Un médecin, un artiste : « La peinture me sort de la procédure, les protocoles, la rigueur administrative de l’hôpital »

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Anesthésiste et artiste peintre, originaire de Toulouse, Cédric Palobart aborde la vie avec sagesse. Son approche de l’art est résolument abstraite, presque métaphysique. Peindre, c’est pour lui une façon de s’émanciper des injonctions du métier de médecin mais aussi d’entreprendre sa quête intérieure, une façon de s’approcher de sa vérité.

Un médecin, un artiste : « La peinture me sort de la procédure, les protocoles, la rigueur administrative de l’hôpital »

© D.R.

What’s up Doc : Comment l’art est-il arrivé dans votre vie ? 

Cédric Palobart : Aujourd’hui j’ai passé le cap de la quarantaine, mais je peins depuis toujours, depuis que je suis petit. Ce qui m’a même valu quelques problèmes à l’école, quand je dessinais en classe (rires). J’ai commencé par peindre avec un ami de mes grands-parents qui était peintre et qui m’a transmis sa technique et son savoir. Lorsqu’il est décédé, il m’a légué beaucoup de son matériel.

Cédric Palobart

À quel moment avez-vous décidé de partager vos créations ?

C. P. : La pandémie de Covid m’a libéré de ma timidité, de ma peur et de mon problème de légitimité. Je me suis rendu compte qu’on n’a qu’une seule vie. Il faut la vivre à fond quoi qu’il en coûte ! Je me suis lancé avec le confinement et je ne regrette absolument pas.

Dans vos peintures vous abordez les thèmes de la conscience, de la matière, du temps... Pourquoi ce choix ?

C. P. : Je ne peins ni ce que je vois, ni même ce que je pense : j’essaye de m’approcher de l’inconscient. Je peins ce qui échappe à la pensée. Ma peinture est pleine de matière, elle est très gestuelle et aussi très sincère. Quand je peins, je suis presque dans une forme de transe. Pour moi, peindre la nature n’a pas d’intérêt, car la photographie est suffisante. Le réel est parfait : il est tel qu’il doit être, je préfère peindre mon paysage intérieur. 

 

Cédric Palobart Peintures

 

En quoi la peinture se démarque-t-elle par rapport à l’activité hospitalière ?

C. P. : À l’hôpital aujourd’hui on est de plus en plus dans la procédure, les protocoles et la rigueur administrative. On est presque dans une médecine défensive ; on travaille à ne pas avoir de problèmes. J’adore mon métier mais il ne laisse pas cette place à l’originalité, la folie, la singularité. Une partie de moi a besoin de la peinture pour ça. 

Y a-t-il des points communs entre l’art pictural et l’art médical ?

C. P. : Ce sont finalement deux activités profondément humaines. La médecine, c’est une confiance qui rencontre une conscience. L’art, c’est la confrontation de deux consciences. À mon sens, l’œuvre peut naître dans la solitude mais elle n’existe que si elle rencontre le regard des autres. L’interaction humaine : voilà le pont entre la médecine et la peinture.

Et si vous deviez choisir entre ces deux métiers ?

C. P. : À l’heure actuelle je ne pourrais pas faire de choix, parce que ce sont deux passions. Si ma peinture s'avérait plus lucratif, pourquoi pas faire une activité répartie en 50/50 ? Mais abandonner la médecine et le soin, certainement pas ! J’ai certes à mon âge perdu certaines illusions, mais j’ai gardé la flamme et je n’ai pas du tout l’intention d‘arrêter.

Cédric Palobart Peinture


Médecin, peintre autodidacte : est-ce difficile de trouver sa place ?

C. P. : Ce qui est difficile, c’est de ne plus être un « docteur qui peint » mais un « artiste peintre » à part entière. Maintenant quand je suis dans les milieux artistiques je ne suis plus médecin, je ne veux pas être cantonné à ça. Notre métier ne définit pas l’humain qu’on est. Il faut sortir du costume que nous met la société.

Il faut aussi une certaine maturité pour peindre. C’est très violent, quand tu montres ce que tu as de plus intime et que tu le soumets au regard et à la critique. Ce n’est pas facile. Il faut dépasser le jugement car ce qui compte c’est l’émotion procurée, bonne ou mauvaise.

Que vous apporte la peinture ?

C. P. : L’art brut, c’est une bonne façon de sortir certaines choses de soi, là où les mots échouent à le faire. Tout le monde n’a pas la capacité de mettre en mots son ressenti. L’art, c’est une autre façon de dire ce que l’on est. Certains vont voir un psy et moi je peins (rires). La peinture m’apporte une sorte d’équilibre et d’épanouissement. C’est vrai que parfois il y a aussi une forme de soulagement. Ce n’est évidemment pas qu’un exutoire, c’est aussi un besoin fondamental, et un second métier !

Vous affirmez que « Peindre, c’est être au plus près de dire sa vérité » ; c’est-à-dire ?

C. P. : Je ne sais pas si cela permet de trouver pleinement sa vérité mais j’ai l’impression que c’est la meilleure façon de se connaître soi-même, de plonger en soi afin d’avancer sur son chemin d’homme, la quête de chacun. Mon travail en tant qu’artiste a un retentissement sur l’homme que je suis et le regard que je porte.

Que dire alors aux médecins qui hésitent à se lancer ?

C. P. : Balancez la légitimité ou le syndrome de l’imposteur ! Il faut réaliser que la vie est courte, que le temps passe très vite et que le plus important c’est de se réaliser, tout au moins d’essayer. « Deviens qui tu es » c’est certainement la meilleure façon d’éviter les frustrations et les anxiolytiques !
 

Où retrouver le travail de Cédric Palobart ?

Son site, son autre site, son instagram et facebook 

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