Keep the road, Jake

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Ciné week-end: Stronger, de D.G.Green (sortie le 7 février 2018)

Keep the road, Jake

Jeff Bauman, un jeune bostonien venu encourager au marathon annuel la femme dont il est épris, perd ses jambes lors de l'attentat ayant endeuillé l'événement en 2013. Il devient immédiatement, et contre son gré, le symbole de la résilience de toute une ville... Une tentative intéressante mais inaboutie de démonter le mythe du héros américain.

Alors qu'en France la réalisation d'un téléfilm sur les attentats du Bataclan fait polémique, sortent simultanément deux films américains se penchant sur l'histoire récente de la vague de terrorisme ayant touché les pays occidentaux. Ayant fait l'impasse sur le dernier Eastwood afin de garder intact dans notre mémoire son talent exceptionnel de conteur d'histoires, nous avons pu découvrir Stronger, film curieusement passé inaperçu dans notre pays.

Avouons-le, ce n'est pas le film de l'année, ni même de la semaine. L'histoire ne méritait probablement pas ces deux heures inégales, souvent répétitives, David Gordon Green forçant par ailleurs le trait de façon gênante sur le côté populo de la famille Bauman, dont on a rapidement compris qu'elle symbolisait cette Amérique profonde touchée en plein coeur. 

Si Tatiana Maslany - l'excellente héroïne de la série Orphan Black - peine à convaincre dans le rôle de la fiancée de Jeff, Jake Gyllenhaal réussit à nous transmettre, grâce à ses yeux hagards, le désarroi de cet homme qui ne demandait pas à être un héros, ne comprenant d'ailleurs pas en quoi il mériterait ce titre. En montrant la façon dont il s'entête dans le déni des conséquences physiques et surtout psychiques de son traumatisme, et en faisant son maximum pour rester à distance de la dimension politique de la tragédie reconstituée en seulement quelques minutes, le réalisateur semble avoir pris le parti intéressant du contrepied à la sempiternelle histoire du quidam devenu héros patriotique.

Pourtant, après avoir enfin rencontré "son" héros, l'homme qui l'a secouru et qui lui dévoile la raison pour laquelle, en un sens, chacun est salvateur de l'autre, Jeff endosse docilement et assez inexplicablement le costume qu'il refusait jusqu'alors de porter. Rentrant dans le rang et acceptant de laisser son sauveur dans l'anonymat dédié aux minorités, Jeff Bauman éteint ainsi toute l'originalité qu'aurait pu représenter son histoire. Parti pris de cinéaste ou respect biographique rigoureux, peu importe: on reste sur notre faim.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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