Plus de 7 % des femmes de Seine-Saint-Denis auraient subi une excision !

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Pratique malheureusement très répandue dans certains pays d’Afrique, l’excision concerne également de nombreuses femmes vivant sur le territoire français.

Plus de 7 % des femmes de Seine-Saint-Denis auraient subi une excision !

© IStock

Près de 200 millions de femmes dans le monde ont subi une mutilation génitale féminine (MGF), terme générique regroupant différentes formes de mutilations sexuelles pratiquées pour des raisons culturelles et non médicales (clitoridectomie, excision et infibulation) et plus de 4,3 millions en subiront une en 2023 selon les dernières estimations publiées par l’ONU ce lundi à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les MGF.

Des chiffres malheureusement en augmentation ces dernières années, le combat contre l’excision mené par diverses ONG et organismes internationaux ayant malheureusement été freiné par la pandémie de Covid-19 : les campagnes de sensibilisation aux dangers des MGF ont été fortement ralenties et certaines exciseuses professionnelles qui avaient été convaincues de changer d’activité ont été poussées par la crise économique à reprendre leur pratique traditionnelle.

125 000 femmes excisées en France

Mutilation pratiquée dans une trentaine de pays d’Afrique subsaharienne, mais également en Egypte, au Yémen et dans une moindre mesure en Asie-du-sud-Est, l’excision, qui se réalise généralement dans le cercle familial entre l’âge de 10 et 15 ans, reste une tradition malheureusement encore très ancrée dans certains pays. On estime ainsi que 98 % des Somaliennes, 96 % des Guinéennes et 91 % des Égyptiennes ont subi une MGF. Une intervention souvent réalisée dans des conditions d’hygiène douteuses, créant un risque d’infection et d’hémorragie dans l’immédiat et plus tard des douleurs durant les coïts et des complications obstétricales.

L’immigration africaine a importé cette problématique dans notre pays, où cette pratique était inexistante (même si une « mode » de l’excision a touché certains médecins occidentaux à la fin du XIXème siècle). En 2019, Santé Publique France estimait que 125 000 femmes vivant en France avaient subi une MGF.

Mais il ne s’agissait que d’une « extrapolation en fonction des données des pays d’origine » précise Fatoumata Sylla, doctorante en épidémiologie à l’Inserm. Elle a donc menée l’étude « Mutilation sexuelles féminines – Préval » pour mieux connaitre l’ampleur de ce phénomène en France. Des professionnels de santé de trois départements (Seine-Saint-Denis, Rhône et Alpes-Maritimes) ont été invités à questionner leurs patientes pour savoir si elles avaient été excisées. Il ressort de cette étude que 7,2 % des femmes de 18 à 45 ans vivant en Seine-Saint-Denis ont été excisées, soit plus de 22 500 femmes, bien plus que dans le Rhône (1 %) ou dans les Alpes-Maritimes (0,7 %). Parmi les femmes interrogées en Seine-Saint-Denis, 39 % étaient nées à l’étranger, dont 24 % dans des pays où l’excision est répandue. Les pays les plus à risque étant le Mali, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Guinée.

Une pratique de plus en plus condamnée à travers le monde

Des chiffres qui n’étonnent pas le Dr Sarah Abramowicz, qui souligne que 13 % des femmes qui accouchent à la maternité de Montreuil ont subi une excision. Depuis 2017, cette gynécologue dirige au centre hospitalier intercommunal (CHI) André-Grégoire à Montreuil une unité dédiée à la réparation des femmes victimes d’excision. Un service où les femmes peuvent bénéficier d’une opération de réparation du clitoris, mise au point dans les années 1980 par le Dr Pierre Foldes, mais également profiter d’un accompagnement psychologique. Les femmes peuvent y partager leur parcours, souvent identiques : à l’occasion de vacances dans leur pays d’origine, elles ont été mutilées par leurs proches. « On était chez mes grands-parents en vacances scolaires, j’étais la dernière, j’ai entendu mes sœurs hurler, puis je les ai vue sortir de la pièce, à moitié évanouies, j’ai été mutilé à vif » se souvient Anita Traoré, excisée à l’âge de 8 ans en Guinée. En France, l’excision d’une mineure de 15 ans peut être punie de 15 ans de réclusion criminelle, 20 ans si elle est pratiquée par un parent et elle peut être poursuivie même si elle est pratiquée hors du territoire français du moment que la victime et/ou l’auteur sont de nationalité française.

Le débat qui avait cours dans les années 2000 entre les anthropologues, certains affirmant que l’excision était une tradition comme une autre devant être respectée, semble être dépassé et presque tous les pays africains interdisent désormais l’excision, même si les sanctions restent encore trop peu appliquées.

Peu à peu, les mentalités évoluent et les sondages indiquent qu’une part de plus en plus importante des habitants des pays où l’excision est traditionnelle réprouve cette pratique. L’objectif que l’ONU s’était fixé d’obtenir l’abolition de cette mutilation sexuelle d’ici 2030 semble en revanche hors d’atteinte.

Nicolas Barbet
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