FITSPIRATION J’ÉCRIS TON NOM
S’il y a un domaine qui fait réfléchir, voire carrément flipper, c’est bien les comptes #fitspiration. Contraction de « fitness » et d’« inspiration », cette tendance en ligne est censée promouvoir un habitus sain à base d’exercice physique et de nourriture healthy (soit 2 heures de crossfit tous les matins à 6 h et un demi-avocado toast en ration alimentaire journalière). En comparant 100 femmes adeptes des mantras « Strong is the new skinny » (« La force est la nouvelle maigreur ») versus 100 autres plutôt portées sur les photos de sunset et autres photos de voyages, un cinquième des #fitgirl étaient à risque de troubles du comportement alimentaire, contre moins de 5 % chez les autres (1). Au rayon #food, une autre étude retrouve un lien entre gros consommateurs de photos de #healthybowl et orthorexie (obsession de manger sainement proche des troubles du comportement alimentaire) (2).
TO SELFIE OR NOT TO BE
Le selfie, ou autoportrait fait avec un smartphone, est devenu un phénomène de société, dont Kim Kardashian est l’icône. La star aux 150 millions de followers sur Insta en a même fait un livre d’art, Selfish, publié chez Rizzoli en compilant ses 400 « meilleurs » selfies. Chiffres impressionnants, surtout quand on sait que le fait d’être satisfait de son image corporelle est associé positivement à la fréquence de publication de selfies, mais aussi aux conflits interpersonnels liés à Instagram. Ces deux derniers ayant été retrouvés associés à plus de ruptures amoureuses (3). Mais alors que se passe-t-il dans notre encéphale pour devenir accro à Instagram comme au Nutella plein d’huile de palme ?
LIKE IT OR PERISH
En passant collégiens et étudiants à l’IRM, l’équipe de Sherman perce une partie du mystère (4). Ils likent plus les photos déjà populaires (qui donc ont plus de like), car elles activent plus de zones cérébrales, notamment au niveau du noyau accumbens, impliqué dans le circuit de la récompense (4). Grâce à ce cercle vertueux de popularité, venant d’une popularité ex nihilo, Kylie Jenner (demi-soeur de Kim Kardashian) est devenue la milliardaire ayant bâti sa fortune la plus jeune au monde. Pour info, Kylie Jenner qui poste une photo de son bébé, ça fait 18 millions de like, soit pas mal de neurones en surchauffe. À l’âge où d’autres s’escrimaient sur les bancs de la fac sur l’embryogénèse des bourgeons faciaux primordiaux, la Miss Jenner créait un empire de la cosmétique et transformait son compte
Instagram (qui appartient à Facebook depuis 2012) en pierre philosophale
(1 million d’euros le post). Alors pour ce qui est de la santé mentale sur les réseaux sociaux, les conclusions ne sont pas claires, mais pour la santé des enjeux financiers on peut raccrocher le stétho sans remords.
Références :
1. Holland G., Tiggemann M. "Strong beats skinny every time": Disordered eating and compulsive exercise in women who post fitspiration on Instagram. Int J Eat Disord. 2017.
2. Turner P.G., Lefevre C.E. Instagram use is linked to increased symptoms of orthorexia nervosa. Eat Weight Disord. 2017.
3. Ridgway J.L., Clayton R.B. Instagram Unfiltered: Exploring Associations of Body
Image Satisfaction, Instagram #Selfie Posting, and Negative Romantic Relationship Outcomes. Cyberpsychol Behav Soc Netw. 2016.
4. Sherman L.E., Greenfield P.M., Hernandez L.M., Dapretto M. Peer Influence Via Instagram: Effects on Brain and Behavior in Adolescence and Young Adulthood. Child Dev. 2018 Jan.