Médiateur en santé : un métier pour aider les personnes "dont le parcours de soins et de prévention est en échec"

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"Je dois toujours commencer par expliquer en quoi consiste mon métier mais les gens sont finalement rapidement convaincus de l'utilité de mon travail", explique Selma Boussarou, 47 ans, salariée à la Mutualité française de Clermont Ferrand. Son métier : médiatrice en santé.

Médiateur en santé : un métier pour aider les personnes "dont le parcours de soins et de prévention est en échec"

© IStock 

Chaque jour, elle se rend dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville pour rencontrer des patients qui ne sont plus suivis médicalement. Ce sont principalement des personnes âgées ou précaires. Beaucoup n'ont pas accès au numérique et peinent à trouver des rendez-vous avec des praticiens ou des administrations.

Si le terme est encore peu connu, il gagne peu à peu les secteurs sanitaires et médico-social. Le ministre de la santé, François Braun, en fait lui-même la promotion. Il a affirmé le 3 octobre "être convaincu" que la médiation en santé "est une clé de notre action collective", en ouverture du volet du Conseil national de la refondation (CNR).

Le médiateur en santé intervient auprès de patients "dont le parcours de soins et de prévention est en échec", explique le Pr Olivier Bouchaud, infectiologue à l'hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Cette rupture peut être liée à un éloignement géographique, notamment dans les déserts médicaux, ou bien à un état de précarité qui isole les patients.

Charge alors au médiateur en santé de rapprocher patients et soignants : d'une part, il doit accompagner le patient dans sa réintégration au système de santé et d'autre part, il doit sensibiliser les soignants aux problématiques spécifiques qui ont éloigné le patient du parcours de soin.

Ils sont sollicitée par les médecins désemparés face à des patients hospitalisés atteints du VIH qui refusent les traitements

"Les professionnels de santé peuvent être déroutés par les particularismes de certains patients", dont certains souffrent par exemple de troubles mentaux, d'où la nécessité d'un tiers "qui ait une vision globale, qui redonne confiance et fasse le lien", défend Philippe Denormandie, chirurgien et délégué général de la Fondation NEHS Dominique Bénéteau qui finance de nombreux projets associatifs de médiation en santé.

Sollicitée par les médecins désemparés face à des patients hospitalisés atteints du VIH qui refusent les traitements, Marie-Jeanne Otshudi, médiatrice en santé pour l'association Ikambere, tient des permanences dans plusieurs hôpitaux parisiens. "Je les mets en confiance, je les rassure et je les aide petit à petit à accepter leur état sérologique et à adhérer au suivi médical", raconte-t-elle.

Les compétences requises pour cette profession sont vastes : outre certaines connaissances médicales, "il faut connaître le fonctionnement de la protection sociale, pour aiguiller le patient dans le dédale administratif", précise Olivier Bouchaud, et avoir des compétences relatives à l'éthique du soin. "Le médiateur en santé mobilise des compétences techniques mais aussi de savoir-faire et de savoir-être", résume-t-il.

L'infectiologue a créé il y a cinq ans le premier cursus universitaire dédiée à la médiation en santé au sein de l'Université Paris 13. Chaque année, une vingtaine de professionnels des secteurs sanitaire, social ou médico-social en ressortent diplômés après 160 heures de formation.

Le métier s'est développé à partir des années 1980 dans le milieu associatif avant d'être officiellement reconnu par la loi de modernisation du système de santé de 2016. Son cadre a été précisé en 2017 par la Haute autorité de santé qui a défini un référentiel de la pratique. Aucun recensement des médiateurs en santé n'a été effectué à ce jour.

Pour autant, la médiation en santé demeure largement méconnue des professionnels, qui l'observent de loin parfois avec méfiance. "Il n'y a pas encore de définition d'un cadre, d'une stratégie, d'un modèle économique. C'est une somme d'expériences mais cela n'a jamais été mis en musique de façon collective. Il faut arriver à intégrer la médiation en santé dans nos règles de santé publique", plaide Philippe Denormandie, qui fait partie des trois "garants" nommés par le ministre de la Santé dans le cadre du CNR.

Le 16 novembre, à l'occasion du Congrès de la société française de lutte contre le Sida, Olivier Bouchaud lancera un appel national au gouvernement en faveur de la création de 1 000 postes de médiateurs en santé par an.

Avec AFP

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