Attentats : « Je saute sur mon scooter et en 6 minutes je suis à l’hôpital »

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S’auto-mobiliser ou ne pas s’auto-mobiliser…

Attentats : « Je saute sur mon scooter et en 6 minutes je suis à l’hôpital »

Vendredi dernier, en apprenant que des attentats étaient en cours à Paris et à Saint-Denis, de nombreux médecins se sont précipités dans leur service pour voir s’ils pouvaient être utiles à quelque chose. Une mobilisation justement saluée dans les médias. Et si ça recommençait, faudrait-il faire de même ?

 

Vendredi soir, 13 novembre. Le Dr Frédéric Le Saché, anesthésiste-réanimateur en salle de réveil et d’accueil des polytraumatisés à la Pitié-Salpêtrière, allume la télévision pour savoir si les médias évoquent la grève des médecins libéraux.

« Le journaliste parlait du match de foot, ça m’a énervé », se souvient-il. Dans les 2 minutes qui ont suivi, les explosions au Stade de France sont annoncées. Puis c’est la première fusillade. « J’appelle ma collègue de garde, elle me dit que le service est en préalerte SAMU », raconte Frédéric. « Je saute sur mon scooter et en 6 minutes je suis à l’hôpital ».

Beaucoup de confrères ont fait de même, et What’s Up Doc a publié quelques témoignages en ce sens (voir ici, et ). Mais s’agit-il d’un bon réflexe ? Afin d’éviter de désorganiser les services, ne vaut-il mieux pas attendre que l’hôpital appelle ?

« S’auto-mobiliser est une bonne chose », explique Michel Gentile, responsable de la sécurité à l’ARS Ile-de-France. « Les professionnels qui apprennent un événement de ce type peuvent se mettre en contact avec leur établissement ». Mais normalement, estime ce fonctionnaire, c’est l’hôpital qui devrait leur envoyer rapidement un message dans le cadre du plan blanc.

D’après Frédéric, à la Pitié, il n’y a même pas eu besoin de rappeler les médecins : ils sont tous venus d’eux-mêmes. « Le plan blanc a été déclenché à 22h30 », explique-t-il « mais nous avions déjà dans le service énormément de praticiens qui n’étaient pas de garde, et qui étaient revenus ».

« Sur un attentat, on ne va pas faire revenir des gériatres »

Cet élan est louable, mais il comporte certains risques. Tout d’abord, parce qu’il faut garder de la réserve pour être en mesure de relever les équipes en temps utile. Mais surtout, « on ne fait bien en situation de crise que ce qu’on fait bien au quotidien », avertit Michel Gentile. « A l’occasion d’événements comme ceux du week-end dernier, il faut que le personnel se mobilise quantitativement, mais chacun dans son métier. Sur un attentat, on ne va pas faire revenir des gériatres. Il faut des infirmiers, les anesthésistes, des chirurgiens, des urgentistes, du personnel logistique… »

Frédéric confirme : « vendredi soir, on a refusé l’aide d’étudiants en médecine, ou de spécialistes qui ne connaissaient pas le déchoquage ». Globalement, les soignants ont réagi correctement. « La mobilisation spontanée a été adéquate », assure Michel Gentile. « Ce sont les bons professionnels qui ont contacté leur établissement. On n’a pas eu d’effet contre-productif d’une mobilisation brouillonne ».

Au final, en situation de crise comme dans le reste de leur vie professionnelle, les médecins doivent garder la même ligne de conduite. « On est bien dans le primum non nocere », résume Michel Gentile.

Source:

Adrien Renaud

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