Dry january « Quand je parlais à mes patients en addicto, avant c’était de la théorie, là je l’ai un peu vécu »

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Quand Husen Ali-Diabacte, un jeune psychiatre, interne dans un service en addictologie, se lance le Défi de Janvier (Dry January), ce n’est pas anodin : bien sûr ça interroge sa pratique avec ses propres patients, mais finalement c’est à lui-même qu’il a fait le plus de bien, au point de décider de recommencer tous les ans. Vivement l’année prochaine ?

Dry january « Quand je parlais à mes patients en addicto, avant c’était de la théorie, là je l’ai un peu vécu »

Husen a 28 ans, un look cool, un ton cool, bref, il est cool. Et en cette début d’année il a décidé de se lancer dans un challenge cool : Le Défi de Janvier (plus connu sous le nom : Dry January), un mois en entier sans alcool. Cette décision lui a été soufflée par sa chef de service. Il faut dire, qu’Husen est « interne en 5ème semestre de psychiatrie, actuellement en addictologie ». Ceci explique un peu cela. « Elle m’a dit, moi je vais faire le Dry January, tu vas voir c’est drôle. On observe des réactions de surprise autour de nous, ça interroge les gens. Ça permet de voir où on en est au niveau de l’alcool. »

Et ces réflexions ont reçu un vrai écho dans l’esprit d’Husen : « C’était un mois après mon début de stage. A un moment où je commençais à m’interroger moi-même sur ma consommation. Ce n’est pas que je sois vraiment fêtard. Je ne sors pas tant que ça, mais j’avais réalisé que je me retrouvais facilement dans un bar, ou chez des amis, en contact avec de l’alcool. »

« Donc oui, avant d’attaquer le Dry January, j’avais une consommation d’au moins un verre d’alcool quotidien, ça c’était une base. Et puis, deux ou trois fois par semaine, je pouvais boire facilement plusieurs pintes »

Pourtant, médecin, psychiatre et donc en addictologie en ce moment, Husen connait les préconisations de The Lancet. « Ces doses d’alcool recommandées ne sont tenables que si on décide de gérer sa consommation en conscience. Qu’à chaque verre qu’on nous propose, on se dit, non, ça va augmenter mes risques cardio-vasculaires, non ça va augmenter mon risque hépatique. Si on mène une vie d’une personne de ma génération, c’est impossible… »

« C'est plus simple de tenir un mois sans alcool, quand tu n'as rien à faire, quand tu es détendu »

Mais, une fois lancé dans le Défi de Janvier, Husen a tenu, sans trop de problème même. « C’est plus simple de tenir un mois sans alcool, quand tu n’as rien à faire, quand tu es totalement détendu. Car dans les moments de tension, j’ai bien vu que j’avais envie de boire. Donc j’ai compris que pour quelqu’un qui est pris dans une vie difficile, c’est plus compliqué… »

Pourtant ses amis ne lui ont pas particulièrement facilité la tâche. S’il n’a fait l’objet d’aucune raillerie, « à la rigueur je me suis fait chambrer une fois ou deux », aucun n’a voulu être son compagnon de route vers la sobriété. « Zéro, personne n’a voulu me suivre ».

Alors pour ne pas craquer, Husen a employé quelques stratégies de psychiatre. Celles qu’il propose justement à certains de ses patients en sevrage. « Des petits trucs simples, comme servir sa grenadine dans un verre à vin. Ça change tout, tu as un beau verre comme tout le monde et tu sirotes. Avec le verre à soda, ça ne marche pas. »

« Des méthodes pour aider les patients aussi. Par exemple contrer la pensée permissive, comme : ‘allez, un tout petit verre…‘, ‘qu’est-ce que c’est un petit verre ?‘ Tu te leurres. Mais vu que je connais ces mécanismes, j’ai pu plus facilement me défendre et tenir tout le mois. Je sais que même un tout petit verre, ce n’est pas rien, donc non ! »

Et déjà, ce défi l’aide dans sa pratique au quotidien en addicto, dans sa compréhension de ce que ses patients ressentent, de ce qu’ils peuvent vivre : « Quand j’explique les stratégies pour tenir à mes patients, je me vois dans un bar, avec mes amis en train de boire autour de moi, et moi en train d’appliquer ces mêmes stratégies mentales pour ne pas succomber. Du coup, je vois encore plus comment expliquer les choses à mon patient. Maintenant, je l’ai un peu vécu, alors qu’avant c’était juste théorique. »

Et c’est pour lui-même, finalement, qu’il garde le plus de bénéfices de son Janvier sans alcool. « J’ai compris, par exemple que ce n’est pas parce qu’on est dans un bar, qu’on doit boire de l’alcool. Il y a plein d’autres choix. Par exemple, j’ai redécouvert le jus de tomate. Et désormais je me poserai la question, sur oui ou non est ce que je veux prendre de l’alcool. Jusqu’à maintenant, je rentrais et je prenais une pinte automatiquement. J’ai réalisé aussi qu’un grand verre d’eau peut te passer l’envie de boire de l’alcool, parce que parfois tu as juste besoin de t’hydrater. »

Et clairement, Husen ne parait pas spécialement frustré, ni même pressé d’en finir et d’attaquer le mois de février. Au point qu’il n’avait même pas percuté que Janvier, techniquement, se termine ce soir à minuit, et qu’il peut fêter ça : « Je n’ai pas hâte que ça se termine pour faire une grosse fête. »

« Je compte bien évaluer l'effet que ça aura sur ma consommation tout au long de l'année »

Alors bien-sûr Husen va reboire, mais différemment, en conscience dorénavant. Pour lui, désormais, le défi de Janvier sera un rendez-vous annuel. « Je ferai le ‘Dry‘ tous les ans. Et je vais essayer de recruter des personnes pour le vivre avec moi. Et je compte bien évaluer l’effet que ça aura sur ma consommation tout au long de l’année. Et si je vois qu’il n’y en a pas, je recommencerai l’année prochaine avec le défi en plus, d’avoir des suites pour l’année qui vient. »

Parce que oui Husen a trouvé un vrai sens à son Défi de Janvier, pour lui-même, sa santé, et pour son métier. « C’est quand même bon de réussir à gérer ses comportements, ne pas simplement se laisser porter par les habitudes, les addictions. C’est quand même mon travail d’aider les gens à réguler leur comportement. Je ne peux pas être paradoxal : faites ce que je dis et pas ce que je fais. »

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