Quand les officines viennent au secours des labos pour produire l’amoxicilline, l’exemple d’une pharmacie parisienne

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Dans la pharmacie Maubeuge, à Paris, les préparatrices fabriquent depuis quelques jours des gélules d'amoxicilline, pour répondre à la pénurie touchant actuellement cet antibiotique largement prescrit.

Quand les officines viennent au secours des labos pour produire l’amoxicilline, l’exemple d’une pharmacie parisienne

© IStock 

Le laboratoire de fabrication de gélules de cette officine a l'habitude des préparations magistrales, réalisées sur demande. Mais depuis fin décembre, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a lancé un appel à l'aide aux pharmacies pour la fabrication d'amoxicilline. En quelques jours, la boutique est passée d’une production proche de zéro, à près de 6 000 gélules par jour de ce médicament.

Car cet antibiotique, utilisé en particulier chez les enfants, est touché par les pénuries, causées, entre autres, par une demande accrue non anticipée par les industriels. Selon les données du Gers (groupement pour l'élaboration et la réalisation de statistiques de l'industrie pharmaceutique), 63 millions de boîtes d’amoxicilline ont été vendues de janvier à novembre 2022, contre 45 millions en 2020.

Pour tenir ses délais, les cinq préparatrices de la pharmacie Maubeuge (IXe arrondissement, centre de Paris) effectuent des heures supplémentaires et rognent sur leur heure de repos à la mi-journée, dit à l'AFP Marie Coupleux, docteure en pharmacie. "On n'a pas les capacités de production de l'industrie pharmaceutique. On fait notre maximum".

"On priorise les urgences, mais des urgences, il y en a partout, tout le temps", souligne Karen Assuied, 39 ans, préparatrice depuis trois ans, qui ressent une pression "énorme".

"On se met à la place du patient" dans le besoin, ajoute-t-elle. Et quand il s'agit de préparations pédiatriques, "on sait qu'il y a un enfant qui attend, donc on se sent utiles, c’est important".

Saisie des informations, pesée du principe actif, mise en pot, remplissage de la poudre dans les gélules : ici, tout est fait à la main

La production est artisanale, bien loin des millions de gélules produites chaque jour par l’industrie pharmaceutique. Dans leur laboratoire d’une trentaine de mètres carrés, les préparatrices circulent au milieu des machines semi-automatiques, sacs de gélules transparentes et étagères où s’alignent des dizaines de flacons.

Les salariées essayent de tenir des délais de 24 ou 48 heures, entre le passage de la commande et la remise du médicament au patient. Les barquettes rouges (urgentes) et les grises (les commandes du jour), passent de main en main, sans ligne de production automatisée.

Saisie des informations, pesée du principe actif, mise en pot, remplissage de la poudre dans les gélules : ici, tout est fait à la main. Avec des cartes à jouer, les préparatrices lissent la poudre versée dans les gélules.

Une manière de travailler qui se répercute sur le prix : à seulement quelques milliers de gélules produites par jour, le prix des piluliers tourne entre 18 et 25 euros, indique Marie Coupleux. Une boîte d'amoxicilline de l'industrie pharmaceutique est facturée entre 4 et 6 euros.

"On nous a appelés, on a répondu présents", commente Didier Boeuf, le responsable de la pharmacie Maubeuge. "Mais ce n’est pas notre métier", ajoute-t-il. "Là, c’est une demande massive pour la population générale, et on n'est pas équipés ni en machines, ni en moyens humains".

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La pharmacie Maubeuge devrait pouvoir tenir ce rythme plusieurs mois, selon Marie Coupleux, jusqu’à ce que l'industrie pharmaceutique puisse répondre à l'ensemble de la demande. "On fait face, on fera face, et on continuera le temps qu’il faudra", dit-elle.

"Quand vous avez une mère de famille qui arrive avec un enfant qui a 40 de fièvre depuis 48 heures et que le pharmacien lui répond : « Je suis désolée Madame, je n’ai pas d’antibiotiques à vous donner », en France, en 2023, ça pose un problème", lâche Marie Coupleux.

Avec AFP

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