« La régulation est une façon intelligente d’apporter une meilleure répartition des médecins en France. Qu'y a-t-il de scandaleux ou de choquant à ça ? »

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Guillaume Garot est le député à l’origine de la proposition de loi transpartisane (si décriée par les médecins) qui souhaite réguler l’installation des médecins libéraux. Il s’est lancé cette semaine avec d’autre députés dans un tour de France des déserts médicaux pour justement provoquer le débat sur sa proposition. On en a profité pour le questionner.

« La régulation est une façon intelligente d’apporter une meilleure répartition des médecins en France. Qu'y a-t-il de scandaleux ou de choquant à ça ? »

Guillaume Garot, le député qui veut réguler l'installation des médecins.

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What’s up Doc : Vous avez commencé le 1er février le tour de France des déserts médicaux, pour promouvoir votre proposition de loi transpartisane, si impopulaire auprès des médecins libéraux ?

Guillaume Garot : Nous avons commencé ce tour de France pour aller d’abord à la rencontre des citoyens, étant député, c’est ma première tâche. Ensuite, présenter notre proposition de loi transpartisane, et permettre par la mobilisation des citoyens et celle des élus, qu’il y ait un débat à l’Assemblée nationale sur la question des déserts médicaux. Débat dont nous avons été privés avec l’usage immodéré du 49.3 pendant le PLFSS. Nous souhaitons que cette loi soit inscrite à l’ordre du jour.

Donc que propose votre loi transpartisane ?

GG. : On veut d’abord stopper l’aggravation des inégalités entre les territoires, et donc entre les Français, en soumettant à autorisation, l’installation d’un médecin. La régulation c’est l’organisation des installations, en fonction des besoins de santé des territoires.

Du coup vous voulez revenir sur la liberté d’installation des médecins libéraux ?

GG. : Oui, mais il s’agit d’encadrer cette liberté comme elle l’est pour les pharmaciens ou pour d’autres professions libérales, comme les notaires. Et ça ne pose de problème à personne ! Il s’agit de répondre au défi de l’urgence face à la désertification médicale.

Le constat des déserts médicaux tout le monde le connait, il manque des médecins partout, dans les villes aussi, donc où est l’intérêt de les “forcer“ à s’installer en campagne ?

GG. : Personne ne les force à s’installer dans les campagnes. On dit simplement, n’allez plus vous installer là où il y a suffisamment de médecins, n’allez plus là où les besoins de santé sont déjà couverts en offre de soins.

Mais 86% du territoire est en zone sous dense, donc ça ne concerne que très peu de territoires ?

GG. : A ce moment-là, notre proposition de loi ne devrait poser aucun problème aux médecins libéraux. Quel besoin de s’inquiéter de notre loi ? Si vous considérez que la France entière est un désert médical, ce que je conteste à bien des égards, n’ayez pas de crainte de la mise en place de la régulation.
C’est une question importante de couvrir le territoire que je veux résoudre avec les médecins. Il y a des choix qui ont été faits, il y a des années, qui nous amènent à cette situation aujourd’hui. Donc la question que nous nous posons collectivement, c’est comment on en sort ? Quelle réponse on apporte ? Qu’est-ce qu’on dit aux Français qui n’ont plus de médecins traitants aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’on dit aux Français qui ont la malchance de vivre dans une zone en désertification médicale ?

« Ce n’est pas scandaleux que les citoyens demandent une présence médicale, c’est légitime, nous payons tous les mêmes cotisations sociales ou les mêmes impôts »

Les syndicats de médecins disent que ce ne sont pas aux jeunes médecins libéraux à être les premiers à revenir s’installer dans des zones où il n’y a ni service public, ni commerce, ni école, ni emploi pour leur conjoint…

GG. : Ils ont raison. Mais il ne faut pas vivre le milieu rural ou certains départements comme une punition. En Mayenne on est à une heure quinze de Paris en TGV, à une heure quinze de la mer, on a une offre culturelle dense, on a une vraie qualité de vie, je vous l’affirme. Et on a aussi besoin de médecins. Et ce n’est pas scandaleux que les citoyens demandent une présence médicale, c’est légitime, nous payons tous les mêmes cotisations sociales ou les mêmes impôts, donc il faut bien trouver des solutions.

Le gouvernement lui-même ne mise pas sur la coercition et privilégie l’incitation et lance déjà plusieurs réformes pour trouver des solutions aux déserts médicaux.

GG. : Qui vous parle de coercition ? En quoi le fait de dire vous n’allez plus vous installer là, c’est de la coercition ? Est-ce que vous considérez que les pharmaciens aujourd’hui sont dans un régime coercitif ? Je ne comprends pas pourquoi l’idée de proposer de la régulation, en l’occurrence, une autorisation d’installation selon les besoins de santé d’un territoire, est vue comme de la coercition ? Il ne s’agit pas d’affecter ou de nommer un médecin ici ou là.

Mais ça reste contraignant, si on ne peut plus s’installer en centre-ville, par exemple ?

GG. : Mais est-ce que vous pensez que la liberté absolue d’installation sans aucun encadrement est la bonne façon de répondre aux déserts médicaux ? Est-ce que les résultats sont au rendez-vous ? Est-ce que toutes les politiques d’incitation, menées depuis 10, 15 ou 20 ans, ont porté leurs fruits ? Non. Ça c’est le constat et la situation s’aggrave. Je ne suis pas de ceux qui disent que la régulation serait la baguette magique, ou la seule solution. Mais si nous voulons que toutes les autres politiques, notamment d’incitation, fonctionnent, il nous faut de la régulation, telle que nous le proposons.

« N’allez plus vous installer là où vos confrères assurent le service médical mais allez là où vos patients vous attendent »

GG. : N’allez plus vous installer là où vos confrères assurent le service médical mais allez là où vos patients vous attendent, où on n’a plus de médecin. C’est ça l’idée que nous portons. Et il y a beaucoup de territoires concernés. Je considère qu’il y a des inégalités extrêmement fortes entre les territoires et que nous devons aujourd’hui objectiver les besoins de santé, territoire après territoire. C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi avance un indicateur territorial de l’offre de soins, pour objectiver ce qu’est cette offre de soins, en tant que présence médicale généraliste, spécialiste, dentiste. A partir de là on aura un outil de pilotage fin. Mais la régulation devra être discutée avec les médecins, les syndicats, l’Ordre… C’est une façon intelligente d’apporter une réponse pour une meilleure répartition des médecins en France. Qu'y a-t-il de scandaleux ou de choquant à ça ? Surtout lorsque toutes les autres solutions n’ont pas fonctionné.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/le-projet-de-loi-transpartisane-de-guillaume-garot-montre-une-vraie-meconnaissance-ne-va

Aujourd’hui nous sommes 202 députés qui ont signé cette proposition de loi, qui a été mise en place par un groupe de travail transpartisan, je le rappelle. Ce n’est pas moi tout seul, c’est un groupe. Nous mettons cette proposition sur la table, discutons-en tous ensemble, c’est ça qui fera avancer et redonnera espoir. Je suis préoccupé par la situation du pays au sens où il y a un vrai risque de décrochage de beaucoup de citoyens qui se sentent abandonnés quand il n’y a plus de médecins. Et quand le désert médical avance c’est la république qui recule. Car nous sommes au cœur de notre pacte social avec l’accès aux soins, à la Santé. On a un impératif à trouver des solutions.

Les syndicats de médecins disent que vous n’avez pas assez écouté leurs arguments ?

GG. : Nous avons reçu les syndicats de médecins, comme les internes, comme les étudiants, comme les usagers, les élus locaux, les chercheurs… 38 organisations reçues, 80 personnes auditionnées, ce n’est pas rien. Et là c’était juste pour cette proposition de loi transpartisane. Je rappelle néanmoins que les contacts et les discussions sont beaucoup plus anciens, parce que l’idée de cette régulation, je la porte à titre personnel, depuis plusieurs années. Et j’avais déjà travaillé, échangé. Le travail n’a pas commencé seulement en juillet dernier.

« La nation forme les médecins, la nation garantie les revenus de ses médecins à travers les cotisations sociales. »

Et proposer, par exemple, plutôt de mieux payer les consultations dans certaines zones, ça ne serait pas une autre solution ?

GG. : Dans le cadre d’une négociation large, où on refonde ensemble le contrat qui lie la nation à ses médecins, bien sûr qu’il faut mettre sur la table tous les termes du contrat. La nation forme les médecins, la nation garantie les revenus de ses médecins à travers les cotisations sociales. Quand nous avons reçu les internes sur la 4e année supplémentaire, j’étais de ceux qui plaidaient pour qu’on remette sur la table la question de leur rémunération et leurs conditions d’exercice.

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