Le Covid 19 n’a pas été plus violent en prison.

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Surpeuplées, les prisons d'Ile-de-France ont pourtant bien résisté au Covid au premier semestre 2021, affichant le même taux de séroprévalence que dans la population générale francilienne, vraisemblablement grâce aux "bonnes décisions" de l'administration pénitentiaire, selon l'infectiologue Guillaume Mellon qui vient de publier une étude.

Le Covid 19 n’a pas été plus violent en prison.

© IStock 

D'autres régions ou d'autres pays, comme les Etats-Unis, s'en sont moins bien sortis.

"Les études américaines montrent que le taux d'attaque du Covid en prison est 5 à 10 fois supérieur à la population générale" aux USA, décrypte dans un entretien pour l'AFP Guillaume Mellon, médecin à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne).

L'étude de recherche clinique académique qu'il a menée et publiée début août dans la revue britannique "Journal of Infection" conclue a contrario que le nombre de détenus infectés ou l'ayant été par le Sars-Cov-2 en Ile-de-France est comparable à la population générale.

"On pensait qu'en détention la séroprévalence serait supérieure vu que c'est un milieu clos, comme ce qui a été observé pour la grippe" dans les années 90, explique à l'AFP Guillaume Mellon. "Ça nous avait inquiétés en janvier 2020", avoue le médecin.

Avec la surpopulation carcérale chronique en France (au 1er juillet, les prisons françaises comptaient 72 067 détenus pour 60 702 places opérationnelles), tous les facteurs étaient réunis pour que l'épidémie se propage rapidement.

Mais l'étude "La séroprévalence du Sars-Cov-2 chez les détenus adultes de la région parisienne en 2021 : une étude transversale multicentrique", menée de janvier à juillet 2021 sur 12 établissements franciliens – dont La Santé à Paris, Fresnes et Fleury-Mérogis – et près de 4 000 détenus, démontre l'inverse.

A Fresnes où il était "en première ligne" en tant que praticien référent des maladies infectieuses, Guillaume Mellon a constaté qu'en 2020 et 2021, seuls 20% des prisonniers ont été infectés par le Covid et une trentaine ont été hospitalisés pour cette raison.

 "Il y a très peu de données de la littérature scientifique sur les détenus "

Plusieurs hypothèses pourraient expliquera comment l'administration pénitentiaire est parvenue à contenir l'épidémie entre ses murs, selon le chercheur : une bonne communication autour des gestes barrières et du port du masque chirurgical, l'arrêt des activités communes à l'extérieur des cellules, la suspension des heures de visite et, surtout, la libération massive de détenus.

Entre mi-mars et début avril 2020, pour désengorger les prisons et limiter la propagation du Covid, plus de 6 200 prisonniers ont été remis en liberté.

"L'administration pénitentiaire a joué un rôle important et pris les bonnes décisions", juge Guillaume Mellon.

D'autres paramètres, davantage structurels, sont en faveur des prisons franciliennes : "Une des grandes différences avec les Etats-Unis est, qu'en France, il y a moins de contacts entre détenus. Par exemple, aux USA, ils déjeunent en cantine" tandis qu'en France les personnes écrouées prennent leurs repas en cellule.

"Il y a très peu de données de la littérature scientifique sur les détenus", déplore le chercheur qui se félicite par ailleurs d'être l'instigateur de "la seule étude en Europe de séroprévalence du Covid en prison".

Sa méthodologie diffère de la plupart des études déjà publiées, qu'elles soient américaines ou britanniques, car basée sur la séroprévalence du Covid parmi les prisonniers, et non sur des tests nasopharyngés à un instant T ce qui, pour l'infectiologue, est scientifiquement "plus robuste".

"C'est très difficile de mettre en place une étude clinique dans le milieu très fermé qu'est la prison", insiste Guillaume Mellon. "Il faut convaincre l'administration pénitentiaire" et "les collègues, en pleine pandémie".

"On va essayer de développer un échantillonnage plus national", se promet le chercheur, qui évoque aussi l'éventualité de recherches sur le VIH ou encore la variole du singe.

Avec AFP

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