Peut-on faire de la recherche clinique sans comité d'éthique ?

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L’éthique est nécessaire à toute recherche, sans être pour autant garantie systématiquement par un comité d’éthique. Alors les passages en CPP, c'est pour qui ?

Peut-on faire de la recherche clinique sans comité d'éthique ?

La recherche biomédicale ou clinique comprend toutes les recherches organisées et pratiquées sur l’être humain en vue du développement des connaissances biologiques et médicales. Vaste programme ! On distingue en réalité 3 catégories.

Les recherches interventionnelles portent sur des médicaments, dispositifs implantables, techniques ou stratégies innovantes que l’on cherche à évaluer. Les non interventionnelles correspondent à l’analyse d’actes pratiqués ou de produits utilisés de manière habituelle sans qu’aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic ou de surveillance soit envisagée.

Enfin, les soins courants diffèrent légèrement dans le fait qu’ici les actes pratiqués ou les produits utilisés, qui restent ceux de tous les jours, sont analysés selon des modalités particulières de surveillance définies par un protocole.

Rappelons un élément fondamental de l’éthique de la recherche : l’intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale prime toujours sur les seuls intérêts de la science et de la société (1). Suite à la loi de santé publique n° 2004-806 du 9 août 2004 et à son décret d’application (2), toute recherche clinique doit passer par l’avis d’un comité de protection des personnes (dit CPP ou comité d’éthique). Il rend son avis sur les conditions de validité de la recherche, notamment au regard de la protection des personnes. Cependant, à ce jour, ne doivent recevoir obligatoirement un avis favorable du CPP avant d’être débutées que les recherches interventionnelles et les recherches en soins courants. Les recherches non interventionnelles basées sur l’observation, le recueil de données cliniques ou la collection biologique sont considérées hors champ d’application.

On peut donc mettre en place sans autorisation éthique préalable du CPP, ni de l’ANSM (Agence nationale de santé et du médicament), des recherches telles que des analyses rétrospectives de données collectées à partir de la pratique clinique quotidienne, des analyses d’efficacité ou de tolérance de pratiques de soins différentes entre établissements, des observations à partir de pièces opératoires (hors analyses génétiques relevant d’une législation spécifique).

Avec le non interventionnel, ce serait donc easy… à ceci près qu’il faut veiller à rester vigilant sur quelques points côté investigateur :

S’assurer avant tout qu’il s’agit bien d’une recherche non interventionnelle car, en cas de non-respect de la réglementation, les sanctions peuvent être sévères ! En cas de doute un avis consultatif peut être demandé au CPP en fournissant un résumé du projet de recherche. Cela n’évitera pas l’attente… pour que l’avis soit rendu mais c’est la seule garantie valable !

Certaines revues, souvent de facteur d’impact élevé, n’accepteront l’article issu de la recherche que si vous fournissez l’avis favorable d’un CPP préalable au début de la recherche. Un point important à considérer si on ne veut pas voir ses efforts réduits à néant. Le fichier de données doit respecter l’anonymat des patients et la réglementation de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Il doit d’ailleurs lui être déclaré. C’est indispensable !

DERNIER CONSEIL POUR LA ROUTE

L’évolution réglementaire en cours prévoit, dans le cadre de la loi Jardé, d’obliger chaque investigateur à déclarer au CPP tout projet de recherche, quel qu’en soit sa nature et, in extenso, d’en obtenir un avis favorable. En l’état, si la loi était promulguée ainsi, cela entraînerait par conséquent que même le plus petit projet de thèse de médecine ou de mémoire ne puisse voir le jour sans avis préalable du CPP…

Charmant présage de complications administratives en perspective !

 

* Christophe Mariette est PU-PH de chirurgie viscérale (Lille) et reviewer de nombreuses revues chirurgicales ou d’oncologie (The Lancet, The Lancet Oncology, The Annals of Surgery, British Journal of Surgery…).

 

SOURCES

1. Article L. 1121-2 du Code de la santé publique

2. N° 2006-477 du 26 avril 2006

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