80% des jeunes chirurgiens ne sont pas formés à la robotique, il faut que ça change !

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Alors qu’est-ce qu’on attend ? Arguant des impératifs de santé publique à soutenir une politique de concertation autour de la chirurgie robotique en France, Jean-Claude Couffinhal, chirurgien thoracique et vasculaire, sonne le tocsin depuis des années pour une prise de conscience et un engagement des milieux médicaux, tutelles, décideurs et payeurs.

80% des jeunes chirurgiens ne sont pas formés à la robotique, il faut que ça change !

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« Notre parc est de 250 robots en chirurgie générale et avec une croissance de 50/60 robots/an, nous rattrapons notre retard, souvent à l’initiative de bons coelioscopistes considérant qu’ils doivent passer à l’étape supérieure. Pour autant, nous ne nous inscrivons pas encore dans une dynamique de santé publique et il reste toujours trop de chirurgie ouverte. Autre résultat scandaleux, le taux résiduel de mini-invasif et de robotisation entre les différentes régions en France. Il faut soutenir la démocratie sanitaire et refuser une médecine à deux vitesses pour les patients et pour deux catégories de chirurgiens. »

La formation, parent pauvre et sacrifié

Autre dommage collatéral du retard français, l’insuffisance d’accès à la formation des internes. En CHU d’abord, puisque les robots sont utilisés pour les opérations, lesquelles ne sont pas praticables à deux et les simulateurs peu mis à la disposition des étudiants par peur de casse. Seules 4 écoles en France sont dotées d’un simulateur, dont aucune à l’APHP. Il s’agit pourtant d’un outil de formation fabuleux sur lequel le chirurgien peut s’entrainer hors du corps du patient à l’habilité des gestes mais aussi à des procédures, avec des informations et alertes contextuelles, de la pédagogie et un retour par l’IA sur la qualité de sa pratique.

Une enquête du Conseil national des jeunes chirurgiens de 2021 montre que sur 2000 chirurgiens (de l’interne de première année jusqu’au docteur junior), 75% pensent qu’ils ne seront pas formés pour leur métier et 80% n’ont pas eu accès aux cours sur la robotique dont ils devraient bénéficier selon les maquettes ou sociétés savantes. Une insuffisance qui, combinée aux années blanches du Covid en matière de formation, pèse sur la jeune génération d’internes et de chirurgiens. L’Académie de chirurgie s’est saisie de cette problématique majeure, consciente en outre des conséquences sur l’enseignement engendrées par la crise des hôpitaux et au sein des universités, avec le départ vers le privé de nombreux enseignants d’anatomie et de chirurgie ces deux dernières années : « C’est un moment crucial où des solutions alternatives devraient être trouvées et le problème vraiment être posé. Gageons que la prise de conscience soit en passe de se réaliser », optimise Jean-Claude Couffinhal.    

Le frein économique

Dans une étude de juin 2023, le cabinet Asterès mandaté par la société Intuitive retrouve que 56% des prostatectomies sont réalisées en 2021 par MIS robot-assistée (+ 227% depuis 2013) avec une réduction de durée d'hospitalisation de 1,3 à 3,1 jours, une baisse entre 2 et 5 points du risque de complications et de 1 et 4 points de réintervention. S’appuyant sur l'expérience du CHU de Nice, il évalue l'économie à 524 € par prostatectomie sur le coût de l'opération et 371 € sur le coût du séjour, à volume d'opérations constant.

Et le prix ? « Ca dépend » : La plupart des constructeurs interrogés sur le prix de leur création bottent en touche. Si un robot rend attractif un hôpital décidant d’investir entre 800 000 et 2M€ dans son achat, le public peut cependant rarement payer comptant et doit trouver (avec les industriels) des solutions d’achat comme des mises à disposition pour vérifier les infos du constructeur et monter des études économiques, avec, en contrepartie, un temps médical libéré par l’hôpital pour bien adapter la machine dans l’environnement.

Le projet de Tiers lieux Campus Bopex porté par le Pr Eric Vibert expérimente des solutions innovantes en conditions réelles et offre le cadre idéal pour des études médico-économiques pour, par exemple, constituer un dossier de remboursement d'un dispositif mésical innovation, une très grande difficulté pour les startup et PME qui crée les robots.…ce qui pose bien sûr la question de l’embauche d’ingénieurs datas.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/les-vrais-atouts-de-la-robotique-chirurgicale

Autre solution, le Greco, groupe de recherche piloté par le Pr Michel Lefranc expérimente la co-prise de risque entre le constructeur et l’équipe/l’hôpital. Enfin, plus hypothétique le value-based healthcare consisterait à rembourser l’acte en fonction de l’amélioration de la qualité de vie du patient (sur une chirurgie du genou par exemple). Tous ces sujets ont été abordés lors du congrès Chirurgie 4.0 de décembre 2023.

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