« Les clowns du Rire médecin, apportent quelque chose de doux et de drôle à un endroit où ce n’est pas ce que l’on attend, les services pédiatriques des hôpitaux »

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L’association Le Rire Médecin est née, il y a 30 ans, d’une initiative de Caroline Simonds qui a souhaité adapter une idée américaine aux hôpitaux français : des clowns qui interviennent dans les services de pédiatrie de toute la France afin de redonner le sourire aux enfants malades. Dominique Valteau-Couanet, oncologue pédiatre à Gustave Roussy, vient de prendre la présidence de l’association. Une association dont elle est membre depuis sa création, elle nous raconte.

« Les clowns du Rire médecin, apportent quelque chose de doux et de drôle à un endroit où ce n’est pas ce que l’on attend, les services pédiatriques des hôpitaux »

Dominique Valteau-Couanet, nouvelle présidente de l'association Le Rire Médecin. 

© Géraldine Aresteanu

What's up doc : Présidente de l’association « Le Rire Médecin », que représente cette nomination pour vous ?

Dominique Valteau-Couanet : Cela a beaucoup de sens pour moi. C’est à la fois une fierté et une responsabilité vis-à-vis de cette association que je connais depuis sa naissance. Je me dois de l’aider à continuer de bien fonctionner, et faire en sorte que plus d’enfants puissent en bénéficier.

Comment êtes-vous rentrée dans cette association ?

D V-C. : Je connais Le Rire Médecin depuis sa naissance car je suis oncologue pédiatre. Je travaille à Gustave Roussy, dans l’un des deux premiers services dans lequel Le Rire Médecin a œuvré. Au tout début, Caroline Simonds, à son arrivée en France, avait contacté le chef de service de l’époque pour faire entrer les clowns à l’hôpital. C’est à ce moment-là que j’ai connu Caroline, les clowns, leur rôle. J’ai assisté à l’évolution du regard que l’on posait sur eux.  Au début, leur arrivée a été quelque chose de bizarre, voir même non souhaitée, jusqu’à aujourd’hui où ils sont des acteurs et des participants de la vie du service, attendus par les parents, les soignants et les patients.

Chaque interaction est une improvisation adaptée à la situation

Quel est l’effet du rire sur les enfants ?

D V-C. : Il y a peu de travaux réalisés sur les bienfaits du rire. Nous avons envie de développer des études sur les effets bénéfiques que cela apporte, surtout sur le long terme. Notamment avec les souvenirs qu’en ont des anciens patients, devenus adultes. Les clowns du Rire Médecin ont une façon de travailler très spécifique. Il y a une réelle alliance avec les équipes soignantes. Ils viennent dans le service en civil et interagissent d’abord avec les équipes soignantes afin de déterminer qui est là, dans quel état. Ils adaptent leur jeu à la situation de chaque enfant. Les clowns du Rire Médecin viennent toujours à 2 pour avoir un équilibre dans la relation qui va s’établir avec l’enfant, les parents et les soignants qui sont autour de l’enfant.

Chaque interaction est une improvisation adaptée à la situation. Ils ne collent pas quelque chose qu’ils auraient fait ailleurs. Ils produisent sans cesse des improvisations adaptéees à l’enfant. Leur jeu n’a rien à voir d’une chambre à l’autre, selon que l’enfant soit en pleine forme, tout Zébulon, ou au contraire tout fatigué au fond de son lit, triste.  

Ils apportent des énormes éclats de rire, des moments de grâces car extraordinaires dans un hôpital, ou au contraire de la douceur, de la tendresse avec de la musique douce, des bulles de savon… De toutes les façons ils apportent quelque chose de doux et de drôle dans un endroit où ce n’est pas ce qu’on y voit et ce qu’on y attend.

Les clowns ont-ils une formation particulière ?

D V-C. : Ce sont tous des comédiens qui ont une activité en dehors de l’hôpital. C’est un élément important. Ça leur permet d’enrichir leurs compétences. De plus, il y a des formations régulières, un encadrement et des coachings spécifiques pour répondre à certains de leurs questionnements, faire évoluer leur jeu.

À l’heure actuelle ils interviennent dans 18 hôpitaux et 67 services de pédiatrie

Ils interviennent dans toute la France ?

D V-C. : À l’heure actuelle ils interviennent dans 18 hôpitaux et 67 services de pédiatrie. Il y a des clowns du Rire Médecins à Marseille, Anger, Tours, Nancy, Strasbourg et bientôt Rennes.

Ce sont des partenariats avec les hôpitaux ?

D V-C. : Oui c’est en partenariat avec l’hôpital. Le plus souvent ce sont les services eux-mêmes qui contactent le Rire Médecin et font la demande que cela soit développé dans leur service. Ensuite, nous regardons comment mettre en place un programme spécifique dans un nouveau service, dans un autre service de pédiatrie ou carrément dans une autre ville. C’est organisé avec une organisation officielle, un accord de la direction et des règles très strictes avec l’hôpital.

Je pense que nous avons, en tant que médecin ou soignants, à apprendre du savoir des clowns. 

Comment est financé le projet ?

D V-C. : Il est globalement financé par des dons et du mécénat. Nous répondons aussi à des appels d’offres.

Quels sont vos objectifs durant votre présidence ?

D V-C. : Continuer ce qui a été fait. Le Rire Médecin fait un travail d’une incroyable qualité avec des professionnels exceptionnels par leurs compétences et leur investissement. Nous avons pour objectif d’augmenter le nombre de services qui accueilleraient les clowns afin que plus d’enfants en bénéficient. Nous allons donc recruter plus de clowns, en veillant à ce que le savoir soit maintenu. Il ne faut pas perdre en qualité. Nous voulons aussi travailler sur les liens entre les soignants et les clowns, l’équipe managériale, mais aussi les médecins. Je pense que nous avons, en tant que médecin ou soignants, à apprendre du savoir des clowns. Travailler sur une réflexion autour du partage d’expérience pour, d’une part faire que les clowns participent au mieux à la vie de l’hôpital, pour en faciliter les moments complexes. Et d’autres part que les soignants apprennent ce que savent faire les clowns qui pourrait être utile dans leur travail. En particulier tout ce qui est communication, ne pas perdre le contact ses spectateurs. Nous soignants, on ne se pose pas cette question, et je pense que cela permettrait d’améliorer la qualité des soins ou de la relation. J’aimerais pérenniser et amplifier tout le travail sur ce que le rire apporte. Il y a aussi eu des groupes de travail sur quelle place laisser aux parents dans le soin de l’enfant, avoir des clowns dans ces groupes de travail pourrait être aussi très utile.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/le-rire-lhopital-0

Pédiatre en cancérologie, cela doit-être particulièrement difficile comme spécialité ? Pourquoi l’avoir choisie ?

D V-C. : C’est un choix assumé, disons. Je voulais participer à quelque chose qui augmente les chances de guérisons de ces enfants dans un domaine où il y avait encore beaucoup à faire. Quand j’ai fait ce choix, j’avais envie que ma vie professionnelle soit consacrée à faire mieux. Il y avait du travail sur les soins de support. Il faut avoir conscience que ces services ont une ouverture au monde extérieur, c’est dans ces services, qu’il se passe des choses intenses. Peut-être que leur contexte de gravité ouvre le champ à une relation de grande qualité. Il y a des jours où on rentre chez soi, les choses n'ont pas été faciles, mais nous sommes contents de notre action.

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