prudent de se dégager des espaces personnels, prendre de la distance et du temps pour soi ». Aujourd’hui, elle organise son temps de travail pour « croiser un peu plus souvent ses enfants », veille à renforcer les liens forts qui unissent l’équipe du CMP et s'est promis de prendre au maximum ses jours de congé. « Même si c’est difficile car on est dans une crise hospitalière que je n'ai jamais connue et encore plus en psychiatrie », concède celle qui plaide pour qu’on « prenne soin des soignants ». Ces dix ans de carrière ont été un « chemin pas toujours facile avec des périodes de doute, de stress, d'épuisement » mais lui ont surtout permis « d’évoluer » et de faire des « rencontres incroyables devant et derrière le bureau ».

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