Interdire les certificats de virginité n’a "pas de sens", selon Ghada Hatem

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À l’heure où le gouvernement projette d’interdire les certificats de virginité et pénaliser les médecins qui en rédigent (projet de loi contre le séparatisme), le Dr Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis, estime que cette mesure n’a pas de sens. Et revient pour WUD sur les raisons pour lesquelles elle accepte parfois d’en rédiger.
 

Interdire les certificats de virginité n’a "pas de sens", selon Ghada Hatem

Cela fait partie des mesures inscrites dans le projet de loi contre le séparatisme qui sera lancé d’ici l’automne. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, veut interdire les certificats de virginité et pénaliser les médecins qui en rédigent. À l’image de Ghada Hatem, la fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis (voir ici sa Consult’) qui a confié à WUD qu’elle était confrontée à ce type de demandes « une à deux fois tous les ans », si bien qu’elle en rédige parfois.
 
Selon elle, cette mesure « n’a pas de sens ». Elle ne comprend pas en quoi « pénaliser les médecins qui rédigent des certificats de virginité permettra de défendre les valeurs de la République et facilitera l’intégration. J’ai un peu de mal à voir le lien précis entre « je punis un médecin qui a essayé d’aider sa patiente » et « je facilite l’intégration ».  
 
Ghada Hatem a le sentiment que le gouvernement « se trompe de combat ». Car, pendant ce temps-là, elle rencontre une à deux fois par mois des demandes de réparation d’hymen. « Le véritable problème, c’est, pourquoi les familles veulent que les femmes soient vierges ? Ce n’est pas de faire ou de ne pas faire un certificat, considère la gynécologue. Pourquoi, en 2020, une jeune femme qui est née en France et qui est allée à l’école de la République arrive à être convaincue que c’est le Graal d’être vierge, ou que cela permet de tromper l’ennemi. »  

Non catégorique pour les mineurs

Bien sûr, quand une femme mineure accompagnée par toute sa famille vient la voir pour que l’on vérifie sa virginité, elle refuse catégoriquement. Elle a en effet conscience que « ce n’est pas une demande de la jeune fille, que c’est une véritable oppression de la famille ». Mais elle ne réagit pas de la même manière quand ce sont des femmes majeures qui viennent la voir.  
 
Car certaines patientes sont confrontées à des familles qui les mettent face à des choix cornéliens. Certaines femmes confient parfois à Ghada Hatem : « Si je ne me marie pas dans la communauté, ma famille ne voudra plus me voir. Or, je ne me sens pas capable de me passer de ma famille, je ne me sens pas l’âme d’une révolutionnaire. »  
 
Des femmes qui décident donc d’accepter le mariage au sein de la communauté pour « construire une famille et rester avec leur famille et leur communauté, et ne veulent pas être mises au banc de leur communauté ». Car le mari « veut absolument une femme vierge ». Si bien qu’elles acceptent de « rentrer dans le rang ».

Risque de violences 

Quand la vie de certaines femmes semble en danger, il arrive également que la gynécologue accède à leur demande de certificat de virginité. « Parfois, les jeunes filles me disent que leur frère est très violent, que leur père est capable de les tuer, que leur famille au bled va les trainer dans la boue. Je les crois. » 
 
Hors de question en effet de leur dire : « « Apporte-moi des preuves de ce que tu me dis », poursuit la gynécologue. On passe notre temps à dire qu’il faut croire les femmes quand elles déclarent avoir été violées ou victimes de violences conjugales. Pourquoi je ne les croirais pas ? Pourquoi essayeraient-elles de me raconter des sornettes ? Elles vont le vendre, mon certificat ? » 
 
Que faire dans ce genre de circonstances ? « Ce sont des femmes majeures qui viennent nous demander quelque chose qui n’est pas criminel. Et je pense que discuter avec elles, faire de la pédagogie, voir ce qui pourrait vraiment les aider, c’est aussi faire de la médecine. Je pourrais leur dire : « Sortez de mon cabinet. Démerdez-vous. Je ne veux pas en entendre parler. » Mais on peut aussi négocier et discuter. » Et de confier à France Inter : « On me dit parfois que j'aide les oppresseurs en délivrant ces certificats. Moi, je pense que j'aide les femmes à tromper leurs oppresseurs ».  

Miser sur l'éducation

Il arrive également évidemment que la discussion débouche sur un refus du médecin. « Parfois, je leur dis « non », que cela n’a pas de sens de le faire. » Quand, par exemple, elle rencontre « des femmes qui ont du répondant, qui ne donnent pas l’impression d’être particulièrement menacées. » Il s’agit alors de se mettre d’accord sur d’autres solutions. Comme, par exemple, « mettre une ampoule de faux sang dans son vagin pour qu’elle saigne après le rapport. » Une solution qui couterait une vingtaine d’euros à peine.  
 
Car, pour le Ghada Hatem, « la seule chose qui peut faire avancer ce sujet, c'est l'éducation : l'éducation des garçons, des mères, pour que l'on arrête de considérer que la fille est la vitrine honorable de la famille. C'est tout cela qu'il faut déconstruire... et pas seulement empêcher les médecins de faire leur boulot »déclarait-elle à France Inter

 

Le CNGOF pour l’interdiction des certificats de virginité
Contacté par WUD, le Dr Joëlle Belaisch-Allart, membre du collège national des gynécologues obstétriciens (CNGOF), rappelle que « nous sommes pour l’interdiction des certificats de virginité, pour leur pénalisation. Il faut vraiment que l’on arrive à s’en passer, il faut interdire le fait d’en faire la demande, c’est une atteinte au corps des femmes. Nous nous demandons si la pénalisation sera la solution, mais, en tout cas, il faut l’interdire. Ce certificat n’a aucun sens, il n’a pas lieu d’être. Et je tiens à dire aussi qu’il n’y a pas de contradiction entre notre position et celle de Ghada Hatem »
JBG

 

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