Une patiente décédée après 5 heures sur un brancard à Lariboisière, le parquet demande un procès pour homicide involontaire

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Manque structurel de moyens, erreurs individuelles… Le parquet de Paris demande un procès pour homicide involontaire contre l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, après le décès fin 2018 aux urgences de Lariboisière d’une patiente de 55 ans, retrouvée morte abandonnée sur un brancard.

Une patiente décédée après 5 heures sur un brancard à Lariboisière, le parquet demande un procès pour homicide involontaire

Les urgences de Lariboisière.

© Captures d'ecran

Le 22 décembre dernier, une magistrate du parquet de Paris a demandé dans un réquisitoire le renvoi en correctionnelle de l'AP-HP pour le décès de Micheline Myrtil, "survenu dans un contexte de défaut caractérisé de surveillance médicale et infirmière, dans un service dont il était connu que les locaux et les effectifs soignants étaient insuffisants par rapport aux besoins".

"Si cette succession de dysfonctionnements n'a pas directement causé la mort de la patiente, elle n'a pas empêché le décès et y a contribué", affirme le ministère public.

"L'AP-HP ne commente pas une procédure judiciaire en cours", a fait savoir le centre hospitalier dans un courriel. Son avocat, également contacté par l'AFP, n'a pas réagi.

Souffrant de céphalées et de douleurs aux mollets, Micheline Myrtil, née en Martinique en 1963, avait été déposée aux urgences de Lariboisière par les pompiers le 17 décembre 2018 en fin d'après-midi, puis reçue et orientée vers une salle d'attente.

La victime a passé « cinq heures sans prise en charge quelconque »

Selon la magistrate, elle a ensuite passé "cinq heures sans prise en charge quelconque", un délai qu'avait contesté l'AP-HP.

Appelée vers minuit sous une mauvaise identité ("Myatil" au lieu de "Myrtil"), la patiente n'a jamais répondu, puis a été considérée comme partie. Elle se trouvait en réalité sur un brancard, "sans surveillance" entre 1h et 6h du matin, heure à laquelle elle a été retrouvée morte.

Micheline Myrtil n'a jamais vu de médecin.

Un premier rapport d'autopsie avait établi que la patiente était morte "d'une défaillance respiratoire aiguë secondaire à un œdème pulmonaire".

Au cours de l'enquête judiciaire, les praticiens de l'hôpital ont collectivement mis en cause un manque d'effectifs et de moyens, dénoncé de longue date.

En audition, le médecin urgentiste qui aurait dû traiter Micheline Myrtil, la nuit de son décès, a ainsi pointé un système d'urgences dépassé par l'afflux de patients et des moyens insuffisants et des locaux compliquant la prise en charge.

"Je ne savais même pas que cette patiente existait avant d'apprendre son décès", concèdera-t-il tragiquement.

La famille de la victime s’est dite « satisfaite » de ces réquisitions

Deux DRH de l'hôpital ont assuré au contraire que le personnel était suffisant aux urgences pour accueillir l'afflux de patients, tout comme la directrice des affaires juridiques, lors de la mise en examen de l'AP-HP.

Pour cette dernière, le décès de Micheline Myrtil était "dû à une double faute à l'enregistrement et à la vérification d'identité" de la patiente à son accueil, une procédure selon elle "extrêmement stricte et balisée".

La famille Myrtil, qui avait rapidement dénoncé une prise en charge défaillante, s'est dite "satisfaite" de ces réquisitions face à ces "graves dysfonctionnements touchant le service des urgences de cet hôpital", selon son avocat Eddy Arneton.

La famille "reste vigilante", "elle attend fermement que justice soit rendue" car "on meurt dans les hôpitaux en France", a-t-il ajouté.

Pour lui, le tableau dessiné par le parquet est toutefois incomplet "puisque la responsabilité pénale des cadres dirigeants de l'AP-HP pourrait également être engagée".

Après le décès, Lariboisière avait annoncé des mesures de contrôles accrues des patients aux urgences

Si le ministère public cible dans ses réquisitions "l'administration de l'AP-HP", qui "a laissé perdurer une situation de sous-effectif pour laquelle elle avait été régulièrement alertée des risques", il écarte toutefois la responsabilité pénale individuelle de personnes physiques, estimant l'institution seule responsable pénale, en tant que personne morale.

Après ce décès, Lariboisière avait annoncé des mesures de contrôle accrues des patients aux urgences. L'ARS avait aussi émis diverses recommandations, parmi lesquelles une augmentation des effectifs.

Les cinq principaux syndicats de l'AP-HP (CGT, SUD, FO, CFDT, CFTC) avaient déploré "qu'il ait fallu ce drame pour que la direction s'engage enfin sur les réponses à apporter aux situations de crise subies et dénoncées".

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Le cas de Micheline Myrtil avait plus largement alimenté le débat chronique sur la crise du monde hospitalier, avant même le séisme de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 ou la saturation actuelle.

Avec AFP

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