Sur l'aide à mourir, les soignants sont divisés mais exigent tous des prérequis : collégialité de la décision, clause de conscience...

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Les soignants sont divisés sur "l'aide à mourir" prévue dans le futur projet de loi sur la fin de vie, mais tous se rejoignent sur un point : la nécessité de solides garde-fous pour éviter que ce texte ne trahisse leur mission. 

Sur l'aide à mourir, les soignants sont divisés mais exigent tous des prérequis : collégialité de la décision, clause de conscience...

© Midjourney x WUD

L'Ordre des médecins, dans des recommandations en avril 2023, ne s'opposait pas formellement à "l'aide active à mourir", mais énonçait des conditions à respecter si le législateur devait la mettre en place.

"L'évaluation" de la demande d'aide à mourir, "la décision d'éligibilité (...) et la responsabilité devrait être collégiale", estimait notamment cette instance, qui se prononcera spécifiquement sur le projet de loi lorsqu'il sera présenté au Conseil des ministres, en avril.

L'Ordre s'opposait également à ce que l'aide à mourir concerne les mineurs ou les personnes hors d'état d'exprimer leur volonté et demandait qu'une clause de conscience laisse la possibilité à un médecin de ne pas prescrire ou administrer un produit mortel.

Cette position apparaît intermédiaire entre l'opposition résolue au suicide assisté de la Société française de soins palliatifs (SFAP) et d'autres organisations de médecins et d'infirmières, et des positions plus ouvertes, défendues par d'autres soignants.

L’euthanasie déjà pratiquée « sous le manteau » 

Du côté des médecins généralistes, "je pense que nous sommes globalement dans le même équilibre que la Convention citoyenne", qui avait demandé la légalisation de l'aide active à mourir, indique à l'AFP le docteur Sylvain Bouquet, vice-président du Collège de médecine générale.

"Nous avons tous eu un proche pour lequel nous nous sommes demandés : Pourquoi on le laisse mourir comme ça", dit-il. Sans compter que, dans certaines situations extrêmes, l'euthanasie est pratiquée "sous le manteau", ajoute-t-il.

"Si en tant que médecin, vous mettez en place une sédation terminale un peu forte, un peu limite, vous ne pouvez pas en parler. Ça serait bien que la société nous donne un cadre, des limites", estime-t-il.

Pour autant, le Collège de médecine générale demande lui aussi des contraintes pour encadrer le suicide assisté : la collégialité de la décision, l'existence d'une clause de conscience...

Le plus difficile pour un soignant sur le plan éthique est sans doute la question de l'euthanasie : peut-il donner lui-même un produit mortel à une personne qui ne peut plus se l'administrer elle-même ?

L'Ordre des médecins se dit "défavorable à la participation active du médecin lors de la prise du produit létal par le patient" : pas de geste actif du médecin, donc, même s'il "pourra accompagner son patient jusqu'à ses derniers instants".

« Un accès plus large aux soins palliatifs » suffirait

"Dans les faits", le besoin qu'aurait un malade de recourir à un tiers "ne correspond quasiment à aucune situation", minimise le professeur Régis Aubry, co-rapporteur de l'avis du Comité national d'éthique (CCNE) qui avait ouvert la voie à l'aide active à mourir.

"J'ai vu en Suisse un système où le patient" déclenche l'administration du "produit avec un mouvement de la paupière", a-t-il dit.

En tout cas, selon lui, si la France instaure une forme de suicide assisté, "il faudra absolument se doter d'un dispositif d'évaluation" pour "déceler d'éventuels effets inattendus".

Face à ces questionnements, le Premier ministre, Gabriel Attal, a confirmé mardi à l'Assemblée nationale que la future aide à mourir serait "encadrée par des conditions strictes, des critères précis, une décision collégiale de l’équipe médicale".

Nombre de soignants demeurent sceptiques et estiment qu'un accès plus large aux soins palliatifs suffirait pour résoudre l'essentiel des situations difficiles.

"Je suis médecin depuis plusieurs années, j'ai eu plusieurs demandes d'euthanasie dans ma carrière : toutes les demandes ont disparu au moment où vous apportez une réponse à la souffrance psychique, à la souffrance physique ou à l'isolement", a affirmé mardi sur franceinfo le médecin et député LR Philippe Juvin.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/supprimer-les-malades-pour-supprimer-le-probleme-moindre-cout-medecins-et-soignants

"On sait bien que souvent la loi rattrape la pratique", estime de son côté un responsable d'une organisation de soignants, sous couvert d'anonymat. Si la loi désormais autorise l'aide à mourir, "quelle sera la prochaine marche ?".

Avec AFP

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