« Je me suis déconventionnée, je n’avais pas d’autres solutions pour faire de la médecine de qualité, même si je gagne moins »

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Alexia Michelin, médecin généraliste à Estissac a décidé de se déconventionner depuis le 1er juillet. Elle explique ses raisons, et quel changement cela a occasionné dans son exercice.

« Je me suis déconventionnée, je n’avais pas d’autres solutions pour faire de la médecine de qualité, même si je gagne moins »

What's up doc : Depuis combien de temps exercez-vous ?

Alexia Michelin : Cela fait 7 ans que j’exerce en tant que médecin généraliste. Avant, j’étais installée avec deux confrères, nous étions dans un cabinet médical puis, il y a 4 ans, nous avons décidé de nous installer dans une maison de santé pluridisciplinaire.

Vous avez décidé de vous déconventionner, une décision lourde de sens, quelles sont vos raisons ?

A M. : Je n’étais plus en accord avec la politique de santé qui est promue par l’état. Quand on écoute les politiques de santé, tout tourne autour de la quantité de soin au dépend de la qualité des soins. On nous parle toujours de prendre en charge plus de patients et de déléger des actes médicaux. La qualité des soins n’apparaît nulle part dans leur politique. Je voulais exercer une médecine qualitative basée sur une relation médecin-patient respectueuse. L’aspect financier n’était pas en jeu. Il y avait aussi la pression de l’assurance maladie avec la Rosp, qui n’est pas du tout un reflet de notre pratique, c’était insupportable.

Que pensez-vous de l’exercice coordonnée, des CPTS… 

A M. :  Je n’ai toujours pas compris l’intérêt des CPTS. Pour moi travailler avec les professionnels des environs c’est quelque chose que l’on fait déjà au quotidien. Nous n’avons pas besoin des CPTS pour cela. Et pourtant j’ai assisté à des réunions sur le sujet. J’ai l’impression que l’on a envie de nous faire déléguer des choses ou de nous faire rédiger des protocoles. Ce n’est pas ce que j’ai envie de faire, je veux soigner des patients de la meilleure façon possible.

À combien facturez-vous votre consultation à présent ?

A M. : Je facture une consultation standard de 20 minutes, 40 euros. Une consultation de plus de 30 minutes est facturée 60 euros mais cela arrive rarement que je facture à ce tarif. Avant je passais 10 à 15 minutes par patient. 

Votre patientèle a-t-elle diminué ?

A M. : Oui mais c’était volontaire, c’était aussi le but. Il faut se rendre à l’évidence, pour bien s’occuper des gens il faut avoir une patientèle plus petite. Je suis passée de 35 consultations par jour à 10-20 consultations par jour, 5 jours sur 7.

Quelle a été la réaction de vos patients ?

A M. : Certains sont partis, ce que je comprends parfaitement. Financièrement, c’est un coût. D’autres ont compris et m’ont soutenue dans la démarche. Ils ont bien vu qu’au fur et à mesure des semaines je m’épuisais. Cela n’a pas été une surprise, j’ai fait toutes les grèves pour la nouvelle convention, qui n’a mené à rien d’ailleurs.

Pensez-vous que vos patients réfléchissent plus qu’avant de venir vous consulter, maintenant qu’ils paient ?

A M. : C’est compliqué de se faire une idée, cela ne fait que 15 jours. Je pense que d’ici six mois j’aurais vraiment une idée plus précise en termes de fréquentation. Les patients qui partent ne sont pas les plus défavorisés, c’est étonnant. Ceux qui continuent à venir me voir ne sont pas les plus aisés. Je pense que la confiance est une chose importante, tous les patients qui ont confiance en moi préfèrent rester avec moi. Quand on se déconventionne on veut retrouver une relation médecin-patient qui soit respectueuse. En cas de difficultés financières je suis capable de faire des efforts : des paiements en plusieurs fois, des actes gratuits exceptionnellement. C’est tout à fait envisageable et entendable.

« Les personnes viennent chercher une expertise médicale, un suivi, une écoute. Mon temps n’est plus utilisé à mauvais escient »

Avez-vous moins de tâches administratives ?

A M. : Je n’ai plus l’aspect carte vitale mais le métier en lui-même ne change pas. Ce qui change, c’est le motif de consultation. Je n’ai plus les patients qui viennent pour des certificats médicaux enfant-malade pour ne pas payer la cantine ou pour un arrêt de travail de trois jours. On paye une consultation qui n’est pas remboursée, on y met de sa poche. Les personnes viennent chercher une expertise médicale, un suivi, une écoute. Mon temps n’est plus utilisé à mauvais escient.

Gagnez-vous plus ?

A M. : Je gagne moins, mais je gagne beaucoup en sérénité.  Les consultations sont beaucoup plus confortables pour mes patients et pour moi.

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Conseillerez-vous à d’autres généralistes de se déconventionner ?

A M. : Clairement je ne vois pas d’autres solutions pour l’avenir, pour ceux qui veulent continuer à pratiquer une médecine de qualité. Nous ne pouvons pas continuer à avoir des consultations à la chaîne. Le fait d’être sous-payés nous oblige à faire des consultations plus courtes et de générer des comportements anormaux. Par exemple, lors d’une consultation de 15 minutes, on ne peut pas traiter plusieurs pathologies. Cela oblige le patient à revenir alors que les rendez-vous sont difficiles d’accès. Cela en vient à être irrespectueux pour le patient. Ils ont le droit que l’on s’occupe d’eux dans leur globalité.

Si les négociations de la convention aboutissaient à une augmentation des consultations 40 ou 50 euros, vous reconventionnerez-vous ?

A M. : Je ne pense pas. Peut-être, mais je pense que c’est important qu’il y est un petit reste à charge pour les patients afin qu’ils soient impliqués dans leurs soins. La médecine gratuite cela rend notre métier moins précieux et moins respecté. On en arrive à des situations où les patients font plus confiances à leur naturopathe, sans aucun diplôme validé par l’état.

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