Petit bijou de délicatesse avec comme écrin la solitude des villes, la Beauté du geste émeut par sa description d'une combativité à rebours des codes traditionnels.
On peut être une championne sans le vouloir, ou pour de mauvaises raisons. Chercher à se dépasser sur un chemin qui n'est pas le sien. Trouver dans la pratique sportive autre chose que la compétition. Parce que Keiko n'entend pas, un mur de silence la sépare des autres. Ce que montre subtilement le réalisateur, en réussisant à nous immerger sensoriellement dans l'univers intérieur de son héroïne, c'est que ce mur est érigé également envers elle-même, un mur de gestes répétitifs où la technicité constitue un rempart à l'émotionnalité. Gestuelle qu'il rapproche de celle de sa profession de femme de chambre, mais là où l'hôtel où elle travaille renvoie à une froideur anonymisante, le petit club traditionnel et familial dans lequel elle évolue a tout du cocon. Et c'est là justement que tout se joue, là où Keiko peut s'exprimer, être reconnue, être comme les autres voire un peu plus - son intuition et son anticipation compensent en effet son déficit.
Alors, quand le COVID puis la maladie menacent le club, c'est à un bouleversement tu et à une remise en question forcément sans mots que nous assistons chez Keiko, que le travail en pointillés du réalisateur et le jeu à l'expressivité fort émouvante de son actrice restituent avec une belle épure. C'est parce qu'elle avait trouvé ce qu'elle était venue chercher, parce que cela lui est enlevé, que Keiko choisit peu à peu de raccrocher les gants. Ces renoncements successifs, opérés au sein d'une mégalopole grisâtre, sur fond de deuils à venir, n'ont rien de folichon. Et pourtant, de ce film, sourd un espoir en guise de leçon. Parce que Keiko choisit de laisser sur le bas-côté ce que d'autres ont voulu pour elle, sans pour autant céder sur l'attachement qui la lie à eux, parce qu'elle s'ouvre peu à peu à ce qui l'entoure - magnifiques scènes d'intérieur puis d'extérieur avec son frère et sa petite amie -, son abandon est tout sauf une défaite. Le film n'en cache pourtant pas la douleur, et c'est ce qui, avec trois fois rien, le rend si... poignant.