Les médecins doivent-ils toujours mentionner leurs liens d’intérêts avant de s’exprimer dans les médias ?

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L’Association d’Entraide aux Malades de Myofasciite à Macrophages (E3M) qui se présente comme un organisme qui ne s’oppose pas « au principe même de la vaccination, mais se mobilise pour l’utilisation de vaccins sans aluminium » avait porté plainte auprès de l’Ordre des médecins en octobre 2017 contre deux praticiens à qui il reprochait de ne pas faire état de leurs liens d’intérêt lorsqu’ils s’expriment sur les vaccins.

Les médecins doivent-ils toujours mentionner leurs liens d’intérêts avant de s’exprimer dans les médias ?

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L’Ordre a fini par donner raison à cette association, en condamnant les célèbres professeurs Bruno Lina (Virologie, CHU de Lyon) et Robert Cohen (Pédiatrie, CHI de Créteil) à la plus faible sanction disciplinaire possible : l’avertissement.
L’association reprochait à Bruno Lina une intervention dans l’émission C dans l’air sur France 5 en janvier 2017, dans laquelle le médecin et chercheur avait défendu l’innocuité du Gardasil, sans faire part de son appartenance au GEIG, le Groupe d’Expertise et d’Information sur la Grippe qui est pour une part financée par l’industrie. 

Bruno Lina avait pourtant affirmé en audience d’appel « ne percevoir personnellement aucune somme des sponsors du GIEG » et estimé « qu’il n’avait fait que relayer la position de la communauté médicale sur les vaccins en cause ».

De l'obligation de mentionner ces liens au début de son intervention

Or la chambre nationale disciplinaire a jugé qu’il revenait au Pr Bruno Lina « de mentionner ces liens au début de son intervention » pour respecter l’article L.4113-13 du Code de la santé publique, qui dispose que « les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et des établissements produisant ou exploitant des produits de santé (…) sont tenus de faire connaître ces liens au public lorsqu’ils s’expriment sur lesdits produits (…) dans la presse écrite ou audiovisuelle ».

En revanche, E3M n’a pas été entendu sur un point, fondamental pour cette association, qui milite en faveur de la reconnaissance d’un tableau clinique en lien avec la Myofasciite à Macrophages. En effet, E3M reprochait également au Pr Lina d’avoir affirmé et rappelé que les controverses autour de l’aluminium dans les vaccins étaient « un problème franco-français » et qu’il n’y avait « aucun signe disant qu’il y avait un problème ».

Selon E3M, ces déclarations contrevenaient à l’article R. 4127-13 du Code de la santé publique qui impose au médecin de ne « faire état que de données confirmées ». Or, sur cette question, l’Ordre a souligné « la myofasciite à macrophage, consécutive à l’injection de vaccins contenant des sels d’aluminium, a été essentiellement décrite en France, et aucune relation n’est scientifiquement démontrée entre celle-ci et des signes cliniques observables ».

Des sanctions faibles mais qui pourraient faire date lors des prises de parole des médecins

Concernant le Pr Cohen, ce sont des interviews accordées à France Info et RTL en 2017 qui étaient en cause.

Le Pr Robert Cohen avait lui aussi souligné que les dangers de l’aluminium n’étaient pas avérés. Or, E3M lui reprochait de ne pas avoir cité ses liens d’intérêts avec Sanofi et GSK.

La chambre disciplinaire a donc ici aussi constaté qu’« en prenant position sur l’innocuité de ces adjuvants, le Dr Cohen doit être regardé comme s’étant exprimé sur des produits de santé exploités par des entreprises avec lesquelles il avait des liens » et que « ces liens auraient dû être portés à la connaissance du public ».

Si les sanctions sont très faibles, elles pourraient néanmoins faire date et inciter tout médecin prenant la parole à décliner ses liens d’intérêts avant de s’exprimer sur un sujet en rapport avec ces derniers…

Emmanuel Haussy

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