L’art de soigner son e-réputation

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A l'heure du digital, la création de la vitrine professionnelle du médecin passe aussi par internet. Mais c'est une démarche délicate et il faut savoir rester vigilant.

L’art de soigner son e-réputation

La e-réputation c’est quoi ?
Un community-manager de la Police nationale tweete son score à un jeu sur le fil officiel de l’Institution, Findus met de la viande de cheval dans ses lasagnes en prétendant que c’est du bœuf, un document de la faculté de médecine de Lyon mentionne la pratique de touchers vaginaux sur les patientes endormies par les étudiants. Toutes ces histoires ont été révélées sur les réseaux sociaux et ont rapidement tourné au scandale. Scoops juteux, propos diffamatoires ou discours élogieux : tous commentaires ou opinions relatifs à une entité ou une personne postés sur Internet contribuent à la création de ce que l’on appelle la « e-réputation ». À l’heure d’Internet, ce phénomène touche presque tout et tout le monde, y compris le médecin, qui n’est jamais à l’abri de commentaires malveillants de la part des confrères ou de patients insatisfaits. D’où l’intérêt de constamment surveiller son image sur le Web, en googlisant régulièrement son nom par exemple.

Comment créer son site médical dans les règles de l’art ?
Heureusement, l’ère du « Big Brother vous regarde » n’a pas que du négatif. L’ouverture d’un blog ou d’un site Internet sous son identité professionnelle peut par exemple aider à se construire une bonne e-réputation. À condition de prendre certaines précautions. Tout d’abord, il est nécessaire de connaître le cadre légal. Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM), rappelle les limites à ne pas franchir. « La déontologie n’interdit pas d’avoir un site Internet, bien au contraire. Le médecin peut y faire figurer des informations sur son activité et sur les pathologies qu’il soigne. Mais j’insiste sur le caractère informatif et non promotionnel des publications ». Cette notion de promotion fait référence aux patients, avides d’infos sur les médecins. Selon une étude du CNOM menée avec Ipsos en 2010, 62 % des Français ont d’ailleurs affirmé « qu’ils consulteraient le blog ou le site Internet de leur médecin s’il venait à en ouvrir un ».

Les patients enquêtent sur internet
Que ce soit pour effectuer des recherches d’informations ou se renseigner sur la notoriété d’un médecin, le Web offre aux patients tous les outils nécessaires pour enquêter. Mais il est en revanche un peu plus difficile de donner son avis ou d’émettre un jugement de valeur. En effet, si les sites de notation pour les restaurants ou les hôtels type TripAdvisor ne semblent pas poser de problème, l’évaluation des médecins sur le Web est moins courante, même s’il existe des sites prévus à cet effet tels que Doctorolia.fr ou notetondoc.com. Le CNOM se montre d’ailleurs intransigeant sur la question. « Nous condamnons tout commentaire fondé sur un procédé de notation. Il est également interdit de payer pour optimiser son référencement sur les moteurs de recherche », prévient Jacques. Cependant, il serait étonnant, avec l’évolution fulgurante du participatif sur le web, que cette hostilité dure longtemps. D’autant plus que le bouche-à-oreille fonctionne aussi sur la Toile. Et, même si des plateformes d’échange telles que Facebook ou Doctissimo suppriment les noms des médecins publiés dans les espaces publics, les internautes l’ont compris et s’envoient des messages privés.

Les forums médicaux : l’incontournable
Néanmoins, il est possible de donner son avis autrement que par des sites de notation. Sur les forums de discussion par exemple. Allodocteurs.fr, Atoute.org, Doctissimo… ces plateformes représentent aujourd’hui un incontournable de la relation médecin-malade, et la e-réputation médicale n’échappe pas à ces échanges. À première vue, cette dimension peut inquiéter et donner une impression d’une perte de contrôle sur son image. Mais ces discussions sont encadrées. Dans les bureaux de Doctissimo, par exemple, les modérateurs des forums s’assurent que les messages publiés chaque jour sur la plateforme par les « doctinautes » sont conformes à la charte éthique du site, similaire à celle du CNOM : informations bienveillantes, pas de publicité et pas de consultation en ligne. Jesus Cardenas Tovar, directeur médical de Doctissimo, insiste particulièrement sur ce dernier point : « Les forums sont une plateforme d’information, d’échange et d’entraide entre patients. Nous encourageons bien sûr les médecins à amorcer le dialogue avec eux, mais à aucun moment cela ne doit devenir une consultation. Il est par exemple interdit de recommander un traitement ».

L’indélébile trace du web
Au vu des règles qui régissent la e-réputation, il est donc possible, sinon recommandé, d’investir la sphère Web et de signer ses posts sous son identité médicale. Mais il faut savoir respecter une forme de communication professionnelle sans écart. Car s’il est possible de supprimer ce que l’on poste la plupart du temps, le référencement sur les moteurs de recherche laisse des traces que le Web garde en mémoire très longtemps, ce qui rend tout démenti difficile à effectuer. C’est pourquoi de nombreuses sociétés se sont lancées dans le « nettoyage 2.0 ». L’agence Reputation Squad met par exemple un point d’honneur à surveiller et gérer l’image de ses clients sur la Toile : des entreprises, des marques… et de plus en plus de médecins. « Nous leur donnons des conseils pour bien gérer leur page web, leur apprenons à ne pas paniquer au premier commentaire négatif d’un patient et leur expliquons comment gérer les crises éventuelles », explique Fabrice Ivara, cofondateur. Un service qui peut donc se révéler utile pour échapper dans certains cas aux fameux bad buzz. Mais aussi pour se faire connaître.

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