Dry January : « quand on commence à compter ses verres, on se rend compte qu’on consomme plus qu’on ne le croit »

Article Article

Camille Barrault est hépato-gastro-entérologue et addictologue. Naturellement pour elle, le mois de janvier est l’occasion de lever le pied, ou plutôt poser le coude. Quels sont les points forts du Défi de Janvier ? Entretien.

Dry January : « quand on commence à compter ses verres, on se rend compte qu’on consomme plus qu’on ne le croit »

Le Défi de janvier, ou Dry January chez nos (ex) amis Anglais, consiste à diminuer voire arrêter sa consommation d’alcool durant un mois. « L’alcool est la 3e cause de mortalité évitable en France après le  tabac et l’hypertension ainsi que la première cause de maladie du foie, causant 40 000 décès par an. Pourtant en France, il y a une culture de l’alcool, c’est très banalisé et les lobbys alcooliers et viticoles sont puissants », entame Camille Barrault.

L’idée du Défi de janvier, c’est que « chacun fasse comme il souhaite mais se donne un défi. Cela permet de prendre conscience de sa consommation. Quand on commence à compter on se rend compte qu’on consomme plus qu’on ne le croit. Parmi les gens qui font ce défi, il n’est pas rare qu’ils modifient ensuite durablement leur consommation. Et pour les personnes pour qui c’est difficile, cela permet de se rendre compte qu’on a un problème, qu’on n'arrive plus à contrôler, et de consulter », poursuit Camille Barrault. « L’idée est de se mettre tous ensemble et d’en parler de manière forte. Il y a un tabou en France vis-à-vis de l’alcool, il faudrait consommer de façon modérée. Si on ne boit pas en soirée, les gens s’étonnent. Si on boit trop, on est stigmatisé aussi. »

Peut-on parler de quantité normale d’alcool ?

« Depuis une très grande étude de l’OMS, parue dans le Lancet, on sait que la seule consommation sans risque, c’est la consommation 0. L’idée est de faire prendre conscience aux Français que la consommation d’alcool n’est pas banale et qu’il y a des risques dès un verre par jour », précise Camille Barrault. Avant de poursuivre : « depuis cette étude, un travail d’experts français a permis d’avancer de ce côté-là et de prendre en compte les risques pour la santé globale, physique, psychique, le bien-être. En France ce serait difficile de proposer aux gens de consommer 0. Ils ont essayé de trouver des seuils : risque bas, médian, haut ou très haut ». Bilan, pour limiter les risques :

  • Pas plus de 40 grammes par jour pour les hommes (soit 4 verres) et 20 grammes pour les femmes (soit 2 verres) et pas plus de 100 grammes par semaine d’alcool pur, soit un équivalent de 10 verres standards ;
  • A cela, on ajoute 2 jours sans alcool, « pour voir si on peut s’en passer » ;
  • Et pas plus de 4 verres par occasion.

Cette année, le Défi de janvier est fort de nombreux soutiens : « il y a de plus en plus d’associations et sociétés savantes ((AFEF, ANGH, SNFGE et beaucoup d’autres) mais aussi des villes qui s’engagent, c’est nouveau donc cela montre bien que le phénomène prend de l’ampleur. C’est le cas de Brest, Grenoble, Lyon, Nantes et Toulouse ».

Un grand absent néanmoins : le ministère de la Santé, qui soutient notamment d’autres initiatives équivalentes, comme le Moi(s) sans tabac.

Comment parler alcool avec ses patients ?

« Il faut le faire avec chaque nouveau patient et en reparler tous les ans. En tant que médecins, cela doit faire partie des questions qu’on pose de façon systématique, comme le tabac, les médicaments, la contraception... Tous les soignants doivent le faire. Pourtant souvent ils manquent de temps et peut-être de formation vis-à-vis de l’alcool. En France clairement, on pêche au niveau de la prévention, on soigne bien mais on prévient mal », précise Camille Barrault.

Mais c’est aussi une bonne occasion pour vous questionner vous-même. « Les médecins ne se questionnent pas suffisamment, ils sont soumis, particulièrement en ce moment, à une pression, un stress. La profession est en difficulté. Il peut y avoir la tentation de prendre un verre le soir pour se détendre, d’avoir l’impression d’un besoin de décompresser avec l’alcool, surtout par exemple lorsque l’on a un travail prenant et une famille ».

Le Défi de janvier ne se veut pas moralisateur, il est simplement là pour amorcer un questionnement, une réflexion. « L’idée est surtout d’être en meilleure forme. On peut prendre du plaisir, sans consommer beaucoup ».

Les gros dossiers

+ De gros dossiers