Bientôt les pompiers pourront prodiguer des soins d’urgence, la bagarre avec les médecins urgentistes commence

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Le 24 avril est paru au Journal officiel un décret attendu depuis des années par les 251.900 pompiers de France, qui les consacrera "techniciens, spécialistes des soins d'urgence", un texte qui les autorise à prodiguer quelques soins d’urgence sur prescription d’un médecin régulateur du SAMU.

Bientôt les pompiers pourront prodiguer des soins d’urgence, la bagarre avec les médecins urgentistes commence

Accident entre une voiture et un car à Achiet-le-Grand (Pas-de-Calais) : un blessé léger, touché aux côtes et à la tête. Les pompiers de Bapaume sont sur place, mais il leur est impossible de lui administrer un antidouleur, faute d'un médecin sur place.

Ils le pourront bientôt, de même que de poser sur le conducteur de la voiture un électrocardiogramme pour vérifier si le choc thoracique n'a pas entraîné de souci cardiaque.

Le 24 avril est paru au Journal officiel un décret attendu depuis des années par les 251.900 pompiers de France, qui les consacrera "techniciens, spécialistes des soins d'urgence", selon la formule du lieutenant Patrice Vaquez, chef du centre d'incendie et de secours (CIS) de Bapaume.

Ce texte autorise les pompiers à prodiguer, après validation d'une formation et sur prescription du médecin régulateur du Samu, dont ils seront en quelque sorte les yeux et les oreilles, certains soins d'urgence comme administrer du paracétamol ou certains anti-douleurs.

Ils pourront aussi donner un médicament permettant de "resucrer" rapidement un diabétique en crise d'hypoglycémie, sa Ventoline à un asthmatique ou injecter de l'adrénaline, via un stylo, à une victime d'allergie grave.

Ce décret vient d'autre part consolider, en les inscrivant dans le code de santé publique, des gestes de diagnostic que les pompiers pouvaient déjà réaliser (prise de pression artérielle, recueil du taux de glycémie par captation capillaire ou du taux de saturation en oxygène).

Fruit d'un long travail de concertation, notamment avec le ministère de la Santé, le décret "est un retour au bon sens", se félicite auprès de l'AFP le lieutenant-colonel Didier Briémant, médecin-chef du Service départemental d'incendie et de secours (Sdis) du Pas-de-Calais.

"Avant, les pompiers ne pouvaient même pas donner un Doliprane !", regrette-t-il.

Salué par les pompiers, ce texte ne fait toutefois pas l'unanimité.

« C’est préoccupant de déléguer le diagnostic d’urgences vitales aux pompiers, c’est totalement en dehors de leur zone de compétence »

La porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), Emmanuelle Seris, juge ainsi "préoccupant de déléguer le diagnostic d'urgences vitales et la mise en route de leur traitement" aux pompiers car, dit-elle, "c'est totalement en dehors de leur zone de compétence".

Même sous la supervision du Samu, "cela revient à faire de la médecine par téléphone (entre le pompier et le médecin régulateur) avec un effecteur non formé", développe-t-elle. C'est "dangereux pour la sécurité des patients (...) il vaudrait mieux augmenter les effectifs et l'attractivité" des services d’urgence.

Didier Briémant reconnaît quelques "querelles de clocher".

"Il y a peut-être quelques irréductibles, mais c'est vraiment un plus pour les médecins régulateurs. Ils vont avoir des informations supplémentaires pour prendre une décision bien ciblée pour le patient", poursuit le médecin-chef du Sdis, dont 80% des interventions concernent des secours aux personnes.

"C'est dans l'intérêt de la victime : par exemple, si l'électrocardiogramme (posé par les pompiers) montre qu'il existe un risque de coronaropathie, elle va plutôt être envoyée à Lens, qui est spécialisé, qu'à Arras", illustre l'adjudant-chef Terrier, du CIS de Bapaume.

Cette caserne, inaugurée en 2007 par Jean-Paul Delevoye, ancien ministre et maire de la commune pendant trente ans, est située en zone rurale et périurbaine, à une bonne trentaine de minutes des CHU les plus proches (Arras et Cambrai).

Les pompiers, eux, sont à 20 minutes au plus de chacune des 50 communes qu'ils couvrent et peuvent donc intervenir plus vite.

"Il faut profiter du maillage territorial dense des sapeurs-pompiers sur tout le territoire pour pouvoir intervenir plus efficacement, dans l'intérêt de la victime", souligne Didier Briémant.

"La désertification médicale fait qu'il y a moins de médecins. Sur certains secteurs, notamment les départements de montagne, et notamment en hiver dans les petits villages plus difficilement accessibles, cela permettra une meilleure prise en charge des victimes", développe le médecin-chef du Sdis.

Elle dépendra toutefois des moyens supplémentaires qui seront alloués aux Sdis, essentiellement financés par les départements, pour la formation et l'équipement supplémentaires nécessaires.

Avec AFP

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