Trauma, c'est trop

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Critique de "Un an, une nuit" de Isaki Lacuesta (sortie le 3 mai 2023). Un jeune couple franco-espagnol se retrouve pris dans le piège de l'attentat du Bataclan, le 13 novembre 2015.

Trauma, c'est trop

Alors que Céline tente de reprendre une vie normale et choisit pour cela de ne confier à personne où elle était ce soir-là, Ramon développe rapidement des symptômes de stress aigu qui vont peu à peu se chroniciser. Le couple à l'épreuve de la reconstruction post-traumatique : un merveilleux sujet pour un film hélas pas à la hauteur.

Il y a la récurrence. Celle qui a fait se succéder en peu de temps, autour d'un même thème, Revoir Paris, Novembre, Vous n'aurez pas ma haine et donc ce film espagnol qui, nous est-il précisé, s'est développé à partir de multiples témoignages de rescapés du Bataclan. Il y a ce choix, étrange car finalement presque pas développé, d’un couple binational. Il y a également la narration qui, si l'on comprend que son mode éclaté retranscrit la fragmentation de la mémoire post-traumatique, donne une impression constante de sur-place alors qu'elle emprunte de multiples détours. Voici quelques-un des facteurs expliquant notre déception face à Un an, une nuit. 

Dans Revoir Paris, Alice Winocour avait eu l'idée lumineuse d'adjoindre une quête à la description, elle aussi très clinique, d'un groupe de survivants de l'attaque terroriste d'un restaurant. Elle n'oubliait ainsi jamais quelle direction donner à son film et à son héroïne, et les fragments traumatiques trouvaient une harmonie et une profondeur que ceux que Isaki Lacuesta tente d'agencer n'atteignent jamais. Il faut dire que le scénario de Winocour était très écrit, là où celui de Lacuesta, en plus d’être sommaire, ne peut réellement se développer, tant l'on passe rapidement d'une scène à l'autre. Ce choix fait sens mais se heurte rapidement à des écueils cinématographiques qu'il n'arrive jamais à dépasser. 

L'autre choix malheureux est celui de décrire de façon aussi binaire, par l'intermédiaire du couple donc, deux stratégies opposées d'adaptation à un même événement : dissimulation et surcompensation dans le cas de Céline, stratégies d'évitement face à une reviviscence anxieuse envahissante pour Ramon. On notera à cette occasion que, si Noémie Merlant excelle à incarner la douleur de moins en moins contenue de son personnage, le rôle de Nahuel Perez-Biscayart, plombé par un jeu un peu trop stéréotypé, est plus difficile à faire exister. Car, en étant chacun figé dans une trajectoire presque conceptuelle, aucun ne parvient réellement à exister autrement qu'au travers de son aspect scénaristique utilitaire. Peut-être également que d'avoir travaillé sur un ensemble de témoignages éloigne de la possibilité de faire exister ces personnages, pourtant filmés de façon très physique, dans leur chair. Le tout donne une impression d’inabouti.

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