Médecins solidaires, « un collectif de médecins généralistes qui ont envie de lutter contre les déserts médicaux d’une manière différente grâce aux temps partagé solidaire »

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Les problèmes des déserts médicaux et un sujet de plus en plus important et source de tension. Martial Jardel, a décidé de créer un collectif pour y répondre avec pour principe le temps partagé. Le premier centre a ouvert dans la Creuse, à Ajain, le 31 octobre, pour le plus grand bonheur des habitants qui n’avaient plus de médecins généralistes. What’s up Doc est allé à sa rencontre.

Médecins solidaires, « un collectif de médecins généralistes qui ont envie de lutter contre les déserts médicaux d’une manière différente grâce aux temps partagé solidaire »

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Qu’est-ce que le collectif médecins solidaires ?

C’est un collectif de médecins généralistes qui ont envie de lutter contre les déserts médicaux d’une manière différente. Nous proposons une contribution significative grâce à une innovation organisationnelle : le temps partagé solidaire. Nous avons pour objectif de créer des centres médicaux qui fonctionnent grâce aux temps partagés. Ce sont des médecins qui dédient une semaine de leur agenda médical au fonctionnement de notre centre médical. Ils se construisent autour de l’idée que le médecin est différent chaque semaine. Pour cela il y a toute une logistique et une coordination qui est mise en place. Les médecins ont un logement et un véhicule à disposition. Tout est fait pour qu’ils puissent exercer la médecine générale dans un endroit qui n’a plus de médecin tout en gardant la continuité des soins. L’association médecins solidaires organise la continuité du planning.

 

La région, vous a-t-elle aidé dans le financement de ce projet ?

Oui nous avons été soutenu dans ce projet par les collectivités locales, le comité régional, le comité d’agglomération, la commune, l’ARS et la caisse d’assurance maladie. La commune d’Ajain nous a mis à disposition un local. Ils ont acheté tout le matériel fixe. Ils s’occupent aussi de toute la partie fonctionnement : ménage, électricité…

 

« Je me suis rendu compte que la seule chose qui fonctionnait au-delà du bâtiment, de la zone géographique, ce sont les histoires collectives »

 

D’où vous est venue l’idée ?

J’ai fait en 2021 un tour de France des remplacements. J’ai remplacé pendant 5 mois des médecins dans 10 départements ruraux. Je me suis rendu compte que la seule chose qui fonctionnait au-delà du bâtiment, de la zone géographique, ce sont les histoires collectives avec une impulsion. La mobilité n’était pas incompatible avec la médecine générale si les outils nécessaires pour l’assurer étaient mise en place. C’est-à-dire lever les contraintes en donnant au médecin toutes les informations dont il a besoin pour exercer sereinement. Cette expérience m’a donné l’idée et cela a pu se concrétiser grâce à ma rencontre avec Bouge ton coq. C’est une association qui milite pour redonner de la vitalité aux zones rurales. Ils avaient envie de travailler sur les thématiques de santé. Nous nous sommes rencontrés. Leur support a permis l’éclosion et la concrétisation de l’histoire.

 

Comment cela se passe pour un médecin qui souhaite participer, de son inscription à son arrivée dans le centre de santé ?

Le médecin nous informe qu’il est intéressé via notre site. Nous revenons vers le médecin et un des membres du collectif fait une visio avec lui dans laquelle nous expliquons avec davantage de détails logistiques comment cela va se passer. Il est mis en contact avec Laetitia, une de nos coordinatrices. Elle va s’assurer de toute la partie logistique et administrative, récupérer tous les documents nécessaires à l’embauche car le médecin est embauché en CDD pendant une semaine.

Ensuite on trouve avec le médecin la semaine qui lui va. Nous organisons le déplacement que nous prenons en charge. Le médecin doit être présent le lundi matin. À ce moment-là, nous expliquons le fonctionnement du centre. Le médecin travaille toute la semaine avec des horaires de 9 à 19h avec une pause de 13 à 15h avec 3 consultations par heure. Il y a des consultations d’ouverture de dossier de patients chroniques qui, elles, durent 40 minutes. Nous voulons qu’il y ait un exercice de la médecine générale qui soit serein avec du temps pour voir les patients. C’est un projet qui nécessite du temps d’investissement personnel et professionnel. Ce sont des patients inconnus, que l’on découvre à chaque fois pour la première fois, c’est important que le dossier soit bien rempli pour que le suivi soit bien assuré.

 

« On ne cherche pas des mercenaires mais des médecins qui veulent se retrouver autour de valeurs humanistes de proximité. »

 

Combien sont-ils rémunérés ?

Il y a la rémunération en nature : le logement et les frais de transports. La rémunération est de 800 euros nets la semaine, c’est une rémunération très en dessous de ce que les médecins peuvent être habitués à percevoir mais ce n’est pas un projet où le médecin vient s’enrichir. On ne cherche pas des mercenaires mais des médecins qui veulent se retrouver autour de valeurs humanistes de proximité. Qui sont prêts à travailler à moindres frais pour une semaine, pour garantir la pérennité du projet.

 

Votre planning est-il plein jusqu’à la fin de l’année ?

Nous avons des médecins inscrits jusqu’au mois de septembre et nous en avons qui nous rejoignent quotidiennement. Pour l’instant nous avons 40 médecins inscrits.

Le but est d’ouvrir d’autres centres. Jusqu’ici nous avons communiqué très discrètement. Nous voulions être sûrs que le projet fonctionne, et c’est le cas ! À présent nous le déployons pour apporter une contribution significative à l’accès au soin, aux déserts médicaux, pour redonner aux patients un accès aux soins primaires.

 

Ces centres, peuvent-ils accueillir des internes ?

Pour l’instant non. À terme si le projet se développe, il sera intéressant de se mettre en relation avec le Collège de médecine générale et le Département de médecine générale, des enseignants de médecine générale afin d’imaginer que cela puisse devenir un terrain de stage. Nous sommes en train de créer un nouveau type d’exercice médical qui peut avoir un intérêt pour des internes. Mais cela exige un encadrement pédagogique que nous ne sommes pas encore en mesure de proposer car c’est un projet naissant.

 

Quels sont les retours de la population par rapport à ce projet ?

Les gens sont très reconnaissants qu’il y ait plein de médecins qui viennent les aider. Tous les médecins qui sont venus l’ont relevé. Ils sont agréablement surpris par cela.

 

« Nous avons fait le choix de nous retrouver dans l’action, dans le soin. »

 

En ce moment la revalorisation de la consultation est au cœur de l’actualité médicale. Quelle est votre position ?

Nous n’avons pas d’avis sur le sujet. Non pas que personnellement nous n’en ayons pas mais c’est un choix d’être un collectif apolitique, qui ne pense rien. Nous avons fait le choix de nous retrouver dans l’action, dans le soin. Dans notre collectif, il y a des médecins engagés dans l’association Médecins pour demain, syndiqués chez MG France, d’autres non syndiqués. Il y a des médecins qui sont politiquement engagés à droite, à gauche. Le but est de créer un espace dans lequel réside uniquement la question du soin.

 

Quels sont tes objectifs à moyen terme ?

Nous n’avons pas d’objectifs chiffrés. Nous avons une ambition forte et beaucoup de détermination. Le nombre de centres ouverts dépendra du nombre de médecins qui accepteront de nous rejoindre… Si nous avons tous les médecins généralistes de France, le collectif pourra ouvrir beaucoup de centres sur le territoire !

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