Fendre la mère

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Ciné week-end: Notre enfant, de D. Lerman (sortie le 18 avril 2018)

Fendre la mère

Médecin à Buenos Aires, Malena a entrepris une démarche d'adoption. Mais elle se rend progressivement compte que, dans son propre pays, être mère a un prix soumis à une loi du marché qui ne dit pas son nom. Un film dur qui mêle habilement le social et l'intime...

Dès les premières images du film, on sait qu'on fera la route avec Malena, cette femme constamment prise entre doute et détermination. On la verra s'emballer puis réfléchir, résister et se soumettre, souvent dans la même séquence. Malena n'est pas une femme particulièrement instable ou torturée. Malena est juste une femme en souffrance, dans un pays où toute souffrance semble bonne à exploiter. Alors que le réalisateur nous promet d'assister à un drame intime, on comprend peu à peu que c'est un enfer social qu'il a choisi de nous faire visiter minutieusement. 

Sans esbrouffe mais avec un recours à la métaphore particulièrement - voire trop - appuyé, Diego Lerman choisit pourtant de ne jamais totalement basculer dans la dénonciation. En soumettant son héroïne à une fatalité quasi-biblique, il semble en faire une martyre des temps modernes tout en prenant soin de souligner le consentement de la victime à ce système. Durant la longue première moitié de ce conte moral, le risque de laisser le spectateur sur le bas-côté est grand. 

Pourtant, le film finit par trouver sa singularité au moment où Malena "apprend" à être mère. On ne révèlera pas de quelle façon, on vous dira juste à quel point l'âpreté de son apprentissage est le reflet de la cruauté d'un système particulièrement pervers.   Cette microsociété ayant décidé de prospérer sur le marchandage du corps et du psychisme des femmes en souffrance d'enfant - celles qui ne peuvent les garder tout comme celles qui ne peuvent les porter -, semble ne pas être motivée uniquement par un objectif pécunier, mais bien plus par une volonté méthodique d'humilier la femme pour en perpétuer la soumission. C'est en cela que la dimension du film est particulièrement terrifiante...

Source:

Guillaume de la Chapelle

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