"Il n’y a pas de désert infirmier, il est temps qu’on utilise nos compétences"

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À l’heure où les déserts médicaux concernent entre 7 et 15 millions de Français, suivant les études, le partage des tâches semble être une des solutions. Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre des infirmiers nous éclaire sur le rôle que pourrait jouer les infirmiers afin de soulager les médecins.

"Il n’y a pas de désert infirmier, il est temps qu’on utilise nos compétences"

Patrick Chamboredon, Président de l'Ordre National des Infirmiers, souhaite que les infirmiers soient reconnus à leur juste valeur.  

What's up doc : François Braun et Agnès Firmin le Bodo ont invité les sept ordres des professions de santé à formuler des propositions pour répondre au problème des déserts médicaux, quelles sont celles des infirmiers ? 

Patrick Chamboredon : Il faut améliorer l’accès au médecin traitant en développant le partage d’actes et d’activités entre médecins et autres professionnels de santé, accélérer la mise en œuvre des mesures existantes en faveur de l’élargissement des missions des professionnels de santé. Enfin dans les territoires où la démographie médicale est particulièrement insuffisante et où le patient ne peut recourir en première intention à un médecin traitant, une mission d’orientation et de prise en charge de première intention sera désormais confiée aux autres professionnels de santé du territoire. Il faut valoriser les compétences des professions de santé au travers des dispositifs de formation et garantir une démographie des professionnels de santé cohérente avec les besoins de la population.
Concrètement, les médecins ne peuvent pas tout faire. Il faut se demander quels actes et activités peuvent être délégués vers les infirmiers. Pour les patients qui n’ont pas de médecin traitant et qui sont éloignés du système de santé, il faut qu’ils puissent voir d’autres professionnels de santé. Que nous commencions à faire les premiers soins et délivrer les premières conclusions, puis l’orienter ensuite vers un médecin. C’est très innovant.

Comment les infirmiers peuvent soulager les médecins, concrètement ?

P C. : À ce jour, nous pourrions adapter les posologies, renouveler des ordonnances, participer à l’éducation thérapeutique et l’orientation dans le système de santé. Il faudrait que les infirmiers en France aient un rôle proche de celui qu’ils occupent dans les pays nordiques.

La cartographie des infirmiers montre qu’ils couvrent bien le territoire ?

P C. :La cartographie démontre qu’il n’y a pas de désert infirmier. Ils sont également répartis sur tout le territoire. Et même dans les endroits les moins pourvus en médecin, il y a suffisament d’infirmiers disponibles. Et d’ailleurs, les infirmiers effectuent déjà certains actes.

Que répondez-vous à ceux comme MG France, qui "s’insurgent contre cette vente à la découpe des missions des médecins" ?

P C. : Il y a une liberté de parole syndicale importante, je ne trouve pas que leurs propos correspondent à la réalité sur le territoire. Les médecins et infirmiers travaillent de façon conjointe sans-souci. François Arnault, président du Cnom, co-signataire, en est conscient. Les médecins restent maîtres de la stratégie thérapeutique du diagnostic, à ce titre, on ne leur enlève rien. Mais pour les patients qui n’ont pas de médecins traitants, nous serions une offre complémentaire pour les ramener dans le circuit de soin. L’espérance de vie ne cesse de se dégrader à cause de cela. Je comprends qu’il y ait des postures syndicales, mais il faut que les professionnels continuent à travailler ensemble. Nous ne sommes pas en train de déshabiller l’un pour habiller l’autre. Nous sommes dans une offre complémentaire pour des patients qui ne sont pas pris en charge. C’est tout à fait ce qui apparaît dans les accords de CLIO. (Comité de Liaison des Institutions Ordinales)

Mais il y a aussi une pénurie d’infirmiers à l’hôpital ?

P C. : Ce n’est pas ce que j’observe ! Nous sommes 650 000 infirmiers. C’est le même nombre observé dans tous les autres pays européens, ramené à la population générale. Il y a environ 100 000 élèves qui s’inscrivent chaque année sur Parcours sup.  C’est un concours avec 35 000 à 45 000 places. Chaque année le nombre de diplômés augmente. De plus il y a de nouvelles mesures pour l’augmenter d’encore 20 %.

À ce jour, il y a des difficultés des hôpitaux pour recruter mais c’est une difficulté due à une inversion du rapport de force : les infirmiers sont plus regardants sur le projet de santé de l’établissement et les conditions de travail dans les services où ils vont exercer. Cela rend moins attractifs certains centres hospitaliers ou groupes hospitaliers. Par exemple, certains groupes hospitaliers ne versent pas certaines primes.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/les-medecins-vus-par-les-infirmieres-nous-sommes-leurs-eponges

Que devrait faire l’hôpital pour que les infirmiers reviennent ?

P C. : Le Ségur qui a amélioré les rémunérations hospitalières n’a pas été assez valorisé. La reconnaissance des compétences des infirmiers est aussi un sujet. Cela passe par l’argent, mais pas seulement. C’est surtout une reconnaissance de l’activité dans la prise en charge du patient. Les textes proposés au CLIO reconnaissent enfin les actes des infirmiers et reflètent leur exercice dans sa réalité.

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