Idris Amrouche, Anaïs Charon, Philippe Cohen, Alice Deschenau, Matthieu Durand, Jean-Bernard Gervais, Isabelle Guardiola, Laetitia Imbert, Adrien Renaud
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Génétique : une nouvelle religion ?
Entre mythe et réalité, peur et fascination, la génétique médicale est partout : loi de bioéthique, business des origines, promesses de prévention, thérapie génique, gestion de la descendance, sans oublier le clonage. Et pourtant, elle semble bien loin de nos consultations. Pour ce décalage, cette médiatisation d’une future médecine annoncée comme proche mais peu accessible encore dans la pratique courante, la génétique médicale suscite une certaine défiance de la part des médecins. Elle est probablement avant tout méconnue. Ainsi on en parle plus en termes de croyances, de foi, qu’avec un regard scientifique et technique… Pour sortir de l’obscurantisme, la Rédaction vous fait pénétrer dans cette discipline riche et dynamique, au coeur d’une médecine en révolution.
GÉNOME PARTOUT, MÉDECINE NULLE PART ?
Par Adrien Renaud
LE SÉQUENÇAGE SEMBLE CHAQUE JOUR GAGNER DU TERRAIN.
Santé publique ou stratégie de leadership ?
« Nous voulons diagnostiquer les pathologies avant que les symptômes apparaissent », a déclaré Nicola Blackwood, ministre britannique de l’Innovation, en présentant la National Genomic Healthcare Strategy. « Et nous voulons offrir des traitements personnalisés, fondés non pas uniquement sur notre compréhension générale de la maladie mais sur nos propres données personnelles médicales anonymisées, y compris notre matériel génétique. » En outre, en plus d'être un enjeu de santé publique, la question revêt également pour les insulaires un aspect stratégique. « Nous voulons être les leaders mondiaux dans l’utilisation des données et de la technologie pour prévenir la maladie, et non pour simplement la traiter », ajoutait ainsi la ministre.
Et pendant ce temps-là, en Gaule…
Voilà qui ressemble fort à un défi lancé par la perfide Albion. La France s’apprête-t-elle à relever le gant ? Force est de constater que notre pays, à tort ou à raison, ne semble pas boxer dans la même catégorie que les Anglo-saxons en matière d’utilisation de la génomique dans la pratique clinique quotidienne. Certes, le plan « France Génomique 2025 », lancé en 2017, prévoit l’installation de 12 nouvelles plateformes de séquençage. Mais cela semble bien timide, du moins aux yeux de certains. En cause ? « Une bureaucratie tatillonne qui bloque toute innovation diagnostique et en refuse le remboursement », écrivait en avril 2018 dans une tribune publiée par Le Figaro le Pr Philippe Froguel, diabétologue et généticien de renom. Celui-ci ajoutait à la liste des coupables du retard français « une réglementation moyenâgeuse qui assimile la génétique à de la sorcellerie et interdit de fait tout examen qui ne passe pas par un parcours du combattant interminable ». On pourrait lui rétorquer que ce parcours du combattant a ses raisons d’être. Non seulement il s’agit d’un garde-fou éthique qui évite que les données génétiques se retrouvent éparpillées dans la nature, mais de plus, il évite de faire aux patients de fausses promesses en leur laissant croire que la génétique est la réponse à tous leurs problèmes. Reste une certitude : le jour où le Dr Thing et Mr Stuff se transformeront en Dr Trucmuche et M. Machinchouette n’est pas encore venu.
* The Future of Healthcare Event
Génétique médicale made in France
Par Anaïs Charon
CRÉÉE EN 1995, LA SPÉCIALITÉ DE GÉNÉTIQUE MÉDICALE EST FINALEMENT ASSEZ JEUNE. ELLE S’INTÉRESSE À LA FOIS AUX MALADIES RARES, AUX MALADIES COMPLEXES, MAIS ÉGALEMENT À L’ONCOGÉNÉTIQUE OU ENCORE À LA FŒTOPATHOLOGIE.
Concrètement, le médecin généticien est impliqué dans le diagnostic, le suivi et l’accompagnement des patients atteints de maladies génétiques. Mais également dans la prévention et l’orientation des membres de sa famille (les dits « apparentés » dans le jargon). L’exercice oscille entre spécialisation dans un type de pathologie, au sein des réseaux d’expertise dans des CHU particuliers (les fameux centres de coordination Maladies rares), et une activité plus généraliste « tout venant » au sein des différents services d’un même CHU, dont les plus pourvoyeurs sont la neurologie, la pédiatrie et l’oncologie.
Trois spécialisations principales
Sans couvrir tout le champ de la génétique médicale, 3 orientations représentent la majorité de l’activité :
Le généticien clinicien, ou le médecin aux multiples facettes du CHU
La journée d’un généticien clinicien combine trois emplois du temps. Il commence la matinée en tant qu’expert diagnostic dans les maladies rares, avec des consultations et des avis dans les différents services de l’hôpital. Il apporte son savoir pour mettre à jour le gène incriminé chez des patients atteints de pathologies allant du retard mental au syndrome polymalformatif, en passant par les troubles sensoriels et les pathologies immunitaires. Après une courte pause déjeuner, celui-ci devient sédentaire pour quelques heures dans son bureau de diagnostic anténatal ou prénatal pour y prodiguer du conseil génétique. Alors, il rassure ou inquiète malgré lui de futures mamans chez qui l’échographie a pointé quelques anomalies, ou prévient la récidive de pathologies incurables identifiées dans des familles en proposant un diagnostic pré-implantatoire. Enfin, il termine sa journée en faisant son possible pour centraliser et coordonner la prise en charge de patients atteints de pathologies rares, qui sont souvent suivis par de nombreux médecins en fonction des multiples atteintes multisystémiques. Il assure ainsi un regard « corps entier », pour une prise en charge globalisée du patient. Et attention aux raccourcis, dans un service de génétique on ne s’occupe pas que des maladies
rares. L’activité s’articule plutôt de la façon suivante : un tiers de génétique polyvalente (surdité, mucoviscidose, FCS à répétition…), un tiers de maladies rares et un tiers d’oncologie.
Le biologiste génétique, ou l’invité préféré des plateaux Téléthon
À lui les analyses moléculaires et cytogénétiques. Pour faire bref, la biologie moléculaire c’est la génétique vue sous l'angle moléculaire (l'analyse du matériel génétique humain directement au niveau des acides nucléiques) tandis que la cytogénétique, est l’art des caryotypes et l’analyse des chromosomes. En routine, ce généticien moléculariste vérifie les résultats des examens et met au point les tests diagnostiques pour les mutations de gènes nouvellement identifiées. Souvent avec une double casquette médecin/chercheur. Il n’est pas rare qu’il collabore en parallèle avec des équipes Inserm pour la recherche, la mise au point de nouvelles techniques diagnostiques et l’identification de mécanismes physiopathologiques. C’est dans cette surspécialité que l’on retrouve à la fois des professionnels issus du DES de génétique médicale et du DES de biologie médicale. Quitte à les voir marcher un peu sur les mêmes plates-bandes. Mais les deux sont assez complémentaires, ce qui explique que la réforme de la loi de biologie médicale (datant de 2013), délivrant désormais les agréments de signature des examens biologiques uniquement aux DES de biologie médicale, fait un peu grincer des dents…
L’oncogénéticien ou l’atout précieux des RCP cancérologie
L'oncogénéticien est quant à lui un savant mélange entre oncologues, radiothérapeutes, hématologues, etc. Il permet de mettre en évidence les caractéristiques faisant suspecter une mutation dans des gènes spécifiques. Comme le dit si justement le Pr Stéphane Bezieau: « Lorsque l’on va à une consultation de génétique, on emmène sa famille avec soi ». En effet, l'un des objectifs d’une prise en charge optimale est d’identifier les apparentés à risque afin de proposer un suivi personnalisé renforcé, des examens paracliniques réguliers, voire discuter d'une chirurgie prophylactique… En bref, la génétique, c’est une spé passionnante car très transversale : elle touche à la fois la personne dans son intégrité mais également sa famille tout entière. C’est aussi un ensemble de savoirs, de pratiques et de techniques qui évoluent à une vitesse donnant le tournis, avec des débouchés monstrueusement vastes…
Sur ce sujet, la passation d’un questionnaire introduit par Camille Lemattre dans la subdivision de Montpellier est sans appel : sur 35 réponses d’internes (dont 49 % du DES de médecine gé), 9 ont eu besoin de l'avis d'un généticien durant l'internat. Ils considèrent en majorité (31/35) ne pas avoir les connaissances suffisantes pour prescrire des examens génétiques et plus de la moitié en ont malgré tout déjà prescrit. Le décret parentèle qui rend obligatoire l'information de la famille en cas de maladie génétique pouvant changer leur prise en charge n’était connu que de 4 répondants. 78 % des internes (27/35) souhaiteraient bénéficier d’enseignements de génétique. Pour le Pr David Geneviève (Montpellier) : « Il est clair que le niveau des autres médecins est absolument insuffisant. Plusieurs facteurs l’expliquent. Dans un premier temps, le nombre d’heures absolument insuffisant de l’apprentissage de la génétique durant l’externat. » [NDLR : 16 heures et – tenez-vous bien – un seul item dans le programme exigible aux ECN !] Or tous les 5 à 6 ans, les connaissances doublent. Difficile de rester au fait des dernières avancées dans le domaine… « Quand j’ai commencé mon internat, on expliquait 70 % des pathologies dites "génétiques" par des facteurs plurifactoriels. Il s’avérerait que 70 % se transmettraient en fait de façon purement mendélienne. Ainsi, de fait, si les pédiatres ne sont pas au courant, ils ne proposent pas un dépistage des apparentés ! Désormais des gènes expliqueraient à la fois auto-immunité et auto inflammation. Clairement, les dogmes du XXe siècle ont explosé au XXIe. » Mais il ne s’agit pas d’être pessimiste ! Selon David, « plus ces spécialistes vont connaître la génétique et plus ils vont avoir envie d’avoir des généticiens avec eux, de se former, qu’il s’agisse des généralistes au centre des prises en charge ou d’autres spécialistes, cardiologues, neurologues, créant des consultations consacrées à la génétique. » Potentiellement aidés par des équipes mobiles de génétique. Du changement en perspective !
Un internat familial pour une discipline transversale
4 ans pour se former à l’inconnu
Comment transformer des milliards de nucléotides en milliards de dollars ?
Par Jean-Bernard Gervais
APRÈS LES BIG PHARMA, LES GAFA, VOICI VENU LE TEMPS DU BIG ADN ? DES SOCIÉTÉS AMÉRICAINES, ISRAÉLIENNES, CHINOISES SE SONT RUÉES SUR LE NOUVEL OR DES NUCLÉOTIDES. LA FRANCE EST À LA TRAÎNE, MALGRÉ SES TALENTS. COMME D’HAB’.
Un chiffre d’affaires en hausse de 121 %
en 2016, pour passer à 133 millions d’euros en 2017. Soit une hausse de 121 % ! En tout et pour tout, MyHeritageDNA a vendu 1 million de kits génétiques en 2017, couvrant ainsi 10 % du marché. On dénombre actuellement une trentaine de sociétés qui font florès dans le marché de la génétique grand public. Toutes n’interviennent pas, néanmoins, dans le même domaine. Si des boîtes ne font guère que dans l’étude de la parentalité et des origines ethniques, d’autres se sont spécialisées dans les applications médicales, la plus célèbre étant 23andMe.
Une prédictibilité médicale ?
Une législation française contraignante
Des « avancées » impossibles en France, du fait d’une législation très contraignante en matière de tests génétiques. Le Code de la santé publique dispose en son article L. 145-15 que « l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par empreintes génétiques, lorsqu’elle n’est pas réalisée dans le cadre d’une procédure judiciaire, ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique et qu’après avoir recueilli son consentement ». L’article 16-10 du Code civil prévoit également que « L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique. » À la clé : 3 750 € d’amende pour toute personne qui userait de ces examens génétiques à des fins autres que médicales ou scientifiques… Des sociétés commerciales comme 23andMe ne pourraient exploiter des données médicales génétiques en France, sans se faire rapidement rabrouer. « De toute manière, pense Laurent Alexandre, la communauté génétique en France est très à gauche, anti-entrepreneuriale. Et les médecins ont peur de la génétique, par corporatisme, ils la refusent. La réforme des lois de bioéthique ne va rien changer à l’affaire. » Dommage, car la France passe à côté d’un marché estimé à l’horizon 2022 à 22 milliards de dollars. Si Laurent Alexandre semble regretter la position française, Stanislas Lyonnet, président de l’institut Imagine* de recherche et de soins dans les maladies génétiques, la comprend : « La position française est prudente d’un point de vue médical. Concernant les tests récréatifs sur les origines ethniques par exemple, que l’on se trompe ou non n’est pas très important. Sur les recherches de parenté, ce type de test peut impliquer d’autres personnes que celle qui effectue le test, donc il faut user de prudence. Enfin, concernant les tests médicaux, quant à la recherche de prédisposition au cancer du sein par exemple, je pense que ce n’est pas sérieux. Et sur les facteurs de susceptibilité, il y a un doute quant au fondement scientifique réel de l’information. » Gros scepticisme du côté français, donc.
Marché biface
De quoi ouvrir le boulevard aux sociétés américaines, israéliennes, ou encore chinoises, pas aussi regardantes sur le sérieux scientifique de telles applications. D’ailleurs, s’en soucient-elles vraiment ? Selon Henri-Corto Stoeklé, bioéthicien, la réalisation de ces analyses n’est qu’un des aspects du business de ces entreprises, en particulier de 23andMe. « Ces entreprises ont développé un business two sided market ou marché biface, théorisé par l’économiste Jean Tyrolle. Ces entreprises vendent des tests peu rentables, voire à perte dans un premier temps. Mais dans un deuxième temps, grâce aux données génétiques collectées, elles collaborent avec l’industrie pharmaceutique pour valoriser ces datas. » Résultat, pour un test vendu 30 €, une société comme 23andMe valorise les données collectées 1 000 € par personne. « Si 8 millions de personnes ont passé le test, alors cette société vaut 8 milliards », explique Guillaume Vogt, généticien. Et lorsque l’on pèse potentiellement 8 milliards d’euros, on peut passer des accords de l’ordre de… 300 millions d’euros avec GlaxoSmithKline (GSK), par exemple. Le 25 juillet 2018, GSK, dans un communiqué, faisait part de sa joie d’avoir signé avec 23andMe un accord de collaboration de quatre ans qui devrait porter sur le développement de nouveaux traitements, en utilisant les données génomiques fournies par 23andMe. Si cette nouvelle a fait sensation, provoquant même aux États-Unis une vague de réprobation, elle n’a pas surpris outre mesure Henri-Corto Stoeklé, qui a consacré un chapitre de sa thèse de doctorat à l’étude du modèle économique de 23andMe. « En 2015, 23andMe avait déjà signé un contrat de 60 millions de dollars avec Genentech, pour le séquençage complet du génome de 3 000 clients atteints de la maladie de Parkinson. En janvier de la même année 23andMe signait un autre accord de collaboration en vue de l’exploitation de sa base de données avec le laboratoire Pfizer ».
Hors la loi
Parallèlement la société américaine continuait à lever des fonds pour être valorisée en 2017 à 1 milliard de dollars. Pour arriver à pareil résultat, certaines de ces sociétés n’hésitent pas à se mettre hors la loi. Il en va ainsi, selon Guillaume Vogt, de MyHeritage : « Pendant des semaines, depuis le 2 juillet 2018 exactement, la société MyHeritage a diffusé sur BFMTV et CNews des publicités pour ses kits de tests génétiques. Or c’est formellement interdit par la loi française. Par ignorance, l’Autorité de régulation professionnelle de publicité (ARPP) a laissé faire. » MyHeritage a ainsi pu engranger en moins de deux ans quelque 2 millions de consommateurs de ces kits, autant de données qu’elle pourra valoriser par ailleurs…
GÉNÉTIQUE 2.0 À LA FRANÇAISE
Des pratiques qui révulsent Guillaume Vogt, lequel ne tourne pas pour autant le dos au développement de grandes cohortes en génétique dans l’Hexagone tout en respectant la loi. « Nous proposons de développer, en partenariat avec des entreprises privées, des projets de recherche multithématiques, qui seraient suivis dans le temps via l’envoi de questionnaires à des personnes intéressées. Nous leur rendrons des informations sur leur génome et préviendrons ceux qui sont concernés des risques génétiques qu’ils encourent. » Ce serait un modèle 2.0 de la génétique à la française, respectueux des lois de bioéthique, et qui pourrait intéresser des milliers, voire des millions de Français. Cela permettrait de rattraper le retard français dans l’étude du génome complet, dont se désole Thomas Bourgeron, généticien collaborant au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) : « En France nous avons pris du retard dans l’analyse du génome complet. Nous nous intéressons à certaines maladies et pas à d’autres. » Multiplier les conseillers en génétique serait l’une des solutions prônées par Thomas Bourgeron pour développer cette culture de la génétique en France. Mais aussi publier de l’information autour de cette spécialité. Et le généticien est bien obligé de reconnaître que les sociétés commerciales ont là aussi une longueur d’avance sur les institutions, les médias ou encore les facultés, dans le domaine de la diffusion du savoir : « Les sites d’information publics les mieux faits sont ceux de sociétés comme 23andMe. Aucun hôpital ou université n’a fait cette démarche. Si nous n’informons pas les gens, c’est grave. »
* http://www.institutimagine.org/fr/

PIRATE !
Votre humble serviteur, Jean-Bernard Gervais, a fait un test génétique. Verdict...
Un petit paquet au pied de mon petit sapin de Noël. Je l’ouvre délicatement et, ô surprise, je tombe sur des cotons-tiges et des fioles. Serait-ce une mauvaise blague ? Aurait-on voulu me faire comprendre, via la symbolique
des cotons-tiges, qu’il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ? Non, je n’y suis pas du tout. On vient de m’offrir un coffret de tests génétiques MyHeritageADN. La petite boîte contient en effet 2 cotons-tiges destinés à des prélèvements de salive que l’on plonge dans 2 tubes de prélèvement. On referme le tout que l’on envoie au siège de MyHeritage, qui vous retourne le résultat des analyses deux mois plus tard. La promesse de cette offre ? Vous apprendre dans le détail, au décile près, vos origines ethniques. J’ai ouvert ma petite boîte et j’ai fait mon test : 2 mois plus tard, j’ai appris avec étonnement que j’avais autant d’origines scandinaves que masaï… Par acquis de conscience, j’ai relu attentivement le contrat qui me lie à MyHeritage et j’ai relevé cette phrase qui m’a fait tiquer : « Vous comprenez qu’en nous fournissant des échantillons d’ADN ou des résultats ADN, vous n’acquerrez aucun droit sur les recherches ou produits commerciaux que nous pourrions développer et susceptibles d’être liés à votre ADN. » Bref, je me suis fait hacker…
Génétique & IA : la terre promise d’une nouvelle médecine
2. https://www.nebula.org
3. https://www.23andme.com
4. https://www.familytreedna.com
5. https://www.genomicsengland.co.uk/about-genomics-england/the-100000-genomes-project/
6. Rapport Topol 2019. “Preparing the healthcare workforce to deliverthe digital future”
L’éthique toujours ébranlée par la génétique médicale
Par Isabelle Guardiola
LES CONNAISSANCES AUTOUR DES DONNÉES GÉNÉTIQUES SONT TROP FRAGILES POUR QU’ON PUISSE EN FAIRE LA PROMOTION SANS AUCUNE PRUDENCE, ESTIMENT LES GÉNÉTICIENS FRANÇAIS. EST-ON POUR AUTANT BIEN PROTÉGÉS CONTRE LA DÉRIVE DU TOUT-GÉNÉTIQUE ?
sont partagées : « Le grand public doit augmenter son niveau d’information et de connaissance pour que les choix soient le plus éclairés possible et que le patient ne s’en remette pas à la seule "bienveillance" du médecin. Une découverte fortuite ou secondaire d’une anomalie génétique doit être instruite au préalable, d’autant qu’elle s’accompagne de tellement d’inconnues que souvent, finalement, les personnes sont beaucoup moins certaines de vouloir savoir. » Rappelons que le législateur s’est fondé sur 4 caractéristiques pour protéger la personne du potentiel de dangerosité (ou discriminatoire) de l’utilisation des données génétiques : les données génétiques constitutionnelles sont identifiantes, immuables dans le temps, prédictives et potentiellement transmissibles.
La pédagogie pour éviter les dérives
** https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_national_maladies_rares_2018-2022.pdf
Une spé tuée dans l'oeuf ?
Idris Amrouche
DÉJÀ MÉCONNUE DES MÉDECINS COMME DU GRAND PUBLIC, LA GÉNÉTIQUE SERA PEUT-ÊTRE TUÉE PAR LA GÉNÉTIQUE ELLE-MÊME. LES NOUVELLES DÉCOUVERTES, LA DÉMOCRATISATION DES TECHNIQUES DE GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE EN PASSANT PAR L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, VONT PEUT-ÊTRE ENCLENCHER LE DÉCLIN D’UNE SPÉCIALITÉ À PEINE CONSTRUITE.
À qui profitera la démocratisation des techniques et des connaissances ? Cela ne va-t-il pas mettre le généticien au banc des médecins et reporter un peu plus les responsabilités sur les autres spécialistes ? Les médecins généralistes et spécialistes d’organes vont-ils remplacer le généticien pour le suivi et le diagnostic ? Le Pr David Geneviève, généticien médical au CHU de Montpellier, a un avis sur ces questions, et explique que « la France a pris un trop grand retard aujourd’hui sur la formation en génétique, sans oublier que prescrire un test sans maîtriser les outils peut être dommageable pour le patient » et rappelle que « les textes de loi sont très clairs ». En effet les conséquences peuvent être pénales en cas de mauvais suivi d’une analyse génétique chez un patient et sa famille. C’est pourquoi « utiliser un outil sans discipline n’est pas forcement indiqué ». Même constat pour les spécialistes d’organe qui « connaissent très mal les implications génomiques des pathologies qu’ils traitent ».Caroline Racine, jeune interne en génétique au CHUde Dijon, le rejoint, et estime que le travail dugénéticien ne se résume pas à « rendre un résultat ».
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Cependant, les nouvelles technologies arrivent en force. Les industries proposent aujourd’hui des tests high-tech accessibles à tous. La techno va-t-elle faire céder les barrières de la génétique médicale ? David ne pense pas que l’avenir de la génétique soit menacé par l’intelligence artificielle
(IA). Il rappelle « qu’on identifie 3-4 nouvelles maladiesgénétiques par semaine. » « L’IA va aider à faire une cartographie, mais qui décidera quand rendre les résultats ? À quel membre de la famille ? Et surtout comment ? Il faut accompagner le patient de façon humaine à différents moments de la vie » précise-t-il. Caroline y voit aussi « de futurs outils mis à disposition des généticiens ».
LA GÉNÉTIQUE DÉPASSÉE ?
Enfin on est en droit de s’interroger sur la place de la génétique dans un monde de plus en plus complexe où cette dernière n’est qu’un angle de compréhension de la physiopathologie. Mais le généticien ne se sent pas menacé pour autant : « La génétique est sortie du domaine de la science fondamentale et trouve des applications directes en thérapeutique et en prévention ». « La transplantation fécale n’est pas encore la panacée » s’amuse David Geneviève.
La génétique médicale doit donc vivre avec son temps, mais les instances décisionnaires seront maîtresses des orientations que l’on voudra donner à cette spécialité et du rôle du généticien au sein du monde médical. En attendant, la génétique reste une affaire de spécialiste.