Chronique pour une autre médecine

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La pertinence des soins constitue l’une des priorités affichées par le gouvernement. Elle concerne l’ensemble du corps médical, mais aussi les principaux intéressés : à savoir les usagers du système de santé…

Chronique pour une autre médecine

« Le temps des rafistolages est terminé » : puisse cette déclaration du Premier ministre devenir réalité ! En tant que représentante des associations d’usagers qui la composent, France Assos Santé ne peut que se réjouir du plan d’action annoncé par Édouard Philippe en février dernier. Notre constat est sans appel : le système de santé souffre de nombreux maux, au premier rang desquels l’insuffisance de prévention, les inégalités territoriales d’accès aux soins, et le cloisonnement entre la médecine de ville et l’hôpital. Reste à savoir si la thérapeutique sera à la hauteur de la précision du diagnostic…

 

Place à la pertinence des soins…

 

Parmi les chantiers prioritaires définis par le Gouvernement, il en est un qui concerne au premier chef les patients : c’est celui de la pertinence des soins. Comment expliquer, par exemple, qu’il y ait 2 fois plus de césariennes dans les Alpes-de-Haute-Provence que dans l’Yonne ? Ou que l’on pratique 4 fois plus d’ablations des amygdales en Gironde que dans la Creuse ? Ces différences viennent-elles uniquement de particularismes régionaux ?… On est en droit d’en douter. Cette question de la pertinence concerne l’ensemble du corps médical – ne serait-ce qu’en raison du poids écrasant de la T2A à l’hôpital sur le fonctionnement des services concernés –.

 

Nous partageons le même constat : cette fameuse tarification à l’activité montre aujourd’hui ses limites. À force de vouloir rentabiliser l’activité chirurgicale, de demander aux médecins de se comporter en gestionnaires, « on » (j’entends par là les pouvoirs publics) finit par valoriser le quantitatif au détriment du qualitatif.

 

Le summum de l’incohérence est atteint avec l’hospitalisation en ambulatoire : nombreux sont les établissements où la direction demande aux médecins de la développer pour atteindre les objectifs des Agences régionales de santé… et en même temps de la limiter pour continuer à facturer des séjours. En d’autres termes, on demande tout et son contraire. Mais sans jamais tenir compte de l’intérêt du patient. Bref, « on » valorise le volume au détriment de la qualité, l’organe au détriment du patient et « on » oublie ce qui fait l’essence même de la médecine : prendre en charge des personnes humaines, en tenant compte de leur complexité et de leur singularité. 

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… et à l’évaluation qualitative

 

Faire de la pertinence des soins un objectif prioritaire des prochaines réformes de notre système de santé constitue, j’en suis conscient, une révolution conceptuelle qui ne se fera pas sans mal. Ne serait-ce que parce qu’elle suppose que l’un des acteurs du système, à savoir le financeur (l’État, c’est-à-dire tous ceux qui cotisent), ait en quelque sorte un « droit de regard » sur ce qui serait (ou pas) un acte « pertinent ».

 

J’entends déjà certains syndicats professionnels hurler à la remise en cause de ce qui constitue selon eux la pierre angulaire de leur déontologie : une liberté de prescription totale et sans limite… Il ne s’agit pas ici de discuter par principe cette liberté de prescription : les médecins doivent évidemment rester maîtres de leurs décisions et du schéma thérapeutique qu’ils proposent à leurs patients. Mais enfin, est-il normal que certains praticiens s’affranchissent sans vergogne des recommandations de bonnes pratiques édictées par la Haute Autorité de Santé ? Que des chirurgiens multiplient les interventions sans respecter les indications des sociétés savantes ou même les règles d’hygiène minimales ? Est-il normal enfin que la Sécurité sociale rembourse aveuglément des interventions dont le bien-fondé pose légitimement question ?

 

Il existe une carence d’indicateurs de qualité fiables, reproductibles et validés. Or en France, nous manquons cruellement de cette culture de l’évaluation qualitative qui repose sur des indicateurs épidémiologiques. Les indicateurs de type « PROMs** » surtout, ceux qui importent aux patients et qui pourraient, qui devraient être systématiquement pris en compte pour évaluer la pertinence d’un acte médical. Un exemple parmi d’autres : comment apprécier correctement l’intérêt de la pose d’une prothèse de hanche si l’on ne demande pas au principal intéressé, le malade, s’il marche mieux quelques semaines plus tard ?

 

Ne vous méprenez pas : nous n’entendons pas nous substituer aux professionnels de santé. Les patients et associations agréées que nous sommes avons besoin des médecins que vous êtes. Nous souhaitons « seulement » être consultés, être impliqués dans les décisions qui nous concernent, et participer activement à l’élaboration des critères d’évaluation de la qualité et de la pertinence de nos parcours de soins. Parce qu’un soin pertinent est aussi, voire avant tout, un soin bien compris et bien accepté par le patient.

 

*France Assos Santé, est le nom choisi par l’union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé afin de faire connaître son action comme organisation de référence pour représenter les patients et les usagers du système de santé et défendre leurs intérêts. www.france-assos-sante.org

 

**Les « patient reported outcomes measures » sont des mesures des résultats déclarés par le patient.

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