« L’hôpital est quand même attractif, pour l’être davantage, il faudrait que l’on soit plus réactif, offrir plus de liberté aux services et nous appuyer sur la jeune génération »

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Le service public avant tout, et depuis toujours, même quand ce n’était pas du tout à la mode ! Thierry Gamond-Rius est le nouveau DG du CHU de Besançon. Avant ça, il a dirigé l’hôpital de Lorient, un établissement plus petit en Ardèche, après avoir fait ses armes en Guadeloupe. Son but, travailler l’attractivité de CHU auprès des internes, mais surtout assurer des soins de qualité partout, pour tous… Rencontre avec un DG de CHU heureux.

« L’hôpital est quand même attractif, pour l’être davantage, il faudrait que l’on soit plus réactif, offrir plus de liberté aux services et nous appuyer sur la jeune génération »

Thierry Gamond-Rius, DG du CHU de Besançon.

© DR.

What’s up doc : Vous êtes DG du CHU de Besançon depuis 3 mois, quel est votre parcours ?

Thierry Gamond-Rius : Je suis chef d’établissement depuis 1998. Avant ça, à ma sortie de l’école, j’ai préféré commencer comme adjoint. L’hôpital est un milieu particulier, on a tout intérêt à le connaitre sur le terrain avant d’exercer des responsabilités. Je suis resté adjoint en Guadeloupe pendant 7 ans de 1991 à 1998 sur un projet de regroupement de deux établissements. Puis je suis devenu chef d’établissement en Ardèche, j’y suis resté 12 ans. Ensuite un plus gros établissement puisque j’étais à Lorient, où j’ai travaillé à ouvrir un nouvel hôpital, au développement de l’activité et aux synergies entre tous les établissements MCO du territoire. J’y suis resté 12 ans. Et je suis arrivé au CHU de Besançon en début d’année. Comme vous pouvez le voir j’ai l’habitude de rester longtemps sur mes postes.
J’ai toujours refusé de faire des sauts de puce, d’abord parce que je m’attache à l’endroit où je suis et aux équipes qui y travaillent. Et aussi pour pouvoir mesurer les effets de ce qu’on peut impulser. Donc il y a une première phase de prise de connaissance de l’établissement, on doit se couler dans l’histoire et la culture de l’établissement. Ensuite on impulse des choses et on accompagne l’établissement dans une dynamique et l’intérêt c’est de voir l’action de ce à quoi on a participé.

 

« J’ai toujours refusé de faire des sauts de puce, d’abord parce que je m’attache à l’endroit où je suis et aux équipes qui y travaillent. »

 

Vous avez dès le départ voulu être directeur d’hôpital, vous n’avez jamais hésité avec médecin ?

TGR. : J’ai fait Droit, Science Po, je savais que je ne serai pas médecin, en revanche, je savais deux choses : la première c’est que je souhaitais travailler au sein du service public, parce qu’à l’époque dans les années 80 ce n’était pas très à la mode, mais pour moi c’était une forme d’évidence, pour travailler en fonction des valeurs qui étaient les miennes. Deuxièmement, je savais que je préférais un travail de terrain soit dans le secteur social soit sanitaire. Et j’ai découvert ce métier avec beaucoup de plaisir. C’est un métier qui permet une grande autonomie d’action, qui permet de travailler avec des acteurs différents, qui autorise des initiatives et une créativité que l’on n’a pas forcément dans d’autres administrations d’état. Et surtout, vous aidez les équipes médicales et paramédicales à apporter une prestation de soins à la population, et ça c’est hyper concret. 

 

Par rapport à vos expériences précédentes, qu’est ce qui change à Besançon, le U de Universitaire ? 

TGR. : La taille de l’établissement bien sûr et le nombre de personnes qui y travaillent. Ce qu’on trouve en plus, c’est le secteur de la recherche et de l’innovation, car c’est au cœur des missions du CHU avec l’enseignement. C’est un élément de motivation et d’attractivité. Et au CHU de Besançon nous avons la chance de partage un site unique, avec l’université, l’établissement français du sang, et un microcosme économique qui peut accompagner l’ensemble des chercheurs.
Et une autre chance de Besançon, c’est le positionnement du CHU au cœur de la Franche-Comté, qui permet d’envisager des synergies avec l’ensemble des établissements de la région. Ce qui offre une palette d’activités diversifiées aux médecins qui souhaitent s’investir sur cette dimension territoriale.

 

« Au regard du classement au CHU de Besançon, nous avons des marges de progrès pour attirer les internes. Il y a, comme pour beaucoup d’établissements une question d’hébergement, la question des conditions de travail aussi… »

 

Besançon est 21e sur 28 dans notre classement des CHU des 10 dernières années, quels sont les leviers pour attirer les internes ?

TGR. : Je vais essayer de travailler ce sujet avec eux, je vais m’attacher à rencontrer les représentants des internes. Je vais les questionner pour identifier ce qui les a incités à faire ce choix, et puis peut être identifier ce qui aurait pu inciter d’autres de leurs confrères et consœurs à faire ce même choix. Je sais que ceux qui passent par l’établissement, en gardent un bon souvenir et beaucoup d’entre eux s’installent dans la région. Pour autant, au regard du classement nous avons des marges de progrès. Il y a, comme pour beaucoup d’établissements une question d’hébergement, la question des conditions de travail aussi, même si je n’ai pas de retours négatifs sur ce sujet. Mais je veillerai avec les internes à ce que les choses se passent toujours dans de bonnes conditions.

 

Attirer les internes c’est un vrai enjeu ?

TGR. : Les internes, ce sont eux qui feront l’hôpital de demain. Donc c’est un enjeu majeur des années à venir. Le renouvellement des générations et la capacité à attirer des talents, passent par l’attractivité auprès des internes. On sait bien que lorsqu’on fait ses études quelque part, si ça se passe bien, on a tendance à y faire sa vie après, et à s’investir au sein de l’établissement. Besançon et sa région se caractérisent par leur discrétion. Je l’ai observé en arrivant. Et j’observe qu’on fait beaucoup de choses très bien dans cet établissement et qu’il faudrait qu’on soit un peu plus proactif à le faire savoir.
En termes de motivation et d’attractivité il faut noter que le CHU a voté son projet d’établissement médico-soignant l’année dernière. Il est en rénovation complète, la tour principale est en cours de restructuration, on vient de choisir un architecte pour un bâtiment neuf pour l’odontologie, on a également choisi le projet d’un architecte pour la psychiatrie, on est dans une dynamique de restructuration et de projets.

 

« Il faut redonner un peu d’air et d’autonomie aux services hospitaliers, permettre l’expérimentation, faire en sorte que les talents s’expriment… »

 

Est-ce compliqué de diriger des médecins ?

TGR. : Le vrai sujet c’est de redonner un peu d’air et d’autonomie aux services hospitaliers, permettre l’expérimentation, faire en sorte que les talents s’expriment et tout le reste est affaire d’hommes et de femmes. On a chacun des responsabilités liées à notre métier, quand on est directeur, quand on est doyen, quand on est médecin… La fonction de chacun est importante.
En tout cas j’ai vécu en arrivant ici un accueil très positif, un esprit d’ouverture réel, et je suis vraiment heureux d’être ici. Un CHU comprend de très nombreux métiers, tous ont des responsabilités particulières. Mon rôle, c’est fixer une stratégie partagée par tous et faire le lien entre ces différents métiers. Tous les acteurs de l’hôpital public sont motivés par le sens du service public et la prestation apportée à la population. On a des défis partagés à relever comme l’ouverture sur la ville et sur notre territoire, une nouvelle dynamique de prévention, en plus des nouvelles thérapeutiques et de la recherche. Quand on partage un objectif commun, on trouve toujours le moyen d’avancer d’un bon pas.

 

Il y a une réforme en cours pour mettre en place un tandem médecin-directeur à la tête des hôpitaux, vous en pensez quoi ?

TGR. : Ce tandem je le vis au quotidien avec le président de la commission médicale et le doyen. On se voit régulièrement, on partage des projets ensemble. Dans un hôpital qui fonctionne normalement, un directeur, un président de CME et un doyen ne peuvent pas ne pas s’entendre. Quand on a affaire à des gens intelligents il n’y a pas de problème.

 

« Dans un hôpital qui fonctionne normalement, un directeur, un président de CME et un doyen ne peuvent pas ne pas s’entendre. »

 

Avez-vous des idées pour augmenter l’attractivité hospitalière ?

TGR. : C’est surtout dans les pratiques je pense, qu’on peut trouver les réponses. On a un problème de démographie médicale et paramédicale, c’est une réalité. L’hôpital est quand même attractif, il y a 7 000 salariés à Besançon, il n’y aurait pas autant de monde, sinon. Cela étant, pour l’être davantage, il faudrait peut-être que l’on soit plus réactif, offrir plus de liberté aux services et peut être nous appuyer sur la jeune génération. On dit que leur vie personnelle est trop importante, que les générations précédentes passaient plus de temps au travail, c’est une réalité à prendre en compte et ce n’est pas critiquable. Mais il faut voir les choses de manière plus positive. C’est aussi une génération qui est davantage attachée à l’éthique et à la valeur qu’elle peut mettre dans son travail. De ce point de vue, l’hôpital public a une carte à jouer. Parce que permettre à l’ensemble de la population de bénéficier de soins de qualité, quelles que soient ses origines, y compris sociales, c’est un registre qui peut attirer des jeunes praticiens à la recherche de sens dans leur action.

 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/page/classement-des-chu-articles

 

Qu’est-ce que vous avez accompli à Lorient et que vous voudriez appliquer à Besançon ?

TGR. : Je ne raisonne pas comme ça, une recette qu’on a appliquée à un endroit n’est pas forcément valable à un autre. Mais à Lorient ma plus grande fierté est d’avoir réussi à créer des synergies très fortes entre tous les établissements MCO du territoire, le secteur médico-social, en valorisant chacun des sites. Chacun y a trouvé sa place. La présence de l’hôpital public en tous points du territoire, j’y tiens beaucoup. Être au plus près de la population, mais de façon raisonnable, en organisant des gradations de prise en charge. On ne peut pas tout faire à tous les endroits. Quels que soient les problèmes de santé que l’on rencontre, qu’on puisse bénéficier des mêmes prestations n’importe où sur le territoire. Et à Lorient, on avait réussi ! En Franche Comté, les synergies existent déjà, par exemple l’oncologie du CHU est présente en tous points de la région. Mais il faut conforter cette dynamique d’équipe partagée et organiser des filières de prise en charge où chacun fait ce qu’il a à faire. Ainsi le CHU peut jouer sa mission de recours, de recherche et d’expertise, qui est la sienne.

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