L'amour dans les forêts

Article Article

Critique de "Simple comme Sylvain", de Monia Chokri (sortie le 8 novembre 2023). Sophia, la bien nommée prof de philo, a le coup de foudre pour Sylvain, le charpentier qui s'occupe de rénover sa résidence secondaire perdue dans les forêts. Pour vivre cette passion partagée, elle quitte son mari et se met en couple avec celui qui représente pour elle l'aboutissement du désir et le refus d'une norme étouffante. Mais, si simples que soient Sylvain et le sentiment que Sophia éprouve pour lui, leur relation le sera-t-elle pour autant?

L'amour dans les forêts

Une jolie comédie romantique comme succès surprise de l'automne : pas si simple de s'imposer comme un modèle du genre ; c'est pourtant ce que Monia Chokri réussit à faire.

De Monia Chokri, on connaissait la loufoquerie et la tendance à tout oser. Mais également sa difficulté à réaliser des films tenus et aboutis, à tenir la bride à une certaine frénésie qui lui faisait parfois oublier qu'elle tenait un sujet. Avec Simple comme Sylvain, elle semble s'être brutalement professionnalisée, et les qualités immédiates du film évitent que l'on se demande si elle se l'est imposée, tant tout va de soi dans cette comédie romantique conjuguant constamment une forme génialement drôle et légère et un thème qui est toujours pris au sérieux. 

C'est bien parce que l'amour n'est jamais tourné à la dérision, au contraire de tout le reste, que le film percute autant. Le sentiment devient ainsi un objet d'investigation philosophique, grâce à des séquences de vulgarisation qui ponctuent ce film qui ne l'est jamais, vulgaire. En expérimentant l'amour véritable, Sophia va passer de la théorie à la pratique et se confirmer ce qu'elle savait déjà : l'amour n'est jamais simple et c'est le temps qui permet de le définir et d'en résoudre l'énigme. Tout l'enjeu du film devient ainsi de savoir de quelle définition de l'amour se rapprochera cette attirance évidente. 

Monia Chokri se plaît à explorer la transgression sociale et les différences qui ne manquent d'exister entre Sophia, la bourge intello, et Sylvain, l'homme du peuple. Des différences d'ordre langagier et émotionnel - dans le vécu comme dans l'expression - qui semblent prévaloir sur les écarts sociétaux. Ou plutôt qui semblent en être la principale cause, au-delà du décalage culturel - Rimbaud vs Sardou... De par sa mise en scène, privilégiant souvent les cadrages tronqués et les jeux de miroir, elle nous fait ressentir que cette rencontre n'est jamais complète et que la plénitude n'est qu'illusion. Magalie Lépine Blondeau et Pierre-Yves Cardinal, à la fois magnétiques et d'une fraîcheur primesautière, illustrent constamment et excellemment cette évidence sentimentale. Mais c'est le réel, et lui seul, qui permet d'évaluer la solidité du lien. C'est un peu tarte, mais c'est par certaines scènes posées un peu comme au hasard que Monia Chokri nous le fait le mieux éprouver - on pense à cette vieille femme que la sénilité débutante de son mari confronte brutalement à la détresse. Oui, Simple comme Sylvain charme définitivement parce qu'il est moins simple qu'il en a l'air. 

Les gros dossiers

+ De gros dossiers