Vendredi soir à l’hôpital Bégin : « On a parlé d’aller élever des chèvres dans le Larzac »

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Nuit surréaliste aux urgences

Vendredi soir à l’hôpital Bégin : « On a parlé d’aller élever des chèvres dans le Larzac »

Léa est médecin militaire, elle travaille à l’hôpital Bégin de Saint-Mandé et a été appelée vendredi soir pour prendre en charge les victimes des attentats. Entre déchoquage et coaching des internes aux urgences relatives, elle a eu le temps de vivre d’étranges moments.


Vendredi soir, quand le téléphone de Léa Thomas sonne et que son collègue lui annonce qu’elle doit retourner dans son service au plus vite, elle croit d’abord à une blague. « On avait révisé le plan blanc le matin même, avec un exercice pour une fusillade dans Paris », explique ce médecin militaire qui travaille aux urgences de l’hôpital Bégin, à Saint-Mandé.

Lorsqu’elle arrive sur place, il n’y a pas encore de victimes. Le premier patient qu’elle prend en charge s’était fait tabasser dans le bois de Vincennes. « Il était dans un état aussi grave que ceux de la fusillade », se souvient-elle.

Quand elle a eu terminé avec lui, on lui annonce un blessé par balle. « Je regarde dans le couloir, il y en a déjà partout ». Le patient arrive, et c’est une conversation un peu surréaliste qui se noue.

« On a parlé de quitter Paris, d’aller élever des chèvres dans le Larzac », raconte Léa sur le ton de celle qui a du mal à croire à ce qu’elle dit. « Au moment de partir au bloc, il m’a fait un clin d’œil, comme pour me donner du courage », se souvient l’urgentiste. Puis, pensive : « Il est toujours en réa ».

« Une fois que les grosses urgences sont au bloc, on se sent un peu démunis »

La suite de la soirée se passe dans l’agitation : « Le chef de service m’a demandé de coacher les internes qui s’occupaient des urgences relatives », se souvient Léa. « Ensuite, dans le couloir, j’ai vu un patient qui se dégradait, je l’ai repris au déchoquage ».

Puis, progressivement, la tension redescend. « Une fois que les grosses urgences sont au bloc, on se sent un peu démunis », explique Léa. « Les collègues m’ont dit qu’il fallait que je rentre me reposer, qu’on aurait peut-être besoin de moi plus tard. Je me sentais inutile, mais je n’arrivais pas à partir ».

Léa a fini par réussir à quitter les lieux. Deux jours plus tard, sur le chemin de l’hôpital, elle a des appréhensions. « J’avais presque eu peur de revenir. Ca me faisait bizarre de revoir le service dans sa configuration habituelle ».

Un peu comme si tout cela n’avait été qu’un mauvais rêve…

Source:

Adrien Renaud

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