Lampe frontale et cérémonie diagnostique

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Lampe frontale et cérémonie diagnostique

La médecine humanitaire ça apprend pas mal de choses. A travailler sans scope, à la frontale, à faire des consultations au milieu du village, à opérer avec un public curieux qui fait des commentaires... Ça change complètement la relation médecin-patient, mais aussi les rapports entre soignants.

Les conditions d’exercice en missions humanitaires sont très différentes de celles que nous connaissons en France, même dans les pires déserts médicaux. Entre la chaleur, la faune et la flore locale, et l’absence d’eau courante et d’électricité, il faut revoir ses pratiques… Chantal Lory, anesthésiste, s’est vu proposer une mission peu de temps après sa thèse. Elle est partie en tremblant mais vingt ans plus tard, elle continue à partir au Tchad régulièrement. « Travailler sans scope, à la frontale dans le noir, ce n'est pas une exception, c'est la routine ! Nous réapprenons la bienveillance entre les différents corps de métier, et à nous entraider ».

Patrick Knipper part également depuis une vingtaine d’années, dans des zones reculées. « Que ce soit en bateau ou en véhicules tous-terrains, nous devons être autonomes, nous emportons tout notre matériel avec nous : groupe électrogène, bouteille d'oxygène, stérilisateur pour les instruments, compresses, médicaments,... » Pour monter le bloc opératoire, il faut d'abord localiser le puit, car sans eau, rien n'est possible. L'emplacement est choisi avec le tradithérapeute. Puis vient la cérémonie diagnostique, c’est-à-dire la sélection des patients à opérer. Elle se déroule généralement de nuit sous un grand arbre. Les patients ont été pré-sélectionnés par le réseau local développé au cours des missions. « Ce qui est génial quand nous retournons dans une zone où nous avons déjà travaillé, c'est que les villageois connaissent les indications chirurgicales, et qu'il leur arrive de dire à un patient venu consulter : ''non, ça il ne fait pas, va voir le guérisseur !'' L'autre aspect moins plaisant, c'est que la première fois qu'on arrive les enfants viennent tous nous accueillir avec curiosité ; la deuxième fois, ils ne viennent pas, ils se cachent. Ils ont peur d'être opérés ! ».

 

Source:

Sarah Balfagon

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