Indus des professionnels de santé : la Cnam va-t-elle trop loin ?

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L’Assurance-maladie a lancé à l’automne 2020 des travaux pour évaluer les montants réels de la fraude sociale. Première profession à avoir été passée au crible : les infirmiers libéraux, puis elle s’est penchée sur les médecins.

Indus des professionnels de santé : la Cnam va-t-elle trop loin ?

© IStock

Dans le cas des infirmiers libéraux, le taux de préjudice financier (couvrant les pratiques fautives et frauduleuses) est estimé « entre 5 et 6,9 % » soit entre « 286 millions d’euros et 393 millions d’euros », pour un total de 7,5 milliards d’euros remboursés en 2021 par l'Assurance-maladie.

Les « fraudes » étaient principalement liées au non-respect de la nomenclature (62 % des dossiers), à des prestations fictives ou des facturations multiples (22 %), aux fraudes à la prescription (13 %), à l'exercice illégal de la médecine (1 %).

Hier, c’était au tour des médecins généralistes de passer sous les fourches caudines de l’Assurance Maladie. Pour les omnipraticiens, l’Assurance maladie aboutit à un préjudice financier sur 2018-2109 compris entre 185 et 215 millions d’euros, à mettre au regard des 6 milliards d’euros remboursés sur ce poste de dépenses en 2018.

Dans le cadre du PLFSS (Projet de loi de financement de la sécurité sociale), le gouvernement a tiré les enseignements de ces données et a décidé d’une politique que certains syndicats et notamment la FNI (Fédération nationale des infirmiers), ou encore le SML (Syndicat des médecins libéraux) pour les médecins dénoncent vivement.

Fraudeur un jour, fraudeur toujours ?

À partir d’un échantillon des factures émises par un professionnel de santé, la CNAM, si une anomalie est repérée pourra réclamer, par extrapolation, des indus sur la totalité de l’activité et pas uniquement sur les anomalies relevées lors du contrôle ! Le texte prévoit ainsi : « La récupération des indus sera facilitée en donnant une assise légale aux indus calculés par extrapolation et en donnant la possibilité de conclure un accord mettant fin aux possibilités de recours de l’une des parties ».

Les sanctions pourraient même aller jusqu’au « déconventionnement d’urgence ».

La FNI résume : « la moindre erreur de cotation, qui arrive à tous au moins une fois, ferait de vous un fraudeur permanent aux yeux de la Caisse. Les professionnels de santé, qui sont tous concernés par cette disposition, seront sanctionnés sur des fraudes supposées, mais non démontrées. Pour la FNI, l’instauration du radar sur l’activité qui déclencherait une matraque automatique relève de l’arbitraire ».

Pour le syndicat infirmier « supposer qu’un professionnel de santé, qui a commis une erreur une fois, est un fraudeur à grande échelle selon les calculs des algorithmes, est inacceptable et anticonstitutionnel. En outre, le droit à l’erreur est garanti par loi en cas de conflit avec l’administration ». Dans cette optique, si cette mesure était maintenue en l’état, la FNI prévoit d’engager « tous les recours pour obtenir son annulation ». Recours qui ont de bonnes chances d’aboutir puisque la preuve statistique ou algorithmique ne semble pas avoir droit de cité dans nos tribunaux.

Cette mesure inquiète d’autant plus qu’un éventuel recours au 49-3 pourrait permettre au gouvernement d’imposer l’entièreté du texte sans vote.

Frédéric Haroche
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