« Malgré ma sclérose en plaques, je vais tenter dimanche un record du monde de triathlon en duo avec mon neurologue, notre message : soignants, soignés, ensemble on peut aller plus loin »

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Un duo pas comme les autres va s’élancer, dimanche 28 août de Saint-Malo pour tenter de battre un record du monde. Un patient atteint de sclérose en plaques de 52 ans et son neurologue de 38 ans, Géraud Paillot et Mathieu Vaillant. Un duo réuni par un défi et un message : soigné, soignant, ensemble on va plus loin.

« Malgré ma sclérose en plaques, je vais tenter dimanche un record du monde de triathlon en duo avec mon neurologue, notre message : soignants, soignés, ensemble on peut aller plus loin »

© D. R.

Géraud Paillot

What’s up Doc : Quel défi allez-vous tenter dimanche ?
Géraud Paillot :
On va tenter avec Mathieu Vaillant de réaliser un record du monde d’enchainement de triathlon longue distance, dans un format Semi Ironman. Donc on va nager 1,9 km, 90 km en vélo pour Matthieu et en handbike (vélo à bras) pour moi, et on enchaine sur un semi-marathon 21 km, lui en courant, moi en fauteuil. On va essayer d’enchainer ça plusieurs jours d’affilée. Donc on commence le dimanche 28 aout à 6h30 et tous les jours on va répéter le même programme. On sera aussi accompagnés soit par des sportifs, soit par des personnes en situation de handicap, qui vont venir faire une épreuve à leur portée. Notre message : soignants soignés, ensemble on peut aller plus loin. Avec des projets on peut révéler la résilience qui est en nous. On peut avancer en faisant partie d’un collectif. On veut donner envie aux gens de participer à un projet pour se rééduquer et tous ensemble progresser.

Comment en êtes-vous arrivé à un tel niveau ?
G. P. :
J’ai été diagnostiqué de la sclérose en plaques en 2004. A l’époque je travaillais 12 heures par jour, j’étais cadre dirigeant dans un grand groupe industriel. J’ai arrêté le sport, car on m’avait dit, avec cette maladie, le sport c’est terminé monsieur.
Puis la vision sur le sport a changé avec le temps, et je m’y suis remis à travers le yoga à partir de 2012.

Et en 2017, l’évolution de la pathologie et l’apparition de troubles cognitifs, m’a forcé à arrêter de travailler. Deuxième rupture forte dans ma vie, après l’annonce de la maladie. Je me suis que j’avais envie de donner du sens, de montrer à mon entourage que je n’allais rien lâcher et qu’on pouvait avancer avec la maladie. Donc j’ai décidé de traverser la France pour aller à la rencontre des malades, leur dire on peut avoir des rêves et les réaliser. J’ai lancé l’association Aventure HUSTIVE (humaine et sportive), j’ai donné 8 conférences en France, et j’ai fait Paris-Marseille en kayak. Moi ce n’est pas le TGV en 3 heures, c’est 55 jours !

Vous avez retrouvé du sens en vous lançant ces défis ?
G. P. :
Je suis aussi très impliqué en tant que patient expert (que je préfère au terme patient ressource) côté ETP (Education Thérapeutique du patient). Et je suis cofondateur du département des patients de l’université Grenoble-Alpes. Nous avons 3 missions importantes : éduquer les patients à l’ETP, la formation initiale et continue des soignants pour apporter la voix des patients, participer à des programmes de recherches.

Comment avez-vous connu l’ETP pour vous y impliquer ?
G. P. :
Un neurologue de l’hôpital de Grenoble, qui maintenant est un peu plus connu, nommé Olivier Véran, m’avait expliqué qu’il me verrait bien sur ces approches ETP. Et je me suis formé, et je m’investis beaucoup car c’est quelque chose qui peut permettre au patient tôt dans sa pathologie de mieux appréhender ce monde de la maladie chronique dans lequel il rentre, et de voir comment avancer. Je pense que ces programmes sont fabuleux, ça fait travailler soignants et soignés ensemble, ça permet de mieux faire se rencontrer ces deux mondes.

Et concrètement, vous faites quoi ?
G. P. :
Côté ETP pur, avec l’équipe grenobloise du programme ETP7, j’interviens, j’anime ou coanime des ateliers avec des soignants, on débriefe après chaque session, on fait évoluer le programme, si besoin, on travaille sur de nouveaux ateliers. Côté université des patients, on travaille sur de la recherche, je fais partie du comité scientifique animé par le laboratoire Roche, sur l’autonomie des patients. Des ateliers avec des futurs médecins, pharmaciens, avec des patients, on crée des interactions, on réfléchit sur l’utilisation de tels termes, on débriefe. On essaie d’améliorer l’interaction. C’est très varié et ça a beaucoup de valeur dans la maladie chronique, mais aussi pour les soignants, ça permet de changer les regards et de mieux travailler ensemble.

Et comment avez-vous formé votre binôme sportif avec Mathieu Vaillant ?
G. P. :
J’ai travaillé avec Mathieu Vaillant, le neurologue qui m’accompagne dans mon défi, sur la mise en place d’un programme ETP justement. L’équipe des médecins de Grenoble est très impliquée auprès des patients et naturellement ils ont commencé à participer à certains de nos défis, que ce soit Matthieu ou d’autres médecins du service. On a développé un certain nombre de projets sportifs où ils viennent dès qu’ils le peuvent. Et un de nos messages c’est promouvoir une prise en charge holistique, globale, des patients : médecine, soignants, associations, patients ressources… On avance tous ensemble dans la même direction, pour apprendre à pagayer avec la maladie.
Matthieu avait déjà participé au premier Semi Ironman en 2020 et je me souviens d’une patiente qui m’avait contacté qui m’avait dit j’aimerais bien rencontrer ce médecin, que c soit lui qui me suive. Parce qu’un médecin qui va mouiller le teeshirt, qui passe un dimanche à courir avec des personnes en situation de handicap, des malades, c’est une démarche qui m’intéresse. Et aujourd’hui il est son médecin. Ca casse les codes. Des deux côtés la relation n’est pas évidente, pour le soigné, le médecin c’est l’autorité, il a plein de questions à lui poser, il a un emploi du temps compliqué, la relation est complexe. Et côté médecin, ce n’est pas si simple de soigner, quand on parle d’ETP, la blouse n’est plus là, on parle de partage, de confiance, d’échange.

Etre ensemble sur un défi, ça change le regard. Tous ensemble, on avance !

 

Dr Mathieu Vaillant : « J’aime voir le patient comme un partenaire, pas avec un vision descendante, mais dans une vision de collaboration »

Mathieu Vaillant

What’s up Doc : Docteur, êtes-vous sportif ?
Mathieu Vaillant : Je suis sportif de loisir depuis toujours, et je me suis mis au triathlon il y a 2 ans avec Géraud Paillot qui m’avait proposé un premier triathlon semi longue distance entre Aix-les-bains et Grenoble. Et on a enchainé l’année dernière avec un triathlon longue distance en Bretagne. Et donc ce sera la troisième année. En général, je fais du sport seul, en famille ou avec des amis, mais avec des patients l’activité sportive c’est important, notamment dans la sclérose en plaques, le sport est une bonne thérapie complémentaire. Donc il y a plusieurs années, avec une association de patients grenoblois on avait fait une journée SEP et Sport, pour parler des bienfaits de l’activité physique et à partir de là on a renforcé l’information sur l’activité sportive et la prise en charge symptomatique dans la sclérose en plaques. Valoriser le sport pour les patients.

Pour Géraud Paillot vous êtes encore son médecin ou son partenaire de défi sportif ?
M. V. : Je ne suis pas son médecin neurologue direct, à Grenoble on travaille en équipe avec trois neurologues spécialisés dans le domaine de la sclérose en plaques, donc je le suis moins au quotidien pour sa maladie.

Quel est votre message avec ce défi ?
M. V. : Un message pour les patients : pendant longtemps dans les cas de sclérose en plaques on a dit, il faut arrêter le sport ça va aggraver la maladie, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui on valorise l’activité sportive. Ca améliore des symptômes de la maladie comme la fatigue ou une meilleure tolérance à l’effort.

Là c’est un peu un défi extrême, avec une intensité sportive importante, mais il faut que chacun trouve sa pratique adaptée, avec ses propres objectifs, le faire progressivement et valoriser le plaisir dans l’activité physique. Et le faire bien entouré, en accord avec le médecin, en association avec les personnes qui peuvent aider, les kinés les APA.
Côté médecin, Géraud est patient ressource en ETP, et en ETP on voit le patient comme un partenaire, pas dans une vision descendante, mais dans une vision de collaboration. Et là c’est ce qu’on fait, avancer ensemble, soignant soigné avec des objectifs communs, et s’écouter en prenant en compte les contraintes de chacun.


Comment vous êtes-vous préparés avec Géraud ?
M. V. :
On communique régulièrement ensemble pour savoir comment se préparer sur le plan physique, le plan nutritionnel, sur le plan gestion de la fatigue. Avec des thérapeutiques non médicamenteuses, avec des techniques d’hypnose, de projection mentale, qui permettent d’anticiper les difficultés.

Ce n’est pas spécifique à Géraud, tout ce qu’on utilise dans ce défi peut être utilisé toujours les jours avec d’autres patients dans la gestion du stress, la projection, la gestion du traitement, les passages des IRM, tout ça est utile pas seulement pour les grands défis.

Vous le sentez bien ce défi, vous avez eu le temps de vous préparer ?
M. V. :
On verra après. J’habite dans une région où on peut aller facilement crapahuter en montagne. J’ai eu mes vacances cet été pour m’entrainer. J’ai la chance de travailler dans une unité d’hôpital de jour, avec une équipe passionnée, motivée. Je suis heureux de ce que je fais j’aime travailler au CHU, j’aime le lien avec les confrères et les patients, on peut communiquer ensemble et avancer tous ensemble

 

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