Le régulateur du Samu s’est entêté sur un diagnostic d’angine… le jeune psychiatre était en plein AVC

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Une histoire presque banale d’un patient mal compris et mal pris en charge par un régulateur du 15. Sauf que dans ce cas, le patient est un médecin psychiatre, et l’angine était en fait un AVC. Il n’a pas encore complètement retrouvé la parole mais il veut faire porter sa voix pour alerter, comme il le raconte dans Var Matin.

Le régulateur du Samu s’est entêté sur un diagnostic d’angine… le jeune psychiatre était en plein AVC

 © IStock

Anthony est psychiatre. Un soir de septembre, il rentre de l’hôpital Sainte-Marie à Nice, où il vient de prendre un nouveau poste. Tout en préparant son repas, il échange des SMS avec sa compagne, interne en pharmacie à Arles.
Vers 20 h, au moment de passer à table, il est subitement pris de violentes céphalées et n’arrive plus à déglutir, ni même à parler. Il essaie de gérer seul, ne veut pas encombrer les urgences, ni le Samu, trop conscient de la pénurie de personnel. « Je sais trop combien ils sont souvent dérangés pour rien, » explique-t-il à Var Matin.
Il s’allonge, les jambes surélevées et envoie un sms à sa compagne. « J’ai un problème. » Elle sait qu’il n’est pas du genre à faire des histoires pour rien, donc elle s’inquiète immédiatement, mais elle est loin.
A 20h30, alors qu’il lutte pour ne pas s’étouffer avec sa salive, il se décide à appeler le Samu. Mais il n’arrive pas à parler. Le régulateur au bout du fil ne le comprend pas et perd patience. « Si vous habitez dans un appartement, allez frapper chez un voisin. » Dans la cage d’escalier, Anthony tombe sur une voisine, il lui écrit ses symptômes. « Je ne peux plus parler, ni déglutir, appelez le 15 SVP. Je suis médecin. » La dame transmet le message et le diagnostic du médecin tombe : « C’est une angine, je vais appeler SOS médecins, ils passeront dans la nuit. »

« J’ai confiance dans la médecine, et j’ai fini par me dire que ce n’était peut-être pas grave, qu’ils avaient raison de ne pas s’inquiéter. »

Les symptômes empirent, attendre le médecin parait impossible. A Arles la compagne d’Anthony réagit, elle rappelle le 15. Mais le régulateur ne veut rien savoir. « Monsieur prendra ses médicaments demain matin. » Paniquée, elle prend contact avec une amie, étudiante en médecine à Nice, qui essaie, elle aussi de convaincre le 15. Peine perdue.
Alors la voisine d’Anthony, alarmée par son état décide d’appeler les pompiers. « Il faut composer le 15 », lui répond-on. « C’est déjà fait, ils ne veulent pas venir. » – « Qui allez-vous appeler après nous alors ? » se moque-t-on au téléphone.
A bout, Anthony essaie de garder son calme chez lui, jusqu’à l’arrivé de SOS médecin. « J’ai confiance dans la médecine, et j’ai fini par me dire que ce n’était peut-être pas grave, qu’ils avaient raison de ne pas s’inquiéter. » Jusqu’à ce qu’il réalise que son visage est paralysé. « Là, je me suis dit que c’était grave, que je ne pouvais plus attendre. »
Il sort, trouve un passant dans la rue, lui écrit : « je m’appelle Anthony, je fais un AVC, appelez le Samu SVP. » La réponse reste la même. « Le diagnostic d’angine n’était toujours pas remis en question. »
Alors le jeune psychiatre se résout à sauter dans un Uber pour se rendre aux Urgences. Lorsqu’il y arrive, il ne tient presque plus debout. « On m’a tendu un masque, un ticket et demandé de patienter en salle d’attente. Je n’ai pu m’empêcher de penser : “C’est une blague !” »
Enfin la chance (si on peut dire) survient. Une aide-soignante passe, et reconnait Anthony, qui assure régulièrement des gardes aux urgences psychiatrique de l’hôpital Pasteur à Nice. Elle fait en sorte qu’il soit pris en charge en priorité.
Il est 23h. « Là, tout s’est accéléré. On a compris que je faisais un AVC. Un neurologue m’a pris en charge, j’ai été transféré en unité de soins intensifs en neurologie, on m’a fait passer une IRM, puis traité par thrombolyse. » 

Anthony ne veut pas porter plainte contre le Samu, mais tient à médiatiser son expérience

Après 15 jours d’hospitalisation, Anthony rentre chez lui. « Les premiers temps, j’avais totalement perdu la parole et j’étais nourri par sonde. » Il a peur des séquelles. « Je suis psychiatre, si je ne parle plus, je ne pourrai plus exercer mon métier. » 
Deux mois plus tard, après une grosse rééducation, Anthony a quasiment retrouvé sa voix. Il ne veut pas porter plainte contre le Samu, mais tient à médiatiser son expérience.
Il a été entendu par le Conseil de l’Ordre et a pu s’entretenir avec le responsable du Samu et le médecin qui s’est entêté sur le diagnostic d’angine. « Ils se sont justifiés en évoquant les 1 500 appels qui étaient parvenus au 15 ce jour-là et le fait qu’ils recevaient régulièrement les appels répétés de personnes qui insistaient en dépit des réponses données. Ils ont regretté aussi qu’on ait sollicité seulement une seule fois le médecin – qui en était resté au problème respiratoire – mais l’ont justifié par le fait que les régulateurs étaient débordés ce jour-là et ne voulaient pas déranger à nouveau le médecin. » 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/declare-mort-par-le-medecin-du-samu-un-eboueur-ressuscite

Bien conscient que toute cette histoire est liée à la pénurie actuelle de médecins, Anthony ne veut pas cacher sa colère et aimerait que sa mauvaise expérience ne soit pas inutile : « Mon histoire n’est pas unique, j’ai pu échanger depuis avec d’autres personnes victimes d’AVC et qui ont rencontré des difficultés similaires à se faire entendre. Et je ne peux m'empêcher d’être irrité en me remémorant le texte sur la pancarte accrochée dans le service de neurologie où j’ai été hospitalisé : “Si vous avez des difficultés à parler, des céphalées, n’hésitez pas à appeler le 15”. Et aujourd’hui, alors que les services d’Urgences sont débordés et que la consigne, c’est de passer par le 15, dans mon cas, si je n’avais pas pris l’initiative d’aller aux Urgences, et qu’elles se situent à proximité de mon domicile, je ne parlerais plus ; la thrombolyse ne peut être effectuée que jusqu’à 4 h 30 après le début des symptômes. »

Source:

https://www.varmatin.com/sante/le-samu-conclut-a-une-angine-et-refuse-de-se-deplacer-le-jeune-medecin-etait-en-plein-avc-814189

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