Fragilisée et décimée : quel avenir pour la Ciivise ?

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Sans dirigeants suite à l’accusation dagression sexuelle de sa vice-présidente, la pédiatre Caroline Rey-Samon, suivie de la démission du président Sébastien Boueilh, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) semble en péril, et avec elle l'avenir de ses préconisations.

Fragilisée et décimée : quel avenir pour la Ciivise ?

© Midjourney x What's up Doc

Que s'est-il passé ?

C'est un drame en trois actes.

Acte 1 : la décision, à l'automne, de l'exécutif de ne pas renouveler l'équipe dirigeante de cette commission, lancée en 2021 et qui a recueilli en trois ans près de 30 000 témoignages.

En dépit de la mobilisation d'élus, de personnalités et d'associations, le gouvernement décide d'écarter son président, le juge des enfants Edouard Durand, qui dénonce régulièrement les dysfonctionnements de la justice. Il est remplacé par Sébastien Boueilh, ancienne victime d'inceste et responsable d'une association réputée dans le milieu sportif. La pédiatre et médecin-légiste Caroline Rey-Salmon est nommée vice-présidente.

Acte 2 : au lendemain de la reprise, lundi, des travaux de la commission, une plainte est déposée à Marseille pour "agression sexuelle" contre Caroline Rey-Salmon. Cette dernière se met en retrait mercredi.

Acte 3 : Sébastien Boueilh annonce jeudi soir sa démission, s'estimant "la cible de calomnies et d'attaques personnelles". Son soutien apporté à Caroline Rey-Salmon ainsi que ses propos sur "la justice (qui) tranchera" ont été interprétés comme une mise en doute de la parole des victimes et une volonté de les faire taire, contraires à ce que défend la Ciivise.

La Ciivise est-elle morte ?

Le ministère de la Santé a annoncé jeudi soir qu'il "prenait acte" de la démission de Sébastien Boueilh. "Nous réunirons dans les prochaines semaines les acteurs du secteur pour étudier les suites à donner à la commission", a-t-il indiqué, sans plus de précisions.

Quelle forme, avec quels membres et quelle feuille de route ? Autant de questions qui devraient se retrouver sur le bureau de Sarah El Haïry, nommée jeudi ministre déléguée à l'Enfance, à la Jeunesse et aux Familles, en remplacement de l'ancienne secrétaire d'Etat à l'Enfance Charlotte Caubel.

Les représentants des victimes craignent de voir le sujet de la lutte contre les violences sexuelles reléguer au second plan, après le mouvement né dans le sillage de la publication du livre de Camille Kouchner, La Familia grande, début 2021, qui dénonçait l'inceste commis sur son frère par le politologue Olivier Duhamel.

"Nous avons cru que la honte allait changer de camp", écrit le juge Edouard Durand dans un essai publié jeudi. "Pourtant, tout laisse à penser que la parole des victimes, on l'a assez entendue. Ça suffit. On éteint la lumière."

Qu'en disent les associations et les victimes ?

L'association Face à l'Inceste juge "impossible d'enterrer la Ciivise" : "Les violences sexuelles sur mineurs sont un phénomène de masse et systémique, il faut une réponse politique et collective", déclare sa déléguée générale Anne Clerc, membre de la Ciivise 2.

"La libération de la parole des actrices illustre comment les victimes, mais aussi la société, veulent sortir du silence sur les conduites pédocriminelles", relève-t-elle, en référence aux propos de Judith Godrèche, Isild Le Besco ou encore Adèle Haenel sur les violences et l'emprise dont elles ont été victimes dans leur adolescence, de la part de cinéastes des décennies plus âgés qu'elles.

Pour Arnaud Gallais, ex-membre de la Ciivise et président de l'association BeBrave, c'est un "immense gâchis". "Emmanuel Macron a été à la hauteur des enjeux en lançant la Ciivise en 2021, il faut qu'il le soit encore aujourd'hui".

Laurent Boyet, de l'association de défense des enfants Les Papillons et ancien membre lui aussi de la Civiise, regrette que ce qui a été "construit durant trois ans aux côtés de Édouard Durand, a été abîmé, cassé, maltraité". "Que reste-t-il de vos espoirs, de votre confiance ?", demande-t-il aux victimes.

Quid des préconisations de la Ciivise ?

Dans son rapport remis en novembre 2023, la Ciivise a émis 82 préconisations destinées à protéger les enfants contre les pédocriminels, en posant notamment la question de l'imprescriptibilité des viols sur enfants.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/un-chirurgien-soupconne-de-plus-de-200-actes-de-pedophilie

Interpellée à ce sujet à l'Assemblée nationale le 20 décembre, Charlotte Caubel affirmait que 41 préconisations avaient été "initiées" et que "25 autres étaient en cours d'expertise par une mission d’inspection interministérielle". Cette dernière doit rendre ses conclusions d'ici le mois de mars.

Avec AFP

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