Des manifs en Croatie, pour autoriser une maman à subir un avortement thérapeutique, refusé par les médecins

Article Article

Le calvaire d’une femme empêchée d’avorter en Croatie malgré la tumeur agressive qui attaque son fœtus provoque l’émoi dans le pays à majorité catholique, où de nombreuses voix réclament la protection des droits des femmes.

Des manifs en Croatie, pour autoriser une maman à subir un avortement thérapeutique, refusé par les médecins

Mirela Cavajda a légalement droit à une IVG dans son pays mais sera quand même contrainte de se rendre en Slovénie voisine, autre membre de l'Union européenne, pour mettre fin à l'épreuve.

Le scandale a éclaté au moment où les Etats-Unis sont secoués par une tempête politique dans l'attente d'un arrêt de la Cour suprême qui pourrait menacer le droit à l'avortement.

L'IVG est également contestée dans le petit pays des Balkans, où des groupes soutenus par l'Eglise ont tenté en vain en 2017 d'obtenir son abolition et où une majorité de médecins refusent de la pratiquer.

Fin avril, durant son sixième mois de grossesse, Mirela Cavajda a appris que son enfant à naître était atteint d'une tumeur au cerveau agressive qui risquait de le tuer et en cas de survie, provoquerait de très lourdes malformations.

"S'il naît, il sera comme un légume", a-t-elle dit en pleurs aux médias locaux. "Je suis rentrée chez moi et j'ai regardé le mur fixement", a poursuivi cette femme mariée de 39 ans déjà mère d'un fils. "J'ai pris la décision en une seconde."

En Croatie, l'IVG est légale jusqu'à la 10e semaine de grossesse. Au-delà, elle est possible si la santé du fœtus ou de la mère est gravement menacée et en cas de viol et d'inceste.

Mirela remplissait les conditions, ce qui n'a pas empêché quatre hôpitaux de Zagreb de lui claquer la porte au nez.

Elle a raconté qu'un médecin lui avait demandé si elle "tuerait un enfant de deux ans, porteur d'une tumeur" et qu'un autre avait parlé "d'euthanasie".

La profession médicale lui a conseillé de se faire aider en Slovénie comme le font chaque année une dizaine de femmes dans des situations similaires, selon les défenseurs des droits.

Des milliers de manifestants se sont rassemblés pour dénoncer les atteintes à la santé des femmes

Mais alors qu'une IRM montrait la détérioration de l'état de santé du fœtus, une commission médicale a fini par donner son feu vert à l'IVG.

L'avortement est encadré par une loi de 1978 adoptée alors que la Croatie faisait encore partie de la Yougoslavie communiste.

Mais depuis l'indépendance en 1991, le poids de l'Eglise catholique s'est accru et de nombreux médecins refusent de pratiquer les avortements au nom de "l'objection de conscience" instituée par une loi de 2003, très répandue aussi en Espagne.

Plus de 80% des 3,9 millions de Croates sont catholiques.

Dans une lettre ouverte poignante, elle évoque son fœtus malade, un garçon qu'elle a appelé Grga et accuse la société comme les médecins de l'avoir abandonnée.

"Attendre que Grga meurt dans mon utérus, (ou) lui donner naissance pour le regarder mourir, (...) serait du sadisme pur", écrit-elle.

La semaine dernière, des milliers de manifestants se sont rassemblés pour dire "Ça suffit !" et dénoncer les atteintes à la santé des femmes.

"Les femmes doivent bénéficier de droits acquis il y a bien longtemps", a dit Sonja Kraljevic à l'AFP, dénonçant un "retour en arrière".

D'après Branka Mrzic Jagatic, de l'ONG RODA, l'un des organisateurs, "ce cas a dévoilé que notre système de santé publique s'est complètement effondré en ce qui concerne la santé des femmes".

En 2019, une vague de témoignages sur les violences gynécologiques a déferlé sur les pays patriarcaux des Balkans dans le cadre du mouvement #MeToo.

60% des gynécologues à l’hôpital public refusent de pratiquer l’avortement en Croatie

Le déclencheur fut le témoignage d'une députée croate sur son curetage sans anesthésie subi après une fausse couche.

RODA avait recueilli des centaines de récits d'expériences douloureuses et humiliantes d'accouchements, de fausses couches et d'IVG.

"J'avais pensé que j'accoucherais sur une table de gynécologie" mais une "infirmière m'a dit d'aller dans la salle de bain" pour attendre l'expulsion, écrit une femme dans une lettre lue à la manifestation, évoquant son IVG médicamenteuse décidée à cause de malformations. "L'infirmière m'a dit que si je voulais une autopsie, je devais recueillir le fœtus dans mes mains. Et je l'ai fait".

Les groupes anti-IVG sont vent debout.

La "Marche pour la vie" annuelle pour exiger une nouvelle législation non "fondée sur l'idéologie ou la culture de la mort" a réuni récemment des milliers de personnes.

Près de 60% des gynécologues des hôpitaux publics refusent de pratiquer l'avortement, selon les chiffres officiels.

Parmi eux, Boris Ujevic, médecin à Zagreb. "La vie doit être respectée et la vie c'est la loi."

Les défenseurs des droits exigent que les femmes aient un accès garanti aux soins médicaux y compris l'IVG.

Les conservateurs au pouvoir ne se pressent pas pour se saisir du sujet tandis que les partis de gauche évoquent un référendum pour inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution.

En attendant, Mirela a refusé le protocole proposé en Croatie, à savoir l'accouchement induit d'un bébé menacé d'une mort rapide. En Slovénie, le cœur du fœtus est arrêté avant la procédure.

Avec AFP

Les gros dossiers

+ De gros dossiers