« Il faut déconstruire les clichés de tueurs en séries sur les personnes atteintes de schizophrénie »

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Les journées de la schizophrénie fêtent leurs 20 ans ! Cette année elles se déroulent du 18 au 25 mars. Elles ont pour objectif de déconstruire les stéréotypes de cette maladie, qui concerne 24 millions de patients dans le monde dont 660 000 en France. Fantasmée dans l’imaginaire du grand public, cette maladie est finalement méconnue aussi la communauté médicale. Un comble !

« Il faut déconstruire les clichés de tueurs en séries sur les personnes atteintes de schizophrénie »

Sylvain Leignier, Psychiatre au Centres experts FondaMental Schizophrénie, au C3R à Grenoble et  Laurent Lefebvre, pair-aidant

La prise en charge et le diagnostic de cette maladie restent compliqués. Laurent Lefebvre, pair-aidant a été en « errance de diagnostic durant 10 ans ».
Pour Sylvain Leignier, Psychiatre au Centres experts FondaMental Schizophrénie, au C3R à Grenoble « le problème des médecins généralistes est qu’ils doivent tout connaître. La schizophrénie est enseignée d’une manière qui laisse croire que la maladie ne se manifeste que d’une seule manière. Alors que tous les patients n’auront pas les mêmes symptômes au même degré. Certains symptômes peuvent être plus ou moins facile à déceler. Si la personne délire, on y pense directement. Mais quand le médecin est confronté à des personnes qui ont des difficultés à sortir de chez eux ou des difficultés sociales c’est plus dur à identifier. »

La schizophrénie est une maladie mentale que l’on reconnait à « trois caractéristiques :

- les symptômes positifs comme les délires les hallucinations qui peuvent toucher les personnes,

- les symptômes négatifs qui vont se caractériser par un manque par rapport à un individu sain, comme un manque de motivation ou d’intérêt, un manque d’expression des émotions,

- les symptômes de désorganisation, une difficulté à construire sa pensée, un décalage dans les émotions, qui agit sur le comportement, par exemple, la personne va rire alors qu’elle raconte une histoire triste. »

tableau de classification pour identifier les patients atteints de schizophrénie

Laurent a été victime de ses premières hallucinations à l’âge de 23 ans, durant son service militaire. Il a cru voir de la fumée et des flammes et a crié au feu. « Au début, on m’a parlé de bouffées délirantes. J’ai demandé mon dossier médical, on m’avait diagnostiqué schizophrène, sans me le communiquer. Avant 2002, il était courant de ne pas donner le diagnostic au patient pour ne pas l’enfermer dans la maladie. Je pense que les médecins avaient peur que le patient perde tout espoir ».

En 2011, j’ai décidé de courir un marathon, je me suis fixé cet objectif pour être pris au sérieux et parler à la presse de cette maladie

Sylvain Leignier confirme : « C’est compliqué de communiquer un diagnostic de schizophrénie. La personne pense souvent aux stéréotypes de fou dangereux, de dédoublement de la personnalité et ne vont pas s’approprier le diagnostic. Le cinéma est souvent en cause dans cette image qu’ont les gens des schizophrènes. Ils pensent à Psychose d’Hitchcock ou aux tueurs en séries ». Pour Laurent les réseaux sociaux participent aussi à cette vision diabolisante de la maladie alors que « seul 1 % des schizophrènes commettent des actes criminels. La population pensent que nous switchons d’un coup comme dans Docteur Jekyll et Mister Hyde, alors que la majeure partie du temps nous sommes plutôt en décompensation dans un état plus proche de la dépression. »

Sylvain Leignier porte son travail sur « la déconstruction des stéréotypes : comprendre si le patient partage la même compréhension de la maladie que celle du médecin et de la vision médicale. Et surtout assez rapidement le mettre en contact avec des personnes qui vivent la maladie pour qu’il y ait un message d’espoir. » La clé est de travailler sur une « approche globale. On va être focus sur la qualité de vie des personnes, les compétences qui vont être adaptées au moment où le diagnostic est posé et en fonction de la vie de la personne ».  

De son côté, Laurent en a eu marre de cette stigmatisation : « très vite j’ai voulu témoigner. En 2011, j’ai décidé de courir un marathon, je me suis fixé cet objectif pour être pris au sérieux et parler à la presse de cette maladie. Je voulais prouver, à un moment où l’on entendait que les antipsychotiques avaient beaucoup d’effets secondaires, que l’on pouvait courir un marathon sous antipsychotique. J’ai réussi, après 4 ans et demi d’entraînement. Par la suite, j’ai fait des conférences. Puis, je suis devenu pair-aidant, pour ne plus jamais voir un schizophrène se suicider car incompris. »

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/le-psychodon-2020-le-grand-show-pour-les-troubles-psychiques

« Avoir une vision plurielle des schizophrénies, aiderait les médecins. Il y a des faiblesses dans nos catégorisations, nous évaluons la personne à un temps T et non dans la globalité. Un autre axe d’amélioration serait de montrer des reportages de patients qui témoignent de leur maladie. Et pour les étudiants en médecines qui le souhaitent, en formation initiale, leur faire rencontrer des pairs aidants. » conclut  Sylvain Leignier.

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