« Médecin, j’ai essayé de m’installer au Mexique, c’est loin d’être facile, je vois 10 patients par semaine »

Article Article

Pour suivre son mari, Joséphine*, 45 ans médecin gastro-entérologue, a décidé de tenter l’installation au Mexique. Les conditions d’exercice se sont avérées compliquées. Retour d’expérience après 3 ans dans le pays.

« Médecin, j’ai essayé de m’installer au Mexique, c’est loin d’être facile, je vois 10 patients par semaine »

© IStock 

« Je suis gastro-entérologue. J’ai exercé pendant une dizaine d’année en France en exercice mixte. Il y a trois ans j’ai décidé de suivre mon mari à Mexico. À mon arrivée, j’ai dû faire des demandes d’équivalence afin que mon diplôme de gastro-entérologue soit reconnu. Au Mexique cela se passe en deux étapes. Une sur dossier et l’autre sur concours. La première permet d’obtenir le diplôme de médecine générale et chirurgie. Il faut constituer un dossier et faire en sorte qu’il colle le plus possible aux maquettes de leur fac pour obtenir l’équivalence.

Il m’a fallu un an pour l’obtenir. Un fois obtenu, on peut s’inscrire à un organisme, l’équivalent de l’URSAFF. Et cet organisme octroie un numéro sans lequel, on ne peut pas exercer. Ensuite, pour exercer dans sa spécialité, il faut passer un examen. Si on réussit, on redemande un numéro qui autorise l’exercice dans la spécialité. Il faut 2-3 ans pour obtenir l’équivalence de la spécialité. Le concours a lieu une fois par an au mois de février.

Ensuite plusieurs options se présentent à vous : travailler à l’hôpital public, ou l’hôpital privée en libéral. Dans les campagnes le système est différent. À Mexico il y a une concurrence très importante et tous les médecins veulent travailler dans les meilleurs hôpitaux privés.

Pour le moment j’ai réussi à obtenir ma première équivalence donc j’exerce en tant que généraliste. La plupart des Mexicains travaillent à l’hôpital public 6 heures par jour et le reste du temps à l’hôpital privé. Ils sont très courageux et travailleurs, pas de repos de sécurité dans ce pays ni de droit du travail. Pour trouver un poste dans un hôpital privé, il faut être coopté. Pour ma part j’ai rencontré plusieurs médecins qui m’ont dit qu’ils allaient me parrainer, mais cela n’a jamais été suivi des faits. Ils ne disent jamais non mais ne font pas forcément ce qu’ils disent.

Pour ma part, je ne voulais pas travailler à l’hôpital public, on y gagne l’équivalent du SMIC et les conditions de travail ne sont pas terribles.

« Les Mexicains n’ont pas la même façon de soigner que nous et ne font pas confiance aux autres médecines » 

J’ai donc décidé d’ouvrir mon cabinet en tant que médecin généraliste. Mais là, encore, ce n’est pas évident. Les Mexicains n’ont pas la même façon de soigner que nous et ne font pas confiance aux autres médecines. Ils prescrivent beaucoup de médicaments et beaucoup d’examens, même inutiles, car ils sont aussi rémunérés à l’examen. Du coup, ma patientèle est en majorité constituée d’expat, et j’estime ne pas avoir réussi vraiment réussi à travailler mais plutôt travailloté. Pour moi un exercice de médecin, c’est consulter et soigner de 9h à 19h, en ce moment je soigne 10 patients par semaine. 3 ans c’est vraiment court pour se constituer une patientèle là-bas. En France, il n’y a une vraie pénurie de médecins, avec Doctolib les plannings sont tout de suite remplis. Au Mexique, il faut au moins rester 6-7 ans pour se constituer une patientèle.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/le-medecin-francais-sexporte-mal-0

La prise en charge est vraiment différente de la France. L’argent est partout. Si vous avez une cris d’appendicite par exemple et que vous arrivez à l’hôpital, on va d’abord vous demander votre carte bleue, vous faites un dépôt, et ensuite on vous soigne. Si vous êtes pauvre, l’hôpital va d’abord obtenir le paiement avec la mutuelle. Et c’est seulement une fois l’aspect financier réglé que le patient est pris en charge. C’est un modèle à l’Américaine. Dans les cliniques privées la consultation varie entre 50 et 100 euros. À côté de toutes les pharmacies, des médecins consultent à la sauvette pour 3 ou 4 euros. Dans mon cabinet, j’ai fixé la consultation à 50 euros.  

La population mexicaine est très accueillante, mais s’y installer comme médecin est très compliqué. Il faut être très motivé et rester longtemps. Pour ma part, nous déménageons au Brésil, on verra si l’installation y est plus simple. » 

*le prénom a été modifié

Les gros dossiers

+ De gros dossiers