En Afghanistan, MSF s’organise entre Covid, malnutrition infantile et camps de déplacés

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A Hérat, en Afghanistan, l’ONG Médecins Sans Frontières propose un soutien depuis 2018. Conflits, sécheresses, populations déplacées, prise en charge des enfants malnutris... Le programme était déjà chargé et voilà que la pandémie s'en mêle. Le Dr Aline Plener, référente médicale projet chez MSF, témoigne.
 

En Afghanistan, MSF s’organise entre Covid, malnutrition infantile et camps de déplacés

Hérat, 17 heures, heure locale. Aline Plener a enfin quelques minutes à elle, juste assez pour répondre à nos questions. Ici, les journées sont chargées et chaque instant compte.
 
Arrivée de Port-au-Prince au mois de décembre, cette médecin de 37 ans ne ménage pas ses efforts. Ses journées, elle les passe entre l’hôpital, pour la gestion de la crise Covid, l’IDP clinic (centre de traitement ambulatoire pour les deplacés internes) et l’ITFC (service d’hospitalisation pour les enfants malnutris).
 
Des missions qui s’imbriquent malgré des adaptations nécessaires eu égard à la situation sanitaire. « Sur les projets réguliers, il a fallu s’adapter, protéger les équipes, leur fournir des masques notamment. Comme partout, cela a été un challenge pendant la première vague », explique Aline Plener.
 
Des missions Covid ont nécessairement dû naître. « Hérat et Kaboul sont les deux "hotspots" de l’épidémie en Afghanistan à cause de la proximité des frontières et des mouvements de populations.»

 A l’entrée de l’hôpital, on place 2 ou 3 personnes, de préférence des hommes avec une carrure imposante et une voix qui porte. Ils rappellent de respecter les distances de sécurité, de porter un masque et de consulter en cas d'apparition de symptômes. 

A l’entrée de l’hôpital régional, MSF a établi ses quartiers. Au programme, triage des patients : « il faut identifier les cas suspects de Covid, les tester, permettre une prise en charge en ambulatoire pour les patients légers, proposer un suivi téléphonique à ceux  présentant des facteurs de risques. Les patients sévères qui ont besoin d’oxygène sont admis dans un des deux centres traitements Covid », détaille Aline Plener.
 
L’un de ces centres est mis en place par le ministère de la Santé, l’autre a été installé par MSF en décembre. « On a 32 lits mais actuellement nous sommes sur une phase descendante, on va probablement fermer à la fin du mois de février ».
 
Du côté de la prévention, il faut faire avec les moyens du bord : « à l’entrée de l’hôpital, on place 2 ou 3 personnes, de préférence des hommes avec une carrure imposante et une voix qui porte. Ils rappellent de respecter les distances de sécurité, de porter un masque et de consulter en cas d'apparition de symptômes. »

Maintenir les activités habituelles malgré la pandémie, une nécessité  
 
En Afghanistan, la vaccination Covid n’est pas encore à l’ordre du jour. « La situation est encore très floue pour l’instant, le ministère de la Santé a reçu des doses venant d’Inde et de Chine. Il est en train de planifier la stratégie, et la campagne débutera probablement aux mois de mars et avril pour les publics prioritaires à savoir le personnel médical, puis les forces de sécurité et ensuite les personnes âgées ou à risques ». Avant d'entamer cette campagne, le pays attend notamment les certifications de l’OMS.
 
« MSF ne sera pas impliqué dans la vaccination mais on suit de loin pour savoir si le personnel pourra être vacciné. On va aussi s’assurer que les équipes soient mobilisées pour cette campagne mais sans impact sur l’activité régulière. La Covid a notamment eu un effet sur l’épidémie de rougeole en perturbant la vaccination infantile. »

Dans le service pédiatrique contre la malnutrition on a désormais besoin de 3 salles d’isolement : une pour la rougeole, une pour la tuberculose et une pour la Covid.

Concernant les missions habituelles, la pandémie vient là aussi perturber l’écosystème : être en mesure de tester rapidement les personnes déplacées dans les camps devient une priorité, tout comme déménager le service de malnutrition, à l’origine installé dans un hôpital transformé en centre Covid. Flexibilité et réactivité sont donc les mots d’ordre.
 
« Dans le service pédiatrique contre la malnutrition on a désormais besoin de 3 salles d’isolement : une pour la rougeole, une pour la tuberculose et une pour la Covid. Or on a été déplacé et on se retrouve dans un bâtiment pas forcément adapté. On attend de savoir si on va encore déménager et où ». En attendant, il faut s’adapter notamment en réduisant le nombre de lits quand le personnel tombe malade. « On arrive à fonctionner, mais ce n’est pas idéal. La santé infantile est laissée de côté par les autorités, on espère une amélioration dans les mois qui viennent », explique Aline Plener.

© Waseem Muhammadi/MSF 
 
Là-bas, la situation hors Covid ne devrait pas se calmer de si tôt. « Même si Hérat est située dans une province plutôt calme, dans tout le pays on s’attend à plus de troubles au niveau de la sécurité. Les discussions à Doha avec les Talibans ne se passent pas bien et une nouvelle sécheresse s’annonce. On s’attend donc à beaucoup de déplacements et donc des populations dans des conditions précaires à prendre en charge. »

Okapi et vocation 
 
Malgré ces difficultés, il n’y a pas un jour où Aline Plener regrette son engagement chez MSF. « J’y suis depuis 2012, dès la fin de mes études ». Pour elle, rejoindre l’ONG est une évidence depuis le jour où enfant, en feuilletant le magazine Okapi, elle a vu le travail de MSF expliqué en BD.  « C’est devenu une idée fixe. J’ai fait médecine pour cette raison. » Son seul retour en France pour toute une année remonte à 2017. « J’ai eu besoin de souffler après une mission au Yémen, de replonger dans un quotidien normal », se rappelle-t-elle.  « J’ai travaillé en unité de soins palliatifs, j’avais besoin de trouver le poste le plus humain possible, laisser de côté la technicité. »  
 
Et puis l’envie de repartir s’est vite fait ressentir à nouveau, et aujourd’hui Aline Plener a trouvé son équilibre. « Je suis de plus en plus résiliente par rapport à ce que je vois et je fais des pauses tous les ans de quelques mois en France pour recharger les batteries entre 2 missions. » Et depuis ses 10 ans, sa passion pour son métier est toujours intacte. « Pour rien au monde je ne changerais de travail ».
 

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