Grand-père, petit film

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Critique de "La Petite", de Guillaume Nicloux (sortie le 20 septembre 2023). Joseph, inconsolable depuis la mort de sa femme, apprend que son fils et le compagnon de celui-ci sont morts dans un crash aérien. Il découvre par la même occasion que ceux-ci attendaient un enfant via une mère porteuse en Belgique, qui dès lors peut décider seule de son sort. Pour Joseph, ceci est inenvisageable. Il part à Gand à la découverte de celle qui porte sa future petite-fille et lui permettrait de respecter les volontés de son fils.

Grand-père, petit film

D'un sujet sociétal complexe, Guillaume Nicloux tire un mélo formaté à la mise en scène anémiée. Si Luchini ressert la même soupe en senior atrabilaire qui cache un coeur d'or, la jeune Mara Taquin sort son épingle du jeu, sa spontanéité laissant entrevoir le film authentique que cette Petite aurait pu être.

La petite. Celle que l'on ne nommera pas, jusque dans le titre de ce film qui cherche désespérément sa consistance comme cette enfant un statut. Celle dont on a déjà oublié le nom au moment de la rédaction de cette critique tant, singulièrement, le réalisateur échoue à la faire exister. On se demande à quel moment le sort du film a été scellé, si le roman dont il est tiré donnait si peu de chair à ses personnages, si Nicloux a agi contre son oeuvre ou plutôt contre son propre tempérament.

Dès les premières scènes, et de façon qu'on peine à s'expliquer, on ne croit pas à ce qui nous est montré. Ce n'est pas tant le caractère improbable de la situation que l'échec à la traduire en émotions. Dans ce hall où le pire des malheurs rassemble des familles qui attendent l'inéluctable, aucune atmosphère collective ne prend corps, le tragique reste au stade de l'anecdotique. C'est bien ce qui fera constamment défaut par la suite : une hauteur de vue, une volonté, si ce n'est de bousculer, du moins de susciter la réflexion. En lieu et place, ce progressif retour à la vie, ce deuil contourné sont le corps d'une histoire aussi plate que sa géographie, où tout semble avoir été décidé pour toucher le plus large des publics.

La prestation de Luchini nous est vendue comme surprenante, mais cela fait tellement de fois qu'on nous fait le coup que même son talent semble cette fois-ci éventé. Sans cesse dans le commentaire, in petto, de son action, ce qui a pour effet d'ôter toute substance à son verbe - un comble ! -, il est le reflet du manque de confiance généralisé qui semble avoir accompagné le projet. Manque de confiance dans son potentiel émotionnel - les ressentis nous sont dictés au moyen d'une musique lacrymale omniprésente. Manque de confiance, également, dans la plupart de ses personnages, majoritairement envisagés sous l'angle de leurs travers voire de leur petitesse - le couple gay, pourtant presque invisible, n'échappe pas à la règle - sous le prisme envahissant du fric. Au beau milieu de ce ratage, et presque comme par magie, émerge la jeune Mara Taquin. Son jeu instinctif et moderne est aux antipodes de ce film hanté de vieux meubles et de vieilles recettes. 

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