« Le concours pour être PH n’est pas une formalité, ce n’est pas une petite conversation de salon entre pairs »

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Double actualité pour le CNPH. Il est à la fois retardé de trois semaines et se lance dans une formule renouvelée plus fluide, l’occasion d’en parler avec son organisateur, Philippe Touzy, chef du département autorisations d’exercice, concours, coaching au CNG.

« Le concours pour être PH n’est pas une formalité, ce n’est pas une petite conversation de salon entre pairs »

Philippe Touzy, CNG.

What's up Doc : Quel était le but de cette réforme du CNPH ?

Philippe Touzy : L’idée était de simplifier le concours et de le rendre plus fluide. Avant ça c’était un concours à deux entrées : type 1, pour les médecins qui avaient suivi leur cursus en France, inscrits à l’ordre depuis plus deux ans, et type 2, pour tous les autres, les jeunes diplômés, ou les médecins étrangers. Et ces candidats de type 2 passaient une épreuve supplémentaire, de cas cliniques, de contrôle de connaissances.
Le concours avait déjà été rénové en 2007. Avant ça, il était connu comme le concours pour les chefs de clinique. C’est comme cela que les médecins l’appelaient, alors qu’il allait au-delà. En effet la principale population était des chefs de clinique qui avaient déjà pratiqué deux ou trois ans à l’hôpital et qui décidaient de conforter leur engagement dans une carrière hospitalière. Donc en 2007 a été créé le concours type 1, type 2. Et là, avec le Segur, on l’a simplifié. Tout le monde passe le même concours avec une orientation entretien de recrutement et évaluation des motivations, et plus du tout de contrôle de la maitrise des connaissances médicales. En partant du principe que les connaissances sont acquises et avec l’idée aussi qu’un docteur junior, dès qu’il est diplômé peut embrayer sur le concours. Et ne pas perdre deux trois ans comme contractuel mais directement rentrer dans une carrière hospitalière.  

Et quels sont les taux de réussite habituellement au CNPH ?

P.T. : Les taux de réussite précédemment étaient très élevés, pour le type 1 toujours supérieur à 85% et pour le type 2, nous étions autour de 70-75% de réussite. S‘ils étaient refusés, ça pouvait être par exemple parce qu’ils n’avaient pas fait assez de publication, ou parce que dans leur parcours les travaux n’étaient pas au niveau. Le jury pouvait aussi trouver qu’ils avaient encore des efforts à faire pour s’intégrer dans une équipe sans que ce soit problématique. Et pour le type 2, donc qui était plus discriminant, il y avait les mêmes points mais aussi les cas cliniques et les connaissances théoriques. Il y avait des échecs à ces épreuves.

Le jury déteste voir arriver des gens en touriste, avec des lettres de recommandation de chef de service parfois prestigieux.

Parce que les médecins candidats étaient jugés pas assez compétents ?

P.T. : Je ne dirais pas ça comme ça. C’est un système de concours. On peut être un très bon étudiant et se planter le jour du concours, perdre ses moyens, ou avoir fait l’impasse… On avait des médecins, surtout sur le type 2, dont les études étaient un peu lointaines, souvent des praticiens diplômés hors Union Européenne, qui avaient déjà tout un parcours. Et s’ils n’avaient pas révisé le DES de leur spécialité, ils pouvaient tomber sur des questions qu’ils maitrisaient moins bien, parce qu’ils ne les pratiquaient pas dans leur exercice quotidien.

 

Tous les médecins parlent de ce concours comme d’une formalité, et je découvre qu’il y a des candidats qui échouent…

P.T. : Je suis d’accord, cela fait partie des idées reçues. Même si le taux de réussite est très important. Il y a des échecs. C’est un passage obligé et il faut jouer la règle du concours. Pour tout le monde c’est une petite conversation de salon entre pairs, que l’on passe d’une manière très simple. Et c’est pour cela que j’ai reçu encore cette année, des messages de candidats qui voulaient passer le concours de l’étranger, me disant, mais c’est une conversation de 10 minutes, vous me faites prendre un avion… Ce concours n’est pas une formalité. Une partie de ceux qui échouent sont d’excellents candidats qui n’ont pas bien préparé. Le jury est excédé quand il voit arriver des gens en touriste, les doigts dans le nez, avec des lettres de recommandations de chef de service parfois prestigieux… Et pour eux ça se passe très mal.

 

Comment est déterminé le nombre de médecins reçus ?

P.T. : Il n’y a pas de quota de postes. C’est un concours qui permet d’être inscrit sur une liste d’aptitude. Les postes vacants ne posent pas de problème. Car il y a 30% de postes vacants de praticien hospitalier temps plein, donc sur 61 000 postes ça fait un pourcentage très important. Ils ne sont pas tous véritablement vacants car ils sont parfois occupés par des contractuels, qui justement se présentent au concours, c’est un vivier important. Un des objectifs de la réforme est justement d’être plus attractif et d’emmener plus de monde dans les carrières hospitalières, car il y a un enjeu.

Cette année, il y a deux fois plus de candidats en médecine d'urgences et un tiers de plus en anesthésie réanimation

Et donc cette année, il y a combien de candidats au CNPH ?

P.T. : Nous avons 6 400 candidats, alors qu’on en avait jusqu’ici 4 000, donc plus de 33% de candidats en plus. Nous verrons les taux de réussite. Nous espérions 20% de candidats en plus, dans ce contexte d’hôpital bashing et vu les difficultés de l’hôpital que l’on connait. Mais là 33% ! Ça dépénd des spécialités mais en médecine d’urgences par exemple, c’est deux fois plus de candidature, en anesthésie réanimation c’est un tiers de candidatures en plus. Donc la tendance est très bonne.

 

Quelles sont les qualités pour réussir le concours ?

P.T. : On a gardé l’entretien. On l’a orienté davantage sur le type entretien de recrutement, pour évaluer la capacité du candidat à intégrer une équipe, à s’ajuster avec ses collègues à pouvoir fonctionner dans l’univers hospitalier. Et aussi jauger ses motivations à rentrer à l’hôpital, voir si la personne peut s’adapter à ce que les jurés connaissent du l’univers hospitalier. La deuxième épreuve : le dossier professionnel est moins axé sur les publications et les services rendus, vu que certains candidats sont des tout jeunes diplômés et plus sur la nature des stages effectués, comment ils ont bonifié leur formations. C'est comme un pré-recrutement. Même si le recruteur final reste l’hôpital.

 

Et comment est formé le jury ?

P.T. : Les jurés sont désignés par tirage au sort. Il y a un pourcentage de nombre de jurés par rapport au nombre de candidats fixé par les textes. Tous sont PU-PH ou PH en activité, et juger au concours est une obligation statutaire. Et cette année c’est compliqué parce qu’avec la crise sanitaire ils sont tous très pris dans leurs hôpitaux. D’autant que le concours, normalement devait se passer en présentiel. La situation actuelle a rendu cela impossible. Donc nous avons décalé de trois semaines le début des épreuves pour nous éloigner du pic épidémique. Et mettre en place la visio-conférence qui ne concernera que les membres du jury et pas les candidats. Sauf les candidats ultra marins et les candidats avec un motif de santé avéré avec un certificat médical. Cela représente près de 400 candidats, qui passeront le concours dans les ARS. On ne peut pas faire ça pour tous les candidats. Ils sont 6000. Nous devons assurer la qualité de la connexion, l'absence de fraude, et des connexions sécurisés avec un flux crypté...

 

Un dernier point, vous avez changé le CNPH en vue du changement de statut des praticiens hospitaliers ?

P.T. : Ça participe de la même logique, statut unique, concours unique. C’est un peu le package du Segur de la santé. Il y a une cohérence, pour unifier l’entrée dans la carrière hospitalière.

L'idée c'est que les candidats au concours arrivent en poste à l'hôpital, en juin, avant l'été

Donc concrètement le concours c’est quand et où ?

P.T. : Le concours commence le 14 février jusqu’au 14 avril à Rungis. Et les candidats peuvent candidater avant même de savoir s’ils sont lauréats. Cela fait aussi partie de la réforme. Je passe le concours, je n’ai pas mon résultat, je peux candidater. On fluidifie, docteur junior, concours, candidature. L’idée c’est que les médecins arrivent en poste à l’hôpital, en juin avant l’été.

 

Certains candidats se sont plaints d’avoir su que le concours était décalé en cherchant l’info par eux même.

P.T. : Tous les candidats ont reçu un message individuel sur leur adresse mail les informant que le concours était décalé, on a diffusé en même temps l’information sur le site. Même s’ils s’en doutaient car ils n’avaient pas reçu de convocation, nous avons attendu des arbitrages de l’administration, pour rendre l’information officielle.

           

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