La santé presqu’entièrement détenue par des centres privés, c’est déjà le cas en Grèce

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L'affaiblissement du système de santé publique en Grèce, malmené par une décennie de crise financière, a entraîné la prolifération de centres d'examens médicaux privés, un marché florissant convoité par des fonds d'investissements étrangers, selon des experts.

La santé presqu’entièrement détenue par des centres privés, c’est déjà le cas en Grèce

© IStock 

A la sortie d'un centre de diagnostic à Athènes, Alexandra, 19 ans, affirme, satisfaite, avoir effectué ses examens médicaux "plus rapidement" que dans un établissement public.

"C'est (...) plus accessible et il n'y a pas trop de monde", ajoute cette étudiante.

Le système de santé grec prévoit le remboursement par la Sécurité sociale d'une partie du coût des examens et des services fournis par le privé allant des prises de sang aux échographies, en passant par les IRM ou les scanners.

Depuis 2016, le marché des centres d'examens médicaux privés est en expansion avec une hausse de 8% en moyenne par an. Un développement qui doit encore s'accélérer à 10% en 2023 et en 2024, explique à l'AFP Konstantinos Paleologos, directeur de recherches du groupe financier l'ICAP.

Souffrant depuis longtemps de problèmes d'organisation et du manque d'infrastructures, les soins publics ont subi de nombreux coups de rabot durant la crise financière en raison des mesures d'économie drastiques prises par les gouvernements successifs.

Résultat : les Grecs souffrent des défaillances et des lenteurs du système public qui se sont encore aggravées avec la pandémie de Covid-19. Bien souvent, ils optent donc pour le privé.

Désormais "ces centres sont plus nombreux que les kiosques à journaux"

La reprise de l'économie grecque ces dernières années et le développement de politiques de prévention ont également contribué à la prolifération du secteur privé, relève Magda Nalbadoudi, agent hospitalier dans le public.

Désormais "ces centres sont plus nombreux que les kiosques à journaux", ironise-t-elle. Les gens les privilégient afin de "gagner du temps". Car pour un rendez-vous dans le public, il faut parfois patienter plus de deux mois.

Le succès de ces centres privés tient aussi au vieillissement de la population, donc à une augmentation de la demande de soins, relève Konstantinos Paleologos.

Avec un taux de natalité inférieur à la moyenne dans l'UE, la Grèce occupe la deuxième place sur la liste des pays avec le plus grand nombre des personnes de plus de 65 ans. Elles représentent 22% de l'ensemble de la population, juste après l'Italie (23%), selon des statistiques grecques.

Ioannis Karaminas, président de l'Union des centres de diagnostic (Pasidik), estime que la Grèce est en fait en train d'harmoniser sa politique de santé avec celle de l'UE qui "incite au remplacement des soins primaires par le privé".

"Le système national de la santé (ESY) doit comprendre à la fois des structures publiques et privées, qui doivent fonctionner d'une manière complémentaire et non pas concurrentielle", martèle-t-il déplorant des réductions fixées par l'Etat sur le coût des services fournis par les centres privés.

Sur presque 500 centres de diagnostic à travers la Grèce, une centaine appartiennent actuellement à des fonds étrangers

L'expansion du secteur combinée à la volonté du gouvernement d'attirer des investissements étrangers a fait entrer sur le marché grec des fonds étrangers ces dernières années, comme le groupe international CVC Capital Partners, l'un de plus importants.

Sur presque 500 centres de diagnostic à travers la Grèce, une centaine appartiennent actuellement à des fonds étrangers, relève Theodoros Georgakopoulos, directeur d'un centre de diagnostic à Athènes.

"Ces centres ne sont pas gérés par des médecins comme c'était le cas jusqu'ici, mais par des fonds d'investissement sans aucun contrôle", déplore-t-il soulignant que "l'Etat aurait dû imposer des limites, comme dans d'autres pays européens".

Les syndicats du personnel hospitalier (OENGE) et des médecins (EINAP) dénoncent aussi une dérive vers "la privatisation du secteur" depuis une récente réforme autorisant désormais les médecins hospitaliers à travailler parallèlement dans le privé.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/grece-medecins-du-monde-denonce-les-attaques-contre-les-refugies

Lors d'une grève en décembre, ces derniers ont protesté contre "les bas salaires" dans les établissements hospitaliers et "la détérioration de la qualité des soins publics". La directrice du département généraliste d'un hôpital en Crète a démissionné début janvier dénonçant "les conditions épuisantes de travail".

L'accent est mis sur les investissements étrangers et "les médecins quittent le pays, il y en a 30 000 actuellement à l'étranger", regrette Theodoros Georgakopoulos.

Avec AFP

 

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