Mémoires d'interne : "Ma première garde à Douai, j'ai soupçonné un AVC, alors que le patient parlait juste chti"

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Alors qu’elle penchait pour l’oncologie, le Dr Sophie Massart est devenue PH au sein du pôle de gériatrie, service d’orthogériatrie, du centre hospitalier de Douai, en charge de la Gazette du jeune gériatre.

Mémoires d'interne : "Ma première garde à Douai, j'ai soupçonné un AVC, alors que le patient parlait juste chti"

Comment et où se passe ton début d’internat ?
Sophie Massart
 : J’ai poursuivi mes études de médecine à Toulouse et je voulais faire de l’oncologie. Alors que j’avais eu de bons résultats aux concours blancs, j’ai complètement paniqué aux ECN. Tout se jouait en 3 jours à l’époque, sans contrôle continu, et j’ai atterri vers la 5000e place ! J’ai perdu toute confiance en moi et j’ai choisi médecine générale à Lille, que j’ai complété plus tard par un DESC de gériatrie. Avec mon mari, on s’est dit qu’on reviendrait à Toulouse dès la fin de l’internat… Mais on est restés dans le Nord !

Quel est ton premier souvenir d’interne ?
SM
 : Je suis à l’hôpital de Douai et je prends ma première garde aux urgences. C’est l’hiver, il neige et je n’ai pas envie d’y aller… Je me retrouve rapidement en charge d’un vieux monsieur qui parle très bizarrement, j’y vois des troubles phasiques qui me font soupçonner un AVC. J’appelle le chef de service de gériatrie qui descend et m’explique en rigolant que ce monsieur parle juste… chti ! (rires). L’anecdote est restée dans le service. Et moi j’ai réalisé tout de suite que j’avais affaire à une équipe très sympa et très humaine.

Quel a été l’un des meilleurs moments de ton internat ?
SM :
La rencontre avec l’équipe et mes mentors, qui sont devenus mes chefs actuels. Ces médecins très humains m’ont fait découvrir une gériatrie « sexy » et j’ai eu envie de leur ressembler. Beaucoup d’internes ont l’idée reçue que la gériatrie est un mouroir. En réalité, c’est une médecine globale et humaine, qui nécessite d’être pointu sur le plan clinique mais aussi d’avoir de bonnes capacités d’écoute. C’est parfois difficile, il faut avoir la foi, mais c’est une médecine qui me correspond. 

« Est-ce qu’une société qui ne prend pas soin de ses aînés est une société qui va bien ? Je ne le crois pas »

Justement, quels moments difficiles as-tu traversés ?
SM
 : Le plus dur, c’est la prise de conscience du fossé entre l’institution hospitalière et les soignants. J’en ai pris conscience dès mon internat et ce fossé n’a fait que se creuser depuis… Il faut toujours faire plus avec moins de bras, chercher de la place, libérer des lits. En gériatrie, la conséquence est très claire : il y a des patients en fin de vie auxquels on voudrait accorder plus de présence. Ne pas passer à côté de ce moment si particulier – notamment en prenant du temps pour parler à la famille proche – est fondamental. Est-ce qu’une société qui ne prend pas soin de ses aînés est une société qui va bien ? Je ne le crois pas.
 

Aujourd’hui, comment se passe ton exercice ?
SM
 : J’ai la chance d’être dans un hôpital qui fourmille de projets, parmi lesquels la création d’un service d’orthogériatrie dont je m’occupe aujourd’hui. Je suis chef de ce service de 12 lits qui accompagne les personnes âgées ayant subi une chirurgie du type col du fémur. Arriver à donner le goût de la prise en charge des personnes âgées à des personnes qui ont choisi la chirurgie, ce n’est pas évident… Mais nous y arrivons ! Apprendre à gérer la confusion post-opératoire par des techniques non médicamenteuses est par exemple l’un des axes sur lesquels nous travaillons actuellement.

 

Quels conseils donnerais-tu à ceux qui ont envie de choisir cette spé ?
SM
 : Honnêtement, j’ai raté le concours de l’internat du point de vue du classement. Mais, comme me l’avait dit mon chef de service à l’époque : « Ce que tu vaux, c’est ce que tu fais au lit du malade, ton classement on s’en fout ». Et c’est vrai : on fait de sa spécialité ce que l’on est. Cette spécialité comble toutes les attentes (que ce soit le soin pur, le côté humain, la recherche…). Si l’on aime prendre soin des patients, je pense qu’on retombe toujours sur ses pattes.

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