Pierre Pankevytch : « Quelle image je donne à mes enfants, si je ne pars pas rejoindre ma terre natale alors qu’elle crie à l’aide »

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Il n’a pas attendu longtemps, 4 jours après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, pour annoncer son départ. Pierre Pankevytch, médecin généraliste en Corse a quitté l’île de beauté pour l’enfer depuis déjà un mois. France Info l’a interviewé sur place dans les ruines d’Irpin.

Pierre Pankevytch : « Quelle image je donne à mes enfants, si je ne pars pas rejoindre ma terre natale alors qu’elle crie à l’aide »

«Je pars en Ukraine. J'ai averti mes patients que je serai absent. Je pars pour faire un hôpital de campagne, je n'en dirais pas plus, j’ai prévenu la Croix Rouge Française, et mes amis médecins. Je ne donnerais pas plus d’informations, car même WhatsApp est contrôlé par la Russie. Il y a beaucoup de blessés, des civils, des soldats, les soldats Russes aussi, car ils sont abandonnés par la Russie. Poutine ne parle pas de ses pertes humaines. Je ne sais pas combien de temps je resterais là-bas. C'est maintenant que l'Ukraine a besoin d'aide humaine, financière et militaire. Mon pays a besoin de moi, je dois y aller. Et puis, quelle image je donne à mes enfants, si je ne pars pas rejoindre ma terre natale alors qu'elle crie à l’aide. » C’est avec ces mots que le Docteur Pierre Pankevytch annonçait à Corse Net Infos sa volonté de quitter la Corse pour partir en Ukraine dès la fin du mois de février, quatre jours à peine après le début de l’invasion.

Installé à Bastia depuis 2010, après son internat à Nice et à Marseille. Il avait quitté l’Ukraine en 1994, après une vie déjà dense : « J'ai poursuivi des études de médecine à Lviv en Ukraine, une ville qui se trouve à 70 km de la Pologne. Puis, j'ai fait mon internat à Moscou quand nous étions toujours en Union Soviétique, où j'étais médecin et lieutenant des forces médicales militaires. » Un homme de tempérament et de courage que France Info a retrouvé cette semaine dans les ruines d’Irpin, il secoure les civils qui sont encore pris au piège de la ville. Il n’a plus de corridor pour les évacuer. Il y a trois jours, son ambulance a reçu des éclats d’obus. "Les tirs et les combats se sont faits plus actifs. Les gens qui restaient encore à la maison se sont dit qu'il fallait partir." La bataille d’Irpin est féroce, mais à l’image des Ukrainiens qui ne lâchent rien, Pierre Pankevytch se donne à fond. Désormais il aurait besoin d’une ambulance blindée. "On a besoin d'un véhicule blindé, pour la première ligne. Quand ils tirent, c'est comme une passoire..."

Il sait, que chaque sur place, il risque sa vie, il le savait déjà en partant : « Je suis prêt à tout donner pour ma terre, même la vie. Un guerrier marche toujours avec sa mort à côté, c'est justement de cela qu'il tire sa force. Être courageux et ne pas avoir peur, ce n'est pas la même chose. Être courageux, c'est avoir une force spirituelle, être courageux c'est vivre même avec la peur. Moi, j'ai peur et je ne peux plus dormir, car en partant je sais que peut-être je ne verrais plus ma famille qui comprend que c'est le moment où tout compte : chaque homme, chaque fusil. J'ai expliqué à mes enfants, j'ai dit à mon fils aîné quel sens de la vie il doit choisir, si toutefois je ne reviens pas. Qu'il cherche la volonté de Dieu en lui, chacun doit être grand en sa place. »

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